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Index Card RPG – Un bijou à découvrir

Index card rpgIl y a des jeux qui ne font rien pour que vous y jetiez un œil : ils ont un titre à chier (non, sérieux, « Index Card RPG » donne l’impression que c’est un jeu où l’on incarne des cartes de visite) et, de loin, ils ressemblent à la foultitude de clones de D&D qu’on trouve sur le net. Et pourtant, outre qu’il est un bon jeu, ce petit ovni qu’est ICRPG regorge de bonnes idées que l’on peut piller pour toutes nos parties. L’auteur nous y encourage, même, alors pourquoi se priver ?

Index Card RPG en deux mots

C’est donc, au premier regard, un clone de D&D. Six caractéristiques qui donnent un bonus au d20 que vous lancez pour atteindre une difficulté. Jusque là, rien de neuf. Votre personnage a une classe, du genre archer, prêtre ou mage, toujours rien de neuf. Mais la comparaison s’arrête là. Impossible de faire le tour de tout ce qui caractérise ce jeu, je vous encourage à la lire pour ce faire (16 $ sur Drivethrough, mais il existe un quickstart gratuit pour vous faire une idée). Par contre, attardons-nous sur quelques petits trucs qui peuvent être réutilisés dans d’autres jeux.

Le jet d’effort

On connait tous ça : en combat, je lance le dé pour attaquer, et si je touche, je lance mes dés de dégâts pour voir combien de points de vie perd mon adversaire. Quand j’aurai accumulé assez de dégâts au fil des tours, mon adversaire sera mort. ICRPG propose de tout jouer comme en combat pour toutes les actions, et de généraliser l’habituel jet de dégâts, qu’il renomme jet d’effort. Je sens que vous avez besoin d’un exemple ou deux, j’y viens, mais je dois encore préciser une chose : le type de dé du jet d’effort dépend de la manière dont vous accomplissez votre action. De base, c’est 1d4. Les dégâts des armes font 1d6. La magie permet un effort à 1d8, et chaque personnage a aussi un score d’effort ultime à 1d12 utilisé après un 20 naturel. Évidemment, ces scores d’effort de base peuvent être améliorés à la création du perso et par la suite.

Mais je vous avais promis un exemple : Le voleur tente de crocheter la porte. C’est une serrure magique bien conçue, elle a donc l’équivalent de 20 points de vie. Tour 1, le voleur lance son jet de dextérité. Il réussit, il lance donc son jet d’effort (1d4+2 par exemple). Il obtient 4. Il devra donc réitérer son jet dans les tours prochains jusqu’à ce qu’il ait accumulé 20 points d’effort pour « vaincre » la serrure. Si au deuxième tour il fait 20 à son jet de dextérité, il pourra lancer son dé d’effort ultime, soit 1d12, ce qui lui permettra peut-être de progresser plus vite. La mécanique fonctionne tout autant si un personnage veut déchiffrer un vieux codex, s’il recherche des informations sur un gangster sur les docks, s’il escalade une falaise, s’il dresse un animal, s’il construit un château, etc.

Et je vous entends déjà me dire que c’est un peu chiant de lancer plusieurs tests pour accumuler de l’effort alors qu’on peut faire un simple test et décider du succès. Et vous auriez raison, si le jeux ne proposait pas deux autre mécaniques qui, utilisées de concert, rendent les choses bien plus intéressantes…

Le jeu « tour par tour »

En combat, nous avons l’habitude de découper le temps en rounds pendant lesquels chaque personnage joue à son tour. Ici aussi ICRPG propose de tout jouer comme en combat. On joue donc toujours en tour par tour, sauf que, évidemment, la durée du round varie selon la situation. Elle peut être comptabilisée en moments (pendant un combat, une course poursuite, etc.), en heures (réparer une armure, se soigner, déchiffrer un parchemin) ou en jours (construire un bâtiment, créer un objet magique, entraîner une armée, voyager vers un pays lointain, etc.)

Chaque personnage peut donc, à son tour, réaliser une action et accumuler de l’effort dans le but de terminer sa tâche. Je vous sens encore d’humeur à vouloir un exemple : deux personnages arrivent dans leur village natal après une aventure trépidante mais épuisante. Le MJ a prévu que ce sera l’occasion pour les personnages de se ressourcer, il annonce que les rounds durent désormais un jour. Au premier tour, le guerrier retourne à la forge de son père. Il y découvre que ce dernier est malade et qu’il a pris un apprenti un peu maladroit. Le guerrier déclare au MJ : j’utilise mon tour pour former ce petit gars à la forge. le MJ décide qu’avec un peu de pratique, l’apprenti y arrivera : c’est une tâche à 10 PV. Le joueur lance son jet de charisme, qu’il réussit. Comme il s’agit de forger des armes, le MJ lui autorise à lancer un jet de dégâts d’armes pour son effort. 1d6+2 = 4. Au soir du premier jour, l’apprenti commence à apprendre mais il y a encore du boulot. Le deuxième personnage est le magicien. Il a ramené de ses aventures un vieux grimoire poussiéreux qu’il décide de déchiffrer. Le MJ sait que ce livre est un enjeu important de sa campagne. Il déclare une tâche à 40 points de vie. Au fil des tours (et donc des jours), le magicien accumulera de l’effort jusqu’au déchiffrement complet du grimoire.

Et là, de nouveau, vous vous dite « OK, mais ça sert à rien, un seul test aurait pu suffire : soit l’apprenti est formé, soit non, et le grimoire est déchiffré ou pas ». Certes, mais c’est sans compter sur notre troisième mécanique…

Le timer

On vous la fait depuis toujours au cinéma : la bombe va exploser dans 42 secondes, l’étoile noire sera à portée de tir dans une minute, etc. Le timer d’ICRPG a le même effet : décider d’un événement qui va tout bouleverser et provoquer un rebondissement.  Le timer est un d4 que le MJ lance à la vue de tous (il relance les 1). Dans un nombre de rounds équivalent au score obtenu, quelque chose va se passer. Parfois les joueurs savent quoi, parfois pas. Ça peut être un truc que le MJ a prévu, ou bien un événement qu’il va improviser. Quoi qu’il en soit, quelque chose d’important va se passer. Dans notre exemple ci-dessus, la ville pourrait être victime d’une terrible inondation causée par la fonte trop rapide d’un glacier (ce qui conduira les personnages à essayer de comprendre pourquoi). 1d4 rounds, donc dans cet exemple, 1d4 jours. Les joueurs voient ce d4, ils savent que quelque chose arrive. Du coup, ça devient plus important de savoir si l’apprenti sera formé à temps ou si le livre sera déchiffré (OK, surtout le livre, je vous l’accorde).

La magie du truc, c’est que ça marche pour tout. Dans 1d4 rounds…

  • le piège recrache de l’acide dans la pièce (c’est donc important de savoir si le voleur ouvre la porte à temps ou pas)
  • le dragon souffle de nouveau (c’est donc important de savoir s’il sera vaincu avant)
  • un nouveau robot tueur s’anime (les personnages auront-ils désactivé le serveur à temps ?)
  • le pont s’effondre (les personnages auront-ils traversé ?)
  • la porte se referme (tous les otages auront-ils eu le temps de fuir ?)
  • le portail vers l’enfer s’ouvre (le rituel de protection sera-t-il terminé ?)
  • les croiseurs du Nouvel Ordre arrivent (la résistance aura-t-elle évacué sa base avant ?)

Et on peut même combiner plusieurs timers : imaginez une décompte pour savoir quand le pont va s’effondrer, quand des renforts vont arriver et quand le dragon pourra utiliser son souffle à nouveau. Vous pouvez même vraiment foutre le bordel en utilisant des timers en rounds mais aussi en tours. Baissez le score du d4 à la fin du tour de chaque joueur. Vous parlez d’un sentiment d’urgence !

L’important c’est de toujours avoir un timer. Ainsi les joueurs vont à l’essentiel, on évite les longs moments où les persos font du shopping et partent tous azimuts sans que rien ne se passe. Si je sais que j’ai trois jours avant un événement important, je vais me focaliser sur ce que je juge prioritaire. En combat, si vous avez un enjeu lié à un timer, ça rend les scènes tout de suite plus tendues. Un bon outil pour créer des scènes mémorables !

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Il y a encore beaucoup à dire sur Index Card RPG. On pourrait parler de la difficulté unique par rencontre, du système de distances utilisant une banane (si si !), de la maquette géniale, de la qualité des textes qui en font un modèle d’explication de règles, des conseils pour créer des rencontres ou des scénarios, des cartes illustrées qui donnent son nom au jeu. Nous y reviendrons donc certainement dans un prochain article.

Et vous, avez-vous lu ICRPG ? Qu’en avez-vous pensé ? Dites-nous tout !

 

 


Les lectures du moment

Au vu du nombre effarant de visites sur mes articles FATE, je devrais faire un nouvel article sur ce système. Après tout j’ai reçu Spirit of the Century il y a quelques jours. Mais ce sera pour plus tard, puisque j’en ai à peine commencé la lecture. Par contre, je lis actuellement trois livres (oui je sais, ça serait plus efficace d’en lire un à la fois, mais on ne se refait pas). De ces trois ouvrages, un seul est un jeu, mais les trois recèlent des éléments utilisables à la table de jeu, ou en tout cas pas loin. 

Within

withinSi vous suivez l’actualité du jdr, vous ne pouvez pas être passé à côté. Vous en avez sans doute entendu parler parce que: a) la souscription date d’il y a si longtemps que même les souscripteurs l’avaient oublié; b) on ne s’attendait pas à un tel pavé; c) c’est tout de même un jeu de Benoît Attinost qui a intelligemment demandé à Jérôme Larré de créer le système de jeu ou d) au final ça valait le coup d’attendre, c’est une tuerie.

Revenons un peu en arrière. En 2011 sortait Le diable du New-Hampshire, un kit d’initiation accompagné d’un gros scénario pour « la prochaine production des Écuries d’Augias signée Benoît Attinost ». Bon, c’est vrai, « prochaine », c’était un peu exagéré puisque nous voilà plus de trois ans plus tard, mais ce kit était très intéressant. D’abord pour le système qu’il proposait: on joue à Within sans dés, et les joueurs restent toujours responsables de ce qui arrive à leur perso, bien que leurs choix aient des répercussions. Ensuite pour le scénario, tout à fait excellent, qui mettait les PJ dans la peau d’agents à la Esprits Criminels chargés de traquer un tueur en série. Le scénario était bien ficelé, d’une qualité dépassant largement ce qu’on trouve généralement dans des kits d’introduction. Bref, ça n’augurait que du bon pour Within.

À la toute fin 2014, le livre de base de Within sortait enfin. C’est un gros pavé bien lourd, ce qui pour moi était une surprise. Alors y a quoi dedans ? D’abord le système de jeu, forcément plus élaboré que celui du kit d’intro. Le système reste donc diceless bien que des jetons puissent faire intervenir une part de hasard, parfois contrôlée par les joueurs. Les règles semblent parfaites pour le genre d’horreur que propose Within. Les joueurs restent aux manettes et ont toujours le choix des réactions de leur personnage, bien que ce choix soit toujours assorti de conséquences qui peuvent affecter le perso mais aussi ses compagnons. Tous les éléments s’emboîtent parfaitement pour former un tout cohérent, pas trop difficile à prendre en main. Il pêche un peu par une présentation des éléments pas toujours dans l’ordre où on les attendrait, mais une fois lu en entier, on comprend tout et on en contemple l’efficacité. Au point que l’idée vient immédiatement de jouer à l’Appel de Cthulhu avec ce système.

Le reste du livre, et c’est un fameux morceau, présente l’univers de Within, horrifique, conspirationniste, assez flippant. Nous sommes dans un univers contemporain dans lequel le surnaturel prend une place de plus en plus importante. Certaines sociétés secrètes s’en inquiètent, et les PJ, qui peuvent (mais ne doivent pas) être affiliés à ces sociétés vont y être confrontés. Je ne décris pas plus pour ne pas en dire trop, mais on se trouve entre Hellraiser et Kult. Loin de l’île aux enfants.

Bref, Within vient remonter le niveau d’une année 2014 en demi-teinte au niveau des productions françaises. (Ceci sans jeter le bébé avec l’eau du bain. 2014 a tout de même vu les naissances de Nanochrome, Krystal, World War Korea ou City Hall, donc c’était peut-être moins bluffant que les années précédentes, mais il y a tout de même des perles à sauver). On attend maintenant le suivi. L’écran ne devrait d’ailleurs pas tarder.

Writing for Emotional Impact

Writing for emotional impactOui, c’est en anglais, et non, ça ne parle pas de jeu de rôle. Ce bouquin de Karl Iglesias, un script doctor et conférencier spécialisé dans l’écriture pour l’écran (cinéma et télévision) est une mine de conseils pour ceux qui aspirent à écrire des scénarios pour l’industrie cinématographique. Le bouquin n’est pas destiné aux débutants, puisqu’il ne reprend pas les bases. Il se présente en réalité comme un supplément à tous les ouvrages techniques sur l’écriture, aux cours fournis aux étudiants et autres articles de conseils. Le livre va plus loin en, comme son titre l’indique, donnant les trucs et astuces pour que votre script ne soit pas juste bon, mais ait un effet émotionnel sur le lecteur (oui, le lecteur, car avant d’être apprécié par des spectateurs, le script doit passer entre les mains de lecteurs).

Alors pourquoi je lis ça ? Je ne me destine pas à écrire le scénario du prochain Christopher Nolan (mais bon, allez savoir). Mais j’écris des jeux de rôles, des scénarios et je maîtrise pas mal de parties. Et dans ce livre, beaucoup de conseils peuvent s’appliquer à un auteur de scénario, un MJ, voire à un joueur.

Prenons la partie sur le concept et l’idée de base. Le livre présente ce qu’un bon concept doit être et quelle réaction il doit induire chez le lecteur. Tous ces conseils s’appliquent à un scénariste de jeu de rôle: une idée familièrement unique, la promesse de conflit, l’importance du contraste, l’ajout d’une seconde idée, l’inversion de l’intrigue prédictible, le côté ultime des idées, l’utilisation d’une limite de temps, les dilemmes, etc. Le livre donne même des astuces pour créer un high concept, ou à défaut rendre un low concept intéressant. High concept ? Oh mais c’est le nom du premier aspect d’un personnage de FATE… Tout est dans tout…

L’ouvrage continue en évoquant le thème, le message sous-jacent du scénario. Si un thème rend un film plus fort, alors il n’y a pas de raison qu’il en aille différemment d’un scénario de jeu de rôle. Et puis on passe aux personnages et les façons des les rendre uniques, attirants, de créer l’empathie. Cette partie sert au scénariste qui prépare ses PNJ, au MJ qui les incarne, et même aux joueurs qui réfléchissent à leur personnage en d’autres termes que techniques. Et nous voilà dans la structure de l’histoire, la façon de faire monter la tension, la façon de créer des scènes envoûtantes, etc.

Bref, vous l’avez compris, Writing for emotional impact  est un must. Ça se lit facilement, le niveau d’anglais n’est pas extravagant et c’est extrêmement utile. Foncez si vous pouvez.

Gagner la guerre

Gagner-la-guerre-de-JaworskiUn roman ! Oui, je lis aussi des romans. Pas assez, mais tant que je n’arriverai pas à créer des journées de 28 heures, j’aurai du mal à augmenter le rythme. Bon, en plus, j’avoue, ce roman est intimement liée au jeu de rôle puisqu’il est l’oeuvre de Jean-Philippe Jaworski, que vous connaissez peut-être comme l’auteur du jeu Te Deum pour un massacre (et quel jeu !). Ce qui m’a attiré c’est que pour une fois, ce roman d’un auteur de jeu de rôle avait la réputation d’être une vraie réussite, et pas un truc mineur de fantasy comme on en voit beaucoup dans la littérature autour du jdr.

C’est bien de la fantasy: un univers médiévalisant qui tire vers la Renaissance et la Venise du XVIe, un peu de fantastique mais à petites doses. Par contre pas de gros guerrier qui tue des orcs. On y suit les péripéties de Benvenuto Gandolfo, maître assassin au service du dirigeant de la république. Benvenuto est plus un antihéros, pas spécialement sympathique, carrément obtus par moments, qui tire des casseroles bien gênantes et qui est le pantin des puissants et la victime des intrigues tissées dans les palais de la noblesse. C’est bien écrit, même si c’est parfois ampoulé (c’est sans doute voulu) et que ça recèle quelques longueurs, l’intrigue à rebondissement est prenante, et on s’attache à cette petite frappe de Benvenuto. Bref, c’est bien au-dessus des romans de fantasy jeuderôlesque habituelle.

Qu’en tirer pour le jeu de rôle ? Et bien justement ce personnage certes doué pour les armes, mais au passé trouble et au caractère de cochon. On se plairait à interpréter ce saligaud. Rien que ça vaut le coup d’œil, car beaucoup de personnages de jdr restent très stéréotypés et sans profondeur. Et puis l’intrigue donne du grain à moudre au scénariste qui sommeille en chaque rôliste. OK, en chaque MJ…

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Voilà, c’est tout pour aujourd’hui. Promis, la prochaine fois, je parle de FATE (ou pas). Et vous, vous avez des lectures non rôlistes qui peuvent servir autour d’une table ? Partagez, partagez…


Nephilim 4e édition

Nephilim 420 ans après sa première parution et 10 ans après l’arrêt de la 3e, Nephilim, jeu mythique au sommet du panthéon rôliste, sort de stase avec une édition « 20e anniversaire ». Un événement forcément très attendu que ne pouvait rater L’art de la table. Voyons donc de quel Ka-élément est fait ce nouveau bébé…

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Nephilim, c’est quoi?

Dans Nephilim, vous incarnez une créature éponyme composée de champs magiques purs: les ka-éléments (Feu, Air, Terre, Eau et Lune). Depuis la Chute et la destruction de l’Atlantide, les Nephilim sont forcés de s’incarner dans des corps humains afin de poursuivre leurs quêtes magiques et ésotériques. Lorsqu’ils ne sont pas incarnés, les Nephilim sont prisonniers de leur stase, un objet transformé en prison par les sociétés secrètes humaines qui pourchassent les Nephilim. Le jeu se déroule à notre époque, alors que de plus en plus de Nephilim s’incarnent et continuent leur avancée vers l’Agartha, sorte d’état suprême où ils redeviennent ce qu’ils étaient avant la Chute. Les personnages doivent composer avec la vie quotidienne de leur Simulacre (le corps dans lequel ils sont incarnés), les sociétés secrètes extrêmement bien implantées dans la société, et les luttes fratricides entre Nephilim. Ils s’efforcent de résoudre des mystères occultes et de progresser dans leur pratique des trois sciences occultes:  Magie, Kabbale et Alchimie. On est ici en plein Pendule de Foucault d’Umberto Eco. Templiers, Francs-Maçons, Rose-Croix, tout le cocktail ésotérique y est.

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Ramage, plumage, tout ça

Précisons d’emblée que cette critique se base sur la version collector (on ne se refait pas) qui diffère de l’édition de base par les points suivants: le collector est un coffret contenant les différents chapitres du bouquin présentés sous forme de livrets séparés. On y trouve également un livret sur la petite histoire du jeu, l’écran, un scénario, des feuilles de personnage et des illustrations tirées à part.

Le coffret est splendide. Un magnifique écrin pour un bijou tel que Nephilim. Les livrets sont quant à eux de bonne qualité, même si le papier aurait pu être encore meilleur. Quant à l’écran, je croyais que le temps des paravents du MJ en carton souple était révolu. J’étais sans doute floué par la qualité des écrans des éditions Sans-Détour. Toujours est-il que celui-ci n’est pas à la hauteur, encore moins si on considère qu’il est fourni dans un coffret collector à près de 100 euros. Un prix, qui, d’ailleurs, est un peu surévalué, même si les 450 exemplaires ont déjà trouvé acquéreur. Détail anecdotique: chaque exemplaire est numéroté et dédicacé par Frédéric Weil. N’étant pas adepte du star system, j’aurais trouvé plus adéquate une dédicace d’un personnage fictif de l’univers du jeu, comme le Duc de St-Amand. Bref, le coffret collector ravira les collectionneurs.

Tant qu’on est dans l’esthétique, précisons que les illustrations sont splendides. Que ce soient les personnages de Yayashin ou les éléments graphiques de Franck Achard, tout est ici de toute beauté, parfaitement dans le ton « Nephilim au XXIe siècle ». La maquette des livrets est exempte de reproche. Claire, jolie, elle permet une lecture agréable.

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Et dedans c’est comment?

Le premier livret est « le livre d’Hénoch ». Ce dernier présente les bases du jeu, le système de résolution, la création du personnage et les différentes périodes de l’Histoire Invisible. Premières désillusions…

On se rend d’abord compte que le système de jeu est présenté ici, mais aussi dans les divers livrets dédiés aux cinq éléments. Les bases dans le livre d’Hénoch, les règles de combat dans le codex du Feu, par exemple. Une bonne idée? Parmi les pires de l’histoire de l’organisation des livres de jeu de rôle, oui ! Imaginez: le combat dans le livret Feu, OK, ça tient la route. Mais l’initiative étant liée à l’Eau, les règles qui la détaillent sont dans le codex de l’eau ! La gestion de la santé? Dans le codex de la Terre, bien sûr !

Ce ne serait pas si grave si le système de jeu tenait la route. Or ici, bardaf, c’est l’embardée. On a le sentiment que les règles ont été conçues par quelqu’un qui n’a pas lu un jeu depuis 20 ans, que les règles n’ont été testée qu’entre copains (et forcément, si vous jouez tout le temps avec, n’importe quel système, même le plus imbitable, devient limpide). Pour réaliser une action, il vous faut multiplier votre score par un facteur de réussite (qui augmente avec la facilité de l’action, hyper intuitif, n’est-ce pas?). Heureusement qu’une table vient vous aider, mais tout de même, une multiplication à chaque action, j’en suis déjà épuisé… Parlons-en de cette table. J’y jette un œil et que vois-je? Qu’un personnage moyen à 39% de chances de réussir une action facile! Damned, qu’est-ce que ça doit être pour une action moyenne? 26%! Là je me dis que j’ai mal compris, que j’ai loupé un truc. Mais non, c’est bien comme ça que ça marche. Alors bien sûr, un Nephilim qui utilise un compétence qu’il possède et liée à son élément arrivera facilement dans la catégorie « réussite automatique ». J’aime bien les réussites automatiques, mais de nouveau, un personnage moyen passe de 52% de chances de réussir à 100%. Faut pas déconner… Échec critique, donc, pour le système de jeu. Finalement, Nephilim ne marchait pas trop mal avec le système Chaosium de la deuxième édition. Mieux vaut peut-être continuer à l’utiliser.

Venons-en à la création du personnage. Ici aussi vous devrez naviguer entre les livrets. D’abord, rien que la procédure à suivre est disséminée à travers les pages du livre d’Hénoch. Pas pratique. Ensuite, pour choisir votre élément dominant, vos sciences occultes, votre simulacre, vous devrez vous emparer des différents codex élémentaires. Une belle partie de plaisir. Ah, au fait, vous n’aurez pas à créer votre simulacre: vous n’aurez que le choix des 4 présentés par élément. Si ça ne vous convient pas, tant pis, puis que les règles pour en créer un nouveau ne sont pas fournies. La bonne blague…

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Les Sciences Occultes

Pentacle NephilimNephilim est indissociable de la pratique de la magie, de la kabbale et de l’alchimie. Une grande partie du sel du jeu est là. Les règles régissant les sciences occultes pâtissent forcément du système de jeu raté, mais les explications entourant les différents magies sont plutôt bien faites. Là où de nouveau Nephilim 4 ne tient pas la comparaison avec ses prédécesseurs, c’est dans les sorts disponibles. Beaucoup sont tout à fait inutiles, à la limite du risible (identifier une vague parmi les autres, dingue, j’ai toujours rêvé de le faire…), sans parler de leurs titres. Je suis un immense fan des titres des sorts, invocations ou formules de Nephilim. Des trucs du genre « les lumières des forêts de feu de Pharphar » ou « les sombres gouverneurs des pouvoirs de pestilence », je trouve que ça claque à mort. Ici, on retrouve quelques grands classiques comme les deux précités, mais on découvre aussi des nouveautés. Et là c’est catastrophique. On a l’impression qu’un enfant qui adorait les noms des éditions précédentes a voulu faire comme les grands, sans vraiment y arriver. C’est triste.

Au fait, vous vous souvenez des règles disséminées dans les différents codex? Et bien pour les effets magiques, c’est pareil. Les sorts de Terre dans le codex de Terre, etc. Là aussi ça peut paraître une bonne idée, sauf que rien que pour créer votre perso, vous allez naviguer dans tout le livre. espérons que la reliure est solide…

Ne jetons pas tout, cependant. Dans les différents livrets, outre les sorts, on trouve pas mal de focus où ils peuvent être découverts. De mémoire, ça manquait un peu dans les précédentes éditions. Et comme je l’ai dit, les explications des sciences occultes m’ont paru plus claires que précédemment, surtout par rapport à la troisième édition. Ne pas jeter l’eau du bain avec le bébé, donc.

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Tout le « fluff »

Cette édition contient également des infos sur tout le contexte de Nephilim. Les arcanes mineurs par exemple. Bien entendu, leurs descriptions se situent dans différents codex. Elles sont lacunaires, voire carrément creuses. les infos sont présentées selon le degré d’initiation d’un Nephilim dans la tradition correspondante. Bonne idée, sauf que même à la lecture de ce que sait un maître, on n’a quacune information claire, pertinente, et utilisable en jeu. Tous les noms propres avec une belle Majuscule sont lâchés: Baphomet, Ram, Promethee, ils sont tous là. Mais soit vous avez lu toute la gamme des autres éditions et vous avez toute l’info qu’il vous faut, soit vous êtes un novice et vous avez l’impression qu’on se fout de vous… Cette édition est parfois présentée comme un retour aux sources, d’une nouvelle porte ouverte pour ceux qui voudraient se lancer dans Nephilim sur le tard. Ami MJ, si vous êtes dans ce cas, je vous souhaite bien du plaisir…

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Le codex de l’Agartha

Le MondeJe vous ai menti. je vous ai dit que les effets magiques étaient disséminés dans les différents codex. C’est faux. Ceux des troisièmes cercles sont dans ce livret. Ils sont hélas peu nombreux. Hormis les effets nécessaires à avancer dans la quête de la maîtrise de la science occulte (construction du royaume élémentaire, découverte de Kether et de l’Unique, fabrication de la Materia Prima), il n’y a rien d’autre. Je sais que le Nephilim cherche l’Agartha, mais les joueurs, eux, quand ils atteignent ce troisième cercle si difficile, espèrent autre chose.

Le codex décrit également une vision de l’Agartha. Si vous n’avez rien compris à sa lecture, c’est pas grave, moi non plus. Ici aussi, on peut se dire que c’est normal, l’Agartha est la quête d’une vie de 10000 ans, comment l’appréhender sans lui enlever son mystère, etc. Certes, mais imaginons que je sois un MJ méga ambitieux, et qu’après avoir mené trente scénarios et amenés mes PJ aux portes de l’Agartha je veuille conclure cette campagne épique par cet aboutissement. Je fais comment? Je me construis ma propre vision? Mais alors pourquoi j’ai acheté ce bouquin?

Vient ensuite ce truc sur Arcadia, une sorte de ville qui se superpose aux villes qu’on peut explorer mais gaffe, c’est un labyrinthe, y a des couleurs, des pions, c’est comme un jeu de l’oie. Je suis pas clair, hein? Normal, ici aussi on ne comprend rien… Arcadia serait la nouvelle quête ésotérique d’après la Révélation. Les Nephilim et les sociétés secrètes se battent pour l’appréhender. Bien, proposer du neuf, pourquoi pas. Mais de nouveau, on n’explique pas vraiment de quoi il s’agit, ni même les véritables enjeux qu’il y a derrière. Pourquoi se donner du mal pour explorer Arcadia? Ça sert à quoi? pourquoi c’est si important? Si vous le savez, soyez gentil de me le dire en commentaire.

Dans ce codex vous aurez aussi un aperçu des plans subtils, ces mondes parallèles qui coexistent avec le nôtre qu’il est possible d’explorer. C’est présenté sous la forme d’un récit de voyage. C’est pour le moins ésotérique, puisque de nouveau, soit vous êtes un vieux briscard et le chapitre ne sert à rien, soit vous débarquez et vous vous grattez la tête jusqu’au sang pour tenter de donner un sens à tout ça.

Viennent enfin les règles d’expérience, qui ont tout à fait leur place ici.

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Le scénario

Les vestiges du théâtre solaire plongent dans l’histoire invisible de Shakespeare, Molière, Cagliostro, Venise… Je n’en dis pas plus pour ne rien dévoiler. Ceci dit, à la lecture des premières pages, je n’étais pas loin de la céphalée. Un maître de jeu novice, s’il parvient à piger de quoi ça parle, pourra s’en vanter. Merde, un scénario c’est un outil pour le MJ, pas un exercice de style prise de tête. Pourquoi faut-il qu’avant même de jouer, tout semble si compliqué, élitiste et hors d’atteinte? Le jeu parle d’occulte et d’ésotérisme, c’est pas pour ça qu’il doit être lui-même un objet hermétique destiné aux seuls MJ assez motivés pour se lancer dans une exégèse. Le scénario est peut-être génial, mais il est mal fichu.

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Le codex des conseils aux MJ

Vous avez acheté le collector et vous ne trouvez pas ce codex? Avant d’envoyer un mail d’insultes à Frédéric Weil, sachez qu’en fait ce codex n’existe pas. C’était peut-être le plus important de tous, et il est absent. Nulle part dans le jeu on ne vous explique à quoi peut bien ressembler une partie de Nephilim. Nulle part on ne vous décrit l’ambiance du jeu, la façon de la rendre, les enjeux importants. Vous venez de lire plusieurs centaines de page, et vous ne savez pas quoi faire avec. Personnellement je trouve ça scandaleux. C’est comme si on vous vendait un truc sans son mode d’emploi. Nephilim c’est compliqué. Même si tout était explicité clairement ça le resterait. Alors les auteurs ont sans doute une vision claire de comment on joue à Nephilim. On aurait bien aimé qu’ils la partagent avec nous, parce que franchement, à la lecture du reste, je ne suis pas bien sûr. Je n’ai joué à Nephilim qu’avec un seul MJ. J’ai adoré la vision du jeu qu’il a apporté. Mais est-ce que c’était la bonne? Je suis très branché pendule de Foucault, mais peut-être que le vrai Nephilim c’est plus de la quête à deux balles comme le Da Vinci Code. Peut-être que le vrai Nephilim c’est un jeu avec des persos méga burnés qui buttent les templiers à coups de sortilèges hyper balaises. Et « chacun se fera sa propre vision » n’est pas une réponse qui recevra mon respect…

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Et donc ta conclusion c’est que c’est nul?

Non. Je sais, tout ce qui est dit plus haut n’est guère encourageant. Néanmoins Nephilim reste un jeu absolument génial. Mais objectivement, cette quatrième édition, si elle n’est pas à jeter aux ordures, échoue sur de nombreux points: mettre le contexte à portée des novices (et même des moins novices), proposer un système de jeu qui tienne la route, identifier clairement ce que devrait être une partie, ce que c’est d’être un Nephilim. Pourtant, à la lecture, les images de mes parties passées, et peut-être futures, me sont venues à l’esprit. La magie est intacte, et c’est troublant, parce qu’objectivement cette édition est un échec, et pourtant le jeu garde son charme. Je l’utiliserai plus comme un supplément (les explications sur les sciences occultes, les focus, …) que comme un livre de base, mais je l’utiliserai tout de même.

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Voici donc mon avis, assez tranché, sur ce retour de Nephilim. L’avez-vous lu? Qu’en avez-vous pensé? N’hésitez pas à poster vos impressions en commentaires.


À quoi jouerez-vous après la fin du monde?

Nous y sommes ! La fin du monde, c’est demain. Ceci est donc peut-être le dernier article de l’art de la table. Si vous survivez au cataclysme grâce à votre super bunker en béton armé, votre système immunitaire en acier ou votre chance de pendu, vous pourrez peut-être encore jouer après le 21/12/12. Dans ce cas, quoi de mieux qu’un thème post-apocalyptique? Rapide tour d’horizon des jeux qui ont marqué le genre…

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Bitume

BitumeCommençons par un grand ancien datant de 1986. C’est le premier jeu de Croc (quoi? Vous ne connaissez pas Croc? Allons: INS/MV, Animonde, Bloodlust, Heavy Metal, Scales, etc.). Son univers est fortement inspiré de la série de films Mad Max. Ici, le cataclysme est causé par le passage de la comète de Haley, qui a un peu dérivé de sa trajectoire et nous frôle de trop près. Des tribus arpentent les routes françaises à bord de leurs véhicules, qui sont un élément central du jeu. Certaines tribus ont un semblant d’organisation civilisée, d’autres ne sont que des bandes de pillards sans foi ni loi. Clairement, on est ici dans un jeu « défouloir » qui peut laisser la place à tous les délires. Le contexte est vite brossé (les règles occupent presque tout le bouquin), on peut rapidement se lancer dans des bastons d’une rare violence dans l’unique but de contrôler la sortie 14 de l’autoroute A10. Bref, à réserver au public qui sait à quoi s’attendre…

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Gamma World

Gamma WorldIci aussi on est dans l’archéologie du jeu de rôle puisqu’on remonte en 1981. Le monde a subit un cataclysme dont on a oublié les détails, et la plupart des êtres vivants qui ont survécus subissent d’étranges mutations. Très étranges même. Gamma World est au post-apo ce que D&D est à la fantasy: vous avez donc droit à toutes sortes de bestioles plus ou moins bizarres possédant des pouvoirs et des capacités délirantes. Le jeu ne se veut pas trop sérieux, d’ailleurs. Récemment, Gamma World a été réédité avec un système de règles tiré de D&D4. C’est peut-être même la meilleure version du système pour du jeu de rôle violent et tactique décomplexé. Le matériel est d’excellente qualité, jetez-y un œil, ça vaut le détour.

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Apocalypse World

Apowalypse WorldOn revient en 2012 avec ce jeu qui « fait le buzz » cette année. Sa traduction vient d’être publiée chez la Boîte à Heuhh, plus d’excuse donc pour ne pas s’y plonger. Car si AW fait tant parler de lui, c’est parce qu’il est très particulier. Par de nombreux aspects. D’abord, n’attendez pas de contexte. On est après l’apocalypse, les survivants se débattent, et la seule qu’on sait c’est qu’il existe maintenant le Maëlstrom Psychique qui « parle » dans l’esprit de certains. Mais est-il la cause ou une conséquence de la fin du monde, on n’en sait rien. Sa nature même dépendra de votre façon de le mettre en scène. Qu’il s’agisse d’une entité supérieure ou d’un vaisseau extra-terrestre qui émet des ondes depuis l’orbite lunaire, c’est up to you. C’est tout. Le reste n’est que règles, dont transpirent parfois un peu de contexte, mais sans jamais qu’il soit très explicite. Mais quelles règles! C’est tellement différent de l’habitude que c’est difficile d’en parler. La façon de jouer est différente, puisque le MJ (appelé ici maître de cérémonie) ne doit rien préparer à l’avance. En créant les personnages et en répondant aux questions du MC, le contexte de la campagne va se créer de lui-même. Le MC se doit de préparer ensuite des fronts et des menaces qui partent des besoins des personnages. À lui ensuite de faire avance l’histoire en s’interdisant tout statu quo, en ne s’amourachant pas de ses PNJ et en rendant coup pour coup aux actions des joueurs. D’ailleurs si les joueurs ont une liste d’actions à leur disposition, le MC a sa propre liste, et il se doit de les respecter. C’est en partie ce qui fait débat: certains ont « vu la lumière » et découvrent, 40 ans plus tard, ce que devrait être le jdr depuis le début ; d’autres jugent que limiter ainsi les actions du MC brisent sa créativité et sa capacité à tricher pour faire avancer l’histoire. Personnellement j’ai été bluffé à la lecture, mais j’aimerais participer à une partie pour choisir mon camp… Quoi qu’il en soit, c’est une lecture indispensable si on s’intéresse un peu au fonctionnement du jeu de rôle.

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Vermine

VermineComment passer sous silence ce qui est pour moi un monument du jeu de rôle français. 2037, l’humanité n’est plus l’espèce dominante sur la planète. Au début du siècle, la conscience de la Terre, Gaïa comme certains l’appellent, s’est réveillée, et s’est rendu compte qu’elle courrait à sa perte. Un cancer la rongeait peu à peu. Un cancer appelé l’homme. Elle a donc éveillé son « système immunitaire »: tout ce qui est nuisible à l’homme s’est multiplié, a muté, est devenu plus grand, plus rapide, plus venimeux, plus affamé. En quelques années, la civilisation s’est effondrée sous le poids des insectes, des rongeurs, des arachnides et des virus qui prolifèrent. Aujourd’hui des communautés et de petits groupes tentent de survivre. Mais le plus grand danger ne vient pas toujours de la vermine, l’homme étant bien un loup pour lui-même. Le système de jeu, assez mortel, rend bien l’esprit dangereux du monde, et tourne parfaitement. Les suppléments offrent quantité de scénarios (il est vrai parfois de qualité inégale). De quoi passer de longues soirées à frémir. Notons au passage les règles d’évolution de l’univers selon les actions des personnages et les votes des joueurs, et les règles d’expérience pour le MJ, certes anecdotiques et dispensables, mais pas inintéressantes.

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Dark Earth

Dark EarthNoël 2054. Une pluie de météores s’abat sur la terre. La civilisation est décimée, et un nuage de cendres recouvre l’atmosphère, provoquant une nuit permanente, ainsi qu’un hiver nucléaire. Les météores n’avaient en réalité rien de naturels.  Ils ont amené avec eux le Shankr et son lot de créatures mortelles. Mais tout n’est pas perdu. À certains endroits de la planète existent des puits de lumière qui percent les nuages. Les hommes y ont créé des villes, appelées Stallites. Dans ces villes se crée une organisation qui permet la survie, tandis que les plus téméraires explorent l’Obscur, le monde extérieur. Les puits de lumière n’ont pas non plus une origine naturelle. Quelque chose est enterré sous les stallites, et une guerre spirituelle va prendre les humains dans un étau. les règles, intuitives et très agréables, rendent parfaitement l’atmosphère du jeu. Dark Earth, redécouvrez-le si vous pouvez, c’est un régal.

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Summerland

SummerlandUn peu plus confidentiel, Summerland est pourtant très intéressant. Par la nature de son cataclysme d’abord: en une nuit, les terres immergées de la planète ont été recouvertes d’une forêt extrêmement dense qui a englouti toute civilisation. Cet océan vert émet un appel. La majorité des humains y ont succombé et n’ont jamais été revus. Seuls des liens très forts permettent de résister à l’appel. Les survivants se rassemblent donc en communauté afin de préserver les liens interpersonnels. Les personnages font partie des rares capables d’explorer l’océan vert. Un grave traumatisme de leur passé les immunise à l’appel. ils sont le dernier lien entre les différentes communautés, et doivent braver les dangers de la forêt pour parfois êtes tolérés quelques jours dans une enclave. Summerland est un ovni à lire absolument, que ce soit pour y jouer ou comme supplément et source d’inspiration pour un autre jeu post-apo.

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Et tous les autres

La liste est très longue. Citons Polaris et son monde sous-marin, Tribe 8 et son Montréal post-apocalyptique emprunt de spiritualité, Cthulhutech (tout est dans le titre), Engel et ses anges asexués, Wasteland et son univers de Warhammer mélangé à celui de Pendragon, ou encore Rifts et ses réalités parallèles. Bref, si vous voulez jouer la suite de la fin du monde, vous avez de quoi faire…

Avez-vous déjà joué à l’un de ses jeux? racontez-nous vos expériences…


Bloodlust Métal

Bloodlust MetalOn ne l’attendait plus. Quatre ans après l’annonce du projet, on avait fini par croire à une blague. Finalement il est sorti. Il est épais, il est dense, il est beau. Bloodlust Métal est une grosse claque qui remet l’univers de Bloodlust au goût du jour en y ajoutant un système de jeu robuste, novateur, parfaitement adapté. Un des jeux de l’année, à n’en pas douter…

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Glory and fame

Pour les jeunes rôlistes et les distraits, une petite leçon d’histoire de Bloodlust. La version originale du jeu est sortie en 1991, éditée par Siroz Productions. La légende raconte que tous les exemplaires (plusieurs milliers) furent vendus le premier jour. Vrai ou pas, toujours est-il que le succès du jeu est indéniable. Son auteur, Croc, est un personnage unique, autant connu pour ses jeux que pour son look et son attitude. Il faut savoir que Croc a la parfaite apparence d’un fan de Motörhead et qu’il ne se déplace en convention qu’avec un fouet à la ceinture. Ajoutez à cela que son animal de compagnie est un iguane, et vous avez là une bonne image du bonhomme. Il est aussi connu pour avoir créé plusieurs jeux, dont Animondes, Bitume, Scales ou Heavy Metal et surtout deux énormes cartons restés dans les annales: In Nomine Satanis / Magna Veritas et Bloodlust.

Bloodlust 1e edition couvertureLa boîte de base, rééditée plus tard sous forme de livre, sera suivie par de nombreux suppléments qui ajouteront une foison de détails à l’univers et développeront une campagne aujourd’hui devenue mythique: Éclats de Lune.

Hélas, le jeu développa rapidement une réputation injustifiée: celle d’un jeu où la baston prédomine et dont massacrer, piller et violer (pas toujours dans cet ordre) sont les uniques intérêts. D’un jeu au background fouillé, Bloodlust est devenu un défouloir pour puceaux frustrés en mal de vierges à déflorer sauvagement. Bref, 20 ans plus tard, Bloodlust souffre toujours de cette réputation que seuls quelques irréductible qui avaient bien compris l’esprit du jeu tentent vainement de contrer.

Et pourtant, parmi ces irréductibles, certains sont allés plus loin et ont proposé à Croc et aux éditions John Doe de publier un remake, un « reboot » selon le jargon du milieu. Une remise à plat de l’univers et l’ajout d’un nouveau système de jeu. Nous sommes 21 ans après la sortie de l’original, Bloodlust Métal est né !

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Blood is our name

Le jeu se déroule sur Tanaephis, un immense continent peuplé de différentes ethnies humaines en guerre quasi permanente. Les plus observateurs remarqueront que le continent reprend la géographie de l’Antarctique, et que les grandes villes portent le nom, parfois déguisé, de stations scientifiques installées sur le continent gelé. Pourtant, Tanaephis n’a aucun lien avec notre pôle sud réel, il s’agit bien d’un continent imaginaire aux accents de Swords & Sorcery que ne renierait pas, par certains aspects, Conan le Barbare.

Les peuples qui se partagent ce territoire immense sont plus ou moins librement inspirés de peuplades historiques:

  • Les Batranobans sont d’inspiration arabisante. Nation marchande développée autour du commerce des épices (qui n’ont rien à voir avec nos poivres et paprikas, puisqu’il s’agit de produits provoquant des effets magiques chez leurs consommateurs), les Batranobans forment une société patriarcale dirigée par les grandes maisons commerciales. Ils dominent l’ouest du continent.
  • Les Dérigions forment ce qui reste d’un grand empire qui domina jadis une bonne partie du monde. Aujourd’hui ils ne contrôlent plus que Pôle, leur capitale et plus grande cité de Tanaephis, et sa région proche.
  • Les Vorozions sont l’ensemble des tribus qui autrefois se rebellèrent contre l’empire Dérigion. Ils forment aujourd’hui l’Hégémone, une nation solide, dont les lois forment un labyrinthe légal inextricable. L’Hégémone contrôle toutes les terres de l’est du continent.
  • Les Piorads ne sont pas originaires de Tanaephis. Ils sont venus par la mer il de cela plus de mille ans. Ils ont depuis brûlé leurs navires et entrepris une conquête des terres du nord-ouest. Nation fortement inspirée des vikings, les Piorads sont de fiers guerriers vivant plus de pillage que d’agriculture.
  • Les Thunks sont inspirés des inuits. Ils parcourent le grand nord glacé et sont organisés en clans et tribus. Ennemis mortels des Piorads (qui leurs ont pris la moitié de leur territoire), ils leurs mènent la vie dure par des actions de guérilla.
  • Les Ghadars sont inspirés des tribus africaines. Ils ne forment pas une véritable nation, mais plutôt une mosaïque de tribus qui vont des pacifiques chasseurs cueilleurs aux terrifiants cannibales. Ils occupent les jungles du sud du continent.
  • Les Alwegs sont les bâtards, les rebuts de la société. Ils sont parfois intégrés aux plus bas échelons des autres nations, ou vivent en groupes sédentaires ou nomades aux quatre coins de Tanaephis.
  • Les redoutables Sekekers sont des femmes qui ont rejeté la société patriarcale qui domine le continent. Elles forment des clans de pillardes et ont volontairement détruit toute trace de féminité en elles: ablation des seins, infibulation, scarifications rituelles, etc. Seules les Chrysalides, splendides guerrières aussi belles que dangereuses, ont gardé leur féminité comme arme contre les autres peuples. Les Sekekers écument les plaines du centre et ne vivent que grâce au butin de leurs pillages incessants.
  • Les Hysnatons ne forment pas un peuple. Il s’agit des individus qui font montre de caractéristiques issues des chimères, d’anciennes races aujourd’hui disparues: elfes, trolls, nains, et d’autres dont on n’a aucun souvenir. La plupart sont monstrueux, quelques-uns ont la chance de bénéficier de caractéristiques elfiques qui les rendent splendides. Enfin, c’est une chance si un esclavagiste ne vous vend pas comme prostitué(e)…

Tanaephis offre des paysages très variés, du désert brûlant à la banquise. Ses routes balisées sont rares et dangereuses, ses campagnes sont peuplées d’animaux qu’on préfère éviter (il y a même des dinosaures dans les jungles), et parfois de monstres. Et nous n’avons par encore mentionné les Armes-Dieux…

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Soul full of thunder

C’est le cœur de l’univers de Bloodlust. Depuis de nombreux siècles, des dieux ont choisi de s’incarner sur Tanaephis. Pour une raison ignorée de tous – également d’eux-mêmes – les dieux ont choisi de s’incarner dans le métal composant les armes. Depuis lors, des milliers de dieux arpentent Tanaephis sous la forme de dagues, épées, boucliers, hallebardes, chaînes, bref, tout ce qui peut servir à tuer son prochain, tant que ça se fait comme un homme, un vrai, c’est à dire au contact. Ces Armes-Dieux, immortelles, sont portées par des humains et savourent les émotions et les sensations ressenties par leurs porteurs successifs. De manière évidente, l’existence des Armes-Dieux a grandement façonné l’histoire de Tanaephis.

Les Armes (à ne pas confondre avec les simples armes) sont, pour beaucoup d’entre elles, regroupées en factions qui sont à la fois des groupes de pression, des armées et des sociétés secrètes. Ces factions permettent aux armes de se regrouper autour d’un intérêt commun, qu’il s’agisse de l’hédonisme ou du massacre pur et simple.

Les joueurs de Bloodlust incarnent le porteur d’une de ces Armes-Dieux. Lorsque son personnage meurt, l’Arme reste le fil rouge de la campagne, le joueur incarnant son nouveau porteur. C’est l’option par défaut. il est aussi possible de jouer l’Arme elle-même, reléguant les porteurs au stade de matériau interchangeable. D’autres options sont possibles, comme de faire jouer des porteurs par la moitié des joueurs et leurs Armes par l’autre moitié, ou même de déléguer le jeu de toutes les Armes à un seul joueur, genre de MJ en second. La dichotomie Arme / Porteur est un des sujets centraux de Bloodlust, un thème qui pousse le jeu bien au delà du préjugé de baston incessante dont il est victime.

Les Armes possèdent bien sûr de nombreux pouvoirs. D’abord elles offrent des bonus aux capacités de combat de leur porteur (qui, même s’il est le fils du boulanger, pourra se battre de manière convenable). Mais leurs pouvoirs vont bien plus loin. Certaines peuvent projeter des langues de flammes, d’autres peuvent rendre leur porteur invisibles, et certaines peuvent également posséder une lame « tronçonneuse ». Ce genre de pouvoir participe bien sûr à la réputation de jeu de massacre de Bloodlust.

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Hearts of steel

TanaephisLes habitants de Tanaephis sont tiraillés par leurs désirs: Pouvoir, Connaissance, Plaisir, Richesse et Violence. Ces désirs varient selon l’influence des lunes qui entourent le monde. Ainsi, quand vient le mois des Conquêtes, le désir de Violence est exacerbé, ce qui pousse les hommes à partir à la guerre. A l’inverse, lors des mois du Bonheur, tout se calme un peu. De nombreux enfants sont conçus pendant ces mois où le désir de Plaisir est plus important. Ces influences lunaires poussent Tanaephis dans un incessant balais de guerres, d’orgies, de coups fourrés et d’arnaques, et parfois le tout en même temps.

Une fois encore, rester à la surface des choses peut faire penser qu’à Bloodlust, on massacre, on baise et on re-massacre sans arrière pensée. Ce serait oublier que les désirs sont d’abord un important incitant au roleplay. En effet, chaque personnage aura des désirs différents, qui entrent parfois en conflit. De plus, il faut parfois faire fi de ses envies du moment pour progresser dans le scénario. Enfin, les armes ont également des motivations, et si un porteur se laisse trop aller à ses pulsions, une arme pourrait simplement décider d’en changer. Il est très simple pour une arme de prendre le contrôle et d’emmener son porteur dans un combat perdu d’avance, surtout si comme par enchantement ses pouvoirs ne fonctionnent pas au moment critique. Les désirs sont donc bien plus qu’une excuse qui permet aux joueurs de violer tous les PNJ qu’ils croisent. Mais une fois encore, à Bloodlust,  il faut gratter le vernis pour atteindre le vrai intérêt des choses.

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Killers of men

Clairement, comparer le Tanaephis de la version originale ou de l’édition Métal n’offre que peu de différences. On a quelques détails en plus, des cartes clairement plus détaillées, des termes qui n’existaient pas à l’époque (l’Hégémone Vorozion, les Bänd Piorad), mais rien de transcendant. La timeline a été avancée de quelques années, l’empire Dérigion reprend quelque peu de poil de la bête, la Nation Batranobane est en proie à des troubles, mais Tanaephis reste grosso modo tel qu’on l’avait quitté. Les conséquences de la campagne Eclats de lune sont mineures, au point qu’il serait possible de la jouer dans cette édition, avec très peu d’adaptations. Changement le plus visible: les désirs qui ont changé de noms. Fini le sempiternel débat sur les désirs de Prestige et de Réputation qui se chevauchaient. Le vrai gros changement de cette édition, c’est évidemment le système Métal, dont je vais vous parler pas plus tard que tout de suite.

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Of warriors friend

À la lecture du système Métal, on sent une réflexion poussée jusqu’au bout. On y retrouve des éléments déjà aperçus ailleurs, mais assemblés ici pour donner un tout cohérent et qui, surtout, colle parfaitement à l’esprit de Bloodlust:  c’est violent, brutal, héroïque mais pas trop, et capable de simuler des combats tactiques, funs et sanguinolents.

Métal se joue au d6. Votre score dans une compétence vous donne le nombre de dés lancés. On notera l’absence de caractéristiques, tous les tests sont basés sur une compétence. Ces compétences représentent des métiers, des occupations. On y retrouve Artisan, Athlète, Batelier, Citadin, Ferrailleur, Gentilhomme, Larron, Paysan, Tireur, Veneur, etc. Pour déterminer votre poignée de dés, outre le niveau de compétence (entre 1 et 5) vous pouvez ajouter le score d’un ou plusieurs aspects. Les aspects sont des mots-clés, des petites phrases, qui servent à la fois à définir le personnage et lui donner des bonus (et parfois des pénalités) à ses tests. Un aspect peut être une caractéristique physique (grand, fort comme un bœuf, mince comme une aiguille, souple, œil acéré, regard intimidant), un trait de caractère (borné, affable, n’aime par les Dérigions, je veux amasser l’argent), un élément d’historique (ancien de la légion Vorozion, membre de la guilde des peaux), une spécialité (hache à deux mains, combat nocturne, aucune serrure ne me résiste) et beaucoup d’autres choses laissées à l’imagination du joueur (sous le contrôle du MJ, bien sûr). Lorsqu’un aspect peut se révéler utile lors d’une action, son score s’ajoute à la poignée de dés. En dépensant de l’effort, le joueur peut utiliser jusqu’à trois aspects sur un test.

La réserve d’effort permet de déclencher les aspects. C’est aussi elle qui diminue en premier en cas de blessure. Lorsque le personnage est à court d’effort, il peut cocher des cases de son compteur de Fatigue pour en récupérer.

Une fois le nombre de dés déterminé, leurs résultats sont additionnés. Le score obtenu doit dépenser un seuil non pas fixé par la difficulté de l’action (qui diminue simplement la poignée de dés) mais par l’état de santé (physique et mentale) du personnage. Un personnage en pleine forme doit atteindre le seuil de 6. Ensuite, chaque dé ayant donné un résultat pair compte comme une qualité. Plus le nombre de qualités est important, mieux l’action est réussie.

Bien sûr, il est inutile de lancer 12 dés pour atteindre 6. C’est pourquoi il est possible de prendre des risques. Chaque dé qui n’est pas lancé donne automatiquement une qualité si le test est réussi. Ainsi, au lieu de lancer 12 dés, je n’en lance que 3, ce qui devrait suffire pour atteindre la somme de 6. Les 9 dés écartés donnent autant de qualités à mon test. En cas d’opposition, c’est le nombre de qualités de chaque participant qui indique le vainqueur. En cas de combat, les qualités de l’attaquant sont comparées aux qualités du défenseur pour déterminer les dégâts.

Les qualités sont au cœur du système. Il est par exemple possible de ne lancer qu’une seule fois les dés pour traverser une rivière sans se noyer, rapidement, en évitant les crocodiles et en restant discrets. Au joueur de distribuer ses qualités dans chacun des éléments de son action.

Les combats sont gérés par ce même système. La trouvaille vient de la compétence de circonstance. En effet, un combat dans une arène sera fort différent d’un combat en forêt ou dans une auberge. Au début du combat, une compétence permet de déterminer l’initiative, le nombre d’actions par passe et le seuil de rupture du personnage. Ainsi, un personnage pourra être plus à l’aise dans certains combats et plus gêné par d’autres. Le seuil de rupture est le score à dépasser (en nombre de qualités) pour infliger une réelle blessure à son adversaire. Grâce à cette compétence de circonstance, des joueurs malins combattront leurs adversaire sur un terrain qui les avantage, là où leur compétence de circonstance est plus élevée avec au besoin un aspect adapté à la situation.

Autre trouvaille du système, les jauges d’états. Fatigue, Faiblesse et Tension sont des compteurs qui se remplissent au fur et à mesure des activités éreintantes, des blessures et des stress encourus par le personnage. Lorsqu’ils dépassent certains seuils, ils affectent le score à obtenir pour réussir une action. Ainsi, au cour du combat, un personnage devra puiser dans ses réserves et sera forcé de lancer plus de dés pour réussir ses attaques. Le compteur de Fatigue se remplira rapidement au cours d’un combat: le joueur devra y cocher des cases pour récupérer de l’effort afin de déclencher ses aspects, et subira forcément des blessures qui lui feront cocher d’autres cases. Accumuler les combats sans temps de repos est donc une attitude suicidaire. Tiens, pour un jeu qui ne parle sois disant que de baston, c’est intéressant de voir que les règles découragent de se battre toutes les cinq minutes sans réfléchir…

De même, au cour du scénario, l’influence des désirs pourra faire varier le compteur de Tension du personnage. Si celui-ci loupe une occasion de conclure avec la serveuse alors que son désir de Plaisir est important, il gagnera de la Tension. Par contre, avec un grand désir de Richesse, il pourra faire baisser son compteur s’il récupère une grosse somme d’argent.

Bref, le système regorge de trouvailles, dont je n’ai mentionné que le sommet de l’iceberg. Le tout est parfaitement cohérent, les pièces du puzzle s’imbriquent à merveille, et, cerise sur le gâteau, permet de rendre l’ambiance si particulière de Bloodlust.

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Sworn to avenge our fallen brothers

Faut pas déconner. Le jeu sans défaut ça n’existe pas.

D’abord, j’ai trouvé qu’à travers les 410 pages du jeu, on n’évoque pas suffisamment les Armes-Dieux. On a une foison de détails sur les peuples, l’histoire et la géographie de Tanaephis, mais finalement assez peu sur la psychologie des armes, sur les rapports qu’elles entretiennent avec leurs porteurs, sur leurs objectifs à long terme. C’est un point majeur du jeu, et je trouve qu’on manque cruellement d’éléments pour le faire parfaitement ressortir.

Ensuite, si je trouve le système Métal absolument génial, il ne conviendra pas à tout le monde. En effet, c’est un système très technique, qui offre beaucoup d’options aux joueurs. Ces derniers pourront se retrouver perdus entre les risques, les préparations, les facilités, les aspects, les failles, les possibilités de relance, les dés de sang, etc. À réserver, selon moi, à des joueurs dégourdis au niveau des règles. Si vous cherchez quelque chose de plus narratif ou intuitif, Métal n’est peut-être pas fait pour vous (au contraire de Cheap Tales, par exemple). J’ai aussi quelques réticences avec le nom de certains compétences. Vous trouvez que « Ferrailleur » est le nom le plus adéquat pour la compétence à utiliser pour les attaques de mêlée, vous?

Enfin, je trouve les règles de guérison et de gestion des blessures un peu complexes. Elles se veulent réalistes, elles le sont, mais demandent un peu trop de gestion. Surtout qu’elles ne sont pas accompagnées de suffisamment d’exemples. On appréciera l’ajout d’un encadré présentant un système plus simple et narratif, mais un juste milieu aurait été le bienvenu.

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To the end

Clairement, Bloodlust Métal, ça déchire. Le contexte du jeu est tel qu’on l’a connu il y a vingt ans. Il était génial à l’époque, aucune raison qu’il ne le soit plus. D’autant que le niveau de détails exposé lui donne encore plus de vie. Le système de jeu est bourré de trouvailles et correspond parfaitement au jeu. À sa lecture, je me demande pourquoi encore créer d’autres systèmes pour du med-fan un peu gritty. J’ajouterais une excellente note à la maquette. D’habitude, je m’en fous un peu, mais ici elle est remarquable. Quand avez-vous vu un livre de jeu qui vous expose la description de toutes les compétences sur deux pages en vis-à-vis? Pareil pour les bases du système, exposées de manière très claire, les règles dans une colonne, les exemples dans l’autre. La maquette évite les fioritures épuisantes comme les encadrés illisibles ou les multiples polices de caractères. Les illustrations sont parfaitement dans le ton. Bref, un exemple à suivre.

Conclusion: Bloodlust Métal est excellentissime, si vous ne le possédez pas encore, foncez !

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Let the battle begin with swords in the wind

Le mois des Conquêtes, site officiel de Bloodlust Métal

La fiche sur le GROG

Le fil de discussion sur Casus NO

Le fil de discussion sur le forum John Doe

C’est quoi ces titres de chapitres à la con?


Romance érotique

Romance érotiqueNon, l’art de la table ne vient pas de passer un accord de partenariat avec les productions Marc Dorcel. Rassurez-vous. Romance érotique est bel et bien un jeu vendu dans votre boutique de jeu de rôle préférée. Vous avez peut-être remarqué sa couverture toute en fuchsia en vous demandant  ce que ce livret de 32 pages pouvait bien cacher sous ce titre racoleur. Grâce à l’art de la table, vous n’aurez plus à rougir de honte devant votre vendeur, vous allez tout savoir sur cette production des Écuries d’Augias, par ailleurs éditeurs de Crimes ou Aventures dans le Monde Intérieur (sans jeu de mot…).

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– Parental advisory: explicit content –

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Est-ce un jeu de rôle?

Tout comme dans notre récente critique de Fiasco, la question mérite d’être posée. Et si ce dernier était déjà à la limite du jeu de rôle tel qu’on l’entend généralement, Romance érotique franchit allégrement la frontière et ne garde que quelques éléments du jdr classique.

En effet, si chaque joueur y interprète un personnage fictif au cours de scènes de roleplay, c’est bien là la seule chose qui pourrait justifier le qualificatif de jeu de rôle. Le fait qu’il n’y ait pas de MJ n’est pas en soi un critère d’exclusion, mais que le jeu se limite à deux joueurs, que le type de scène soit scripté, et que le but du scénario soit le même à chaque partie sont pour moi des éléments qui font de Romance érotique un jeu narratif, mais trop éloigné du jeu de rôle pour le considérer comme tel. Le type de joueurs est lui-même limité, puisqu’à la fin de la partie, les protagonistes quittent le jeu pour s’adonner à une autre activité, certes elle aussi ludique, mais clairement hors du contexte de ce blog…  Ceci dit, comme je l’ai déjà mentionné dans l’article sur Fiasco, ceci est affaire de sensibilité, et chacun place la limite du jeu de rôle où bon lui semble.

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Comment ça marche?

Dans Romance érotique, deux joueurs vont jouer la rencontre, le premier rendez-vous et le premier moment intime de deux personnages, futurs amants. Le but avoué étant de terminer sous les draps après que les échanges en roleplay des personnages et en actes des joueurs ont fait monter la tension.

Il y a d’abord une phase de préparation pendant laquelle les deux joueurs vont établir le contexte de la séduction. Deux étudiants à Paris en 2012, une bergère et un troubadour au Moyen-Âge, une vampire et un écrivain, de nouveaux collègues, des néandertaliens en quête de feu, etc. Bref, tout ce que leur imagination leur dictera et qu’ils seront prêts à accepter comme fantasme. Une fois le contexte choisi, chacun donnera quelques détails pour étoffer son personnage.

Chaque joueur va ensuite déterminer ses capacités dans trois manières de séduire: sensualité, profondeur et empathie. La première est la séduction par le corps et les gestes ; la deuxième est la séduction intellectuelle: en connaître un bout sur un sujet, faire montre de culture ; la troisième est la séduction par le relationnel: galanterie, attention aux problèmes de l’autre et du monde extérieur. Aider une vieille dame à traverser la rue devant les yeux de sa bien-aimée est une tentative de séduction par l’empathie, par exemple. Chaque joueur choisit quelle capacité est en éveil (il est doué), en sommeil (un talent moyen) et en berne (une faiblesse).

Reste à préparer, pour chaque étape de la séduction (la rencontre, le premier rendez-vous, le premier moment intime) une liste de gages qui coûteront de 1 à 4 points d’érotisme. Les joueurs se mettent d’accord sur les gages. Quelques règles sont à respecter: lors des deux premiers actes,  les baisers sur la bouche sont prohibés. Des exemples de gages sont proposés pour ceux qui manqueraient d’inspiration.

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Jouer les scènes

La partie peut ensuite véritablement commencer. Le premier acte permet de jouer la rencontre des futurs amants. Pour cet acte, les joueurs restent habillés. Chacun indique, à l’aide de 3 rubans de couleur qu’il noue au corps de l’autre joueur, ses talents de séduction (empathie, sensualité et profondeur) et leur importance pour son personnage. Le but de chaque joueur est de réussir une tentative de séduction en utilisant chacun des talents. A chaque tentative réussie, il pourra dénouer le ruban correspondant. Lorsque tous les rubans sont dénoués, l’acte se termine et on passe au suivant.

Les scène sont du pur roleplay: le joueur metteur en scène propose un contexte et entame la conversation, en tentant de séduire son partenaire. Lorsque la scène est terminée, le joueur ciblé par la tentative de séduction détermine quel talent a été utilisé et combien de points d’érotisme sont nécessaires pour que la tentative soit couronnée de succès: 1 point si la tentative était bien amenée, ou si on veut accélérer le jeu, 2 points si on veut un peu mettre des bâtons dans les roues de son partenaires ou si l’approche était inappropriée. Le joueur séducteur doit ensuite piocher dans un sac un nombre de bille correspondant à son talent de séduction (de 1 à 3). Le sac contient des billes noires, blanches et une seule bille rouge. Les premières n’offrent aucun point, les deuxièmes un point et la dernière trois points. Si le tirage offre suffisamment de points d’érotisme, la tentative est un succès, le ruban correspondant au talent utilisé peut être dénoué.

Spirou docteurRestent les gages. Lors d’une tentative réussie, le joueur séducteur utilise les points d’érotisme piochés dans le sac pour imposer des gages à l’autre joueur. Les gages sont choisis dans la liste mise au point pendant la préparation. Pendant le premier acte, les gages restent assez sages: les caresses se font au travers des vêtements et évitent les parties très intimes du corps et les baisers sur la bouche sont interdits.

Vient ensuite le tour de l’autre joueur de lancer une tentative de séduction. L’acte se termine lorsque chaque joueur a dénoué ses trois rubans. La rencontre se conclut donc par une avancée dans la relation: les personnages sont d’accord pour se revoir, avoir un rencard, échanger leur numéro, etc.

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Déshabillez-moi

Avant de passer à l’acte 2, il reste une chose importante à faire. En effet, pour ce deuxième acte, les joueurs doivent être en sous-vêtements. Que chacun s’effeuille sagement, que l’on s’adonne à un langoureux strip-tease ou que chaque joueur déshabille l’autre n’a pas d’importance. Difficile, donc, de jouer à Romance érotique en convention…

Hormis la tenue vestimentaire, l’acte 2 se déroule comme le premier, selon les mêmes règles. Durant cet acte, ce sont les premiers rendez-vous qui sont joués. Les gages sont ici plus osés: les caresses touchent la peau, et peuvent même passer sous les sous-vêtements pour les gages au score d’érotisme élevé. La dernière scène de cet acte se conclut par le premier baiser des personnages, et donc des joueurs.

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Les elfes, à poil !

Le petit SpirouLe dernier acte permet de jouer le premier moment intime des personnages. Les joueurs doivent être entièrement nus. De nouveau, le principe est le même, mais les gages de cet acte laissent de côté toute pudeur: caresses et baisers prolongés, masturbation et sexe oral sont de mise.

Une fois les rubans dénoués, la tension érotique est à son paroxysme, la partie en tant que telle est terminée, les joueurs sont maintenant libres de passer à une autre activité pour laquelle ils n’ont plus vraiment besoin des règles du jeu. Jetons un voile pudique sur cette scène…

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Quel effet ça me fait?

Je l’ai dit plus haut, Romance érotique ne rentre que très difficilement dans la catégorie de jeux de rôle dont parle ce blog. Le jeu est bien fichu, bien écrit, sans fausse pudeur si débauche de pornographie gratuite. Il est en outre très bien illustré, ce qui ne gâche rien. Par contre, tant qu’à faire dans le jeu érotique, j’en aurais voulu plus: des scénarios plus développés, une façon de jouer non pas sur une heure mais sur plusieurs jours, des « twists » comme des ruptures/séparations/réconciliations, des cartes ou événements aléatoires qui viennent ajouter du piment à la séduction, etc. Bref, pour moi, Romance érotique ne va pas assez loin dans son propos. Se limiter à une heure de jeu avant de passer à l’acte, c’est passer à côté de beaucoup d’aspects d’une séduction. J’aurais aussi beaucoup aimé une préface d’un sexologue qui donnerait un avis pertinent et professionnel sur l’intérêt de ces jeux à caractère sexuel dans le cadre d’un couple.

Romance érotique a donc eu le mérite d’oser, d’abattre peut-être un tabou, mais il me laisse sur ma faim…


Fiasco

Fiasco Couverture CoverPremière incursion pour l’art de la table (et pour moi aussi d’ailleurs) dans le monde des jeux narratifs à la limite du jeu de rôle « traditionnel », la lecture de Fiasco me laisse avec un forte envie de l’essayer et de découvrir d’autres story games. Le jeu est une tentative fort réussie de répliquer les histoires de quidams mettant en place des plans complexes qui finissent systématiquement par partir en sucette. Si vous pensez aux films des frères Coen comme Fargo ou Burn After Reading, vous êtes dans le bon. Les personnages sont en fait des monsieur et madame tout le monde qui, pour atteindre un but, vont fomenter un plan foireux dans lequel chaque chose pouvant mal se passer va se dérouler de manière pire encore…

Voyons en détail ce que nous réserve cette perle de Jason Morningstar traduite par les soins de Benoît Attinost pour Edge Entertainment.

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Jeu narratif, jeu de rôle?

On peut se poser la question: Fiasco est-il un jeu de rôle? Oui et non…

Oui, dans le sens où chacun des 4 à 6 joueurs interprète un personnage.

Oui, car le but est de raconter une histoire ensemble par les dialogues.

Non, si vous considérez que pour être du jeu de rôle, il faut un MJ qui propose des situations auxquelles réagissent les joueurs.

Non, si vous estimez que les règles sont là pour gérer le succès ou l’échec des actions des personnages.

Conclusion: Fiasco est à la limite du jeu de rôle. Certains l’incluront dans cette grande catégorie, d’autres, dont je suis, préféreront parler de jeu narratif ou de story game. A chacun sa façon de voir les choses. Finalement, ça n’a pas beaucoup d’importance.

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Comment ça marche?

Une partie de Fiasco ne nécessite aucune préparation. En réalité, la phase de préparation est la première phase du jeu, et chaque joueur y participe. Il n’y a pas de MJ, chaque joueur joue de la même façon. Pendant cette phase préparatoire, le groupe va d’abord choisir un Cadre qui servira de contexte à l’histoire. Fiasco propose quatre exemples: un bled paumé du sud des USA, une petite ville de l’ouest sauvage, une banlieue bourgeoise à l’apparence tranquille (vous avez dit Desperate Housewives?) et une station scientifique en antarctique. Mais seule l’imagination est une limite: pourquoi pas un fiasco dans une base orbitale, sur un campus universitaire, dans un club de foot ou une société de vente de photocopieuses?

La préparation continue par l’établissement de relations entre les joueurs et l’ajout de détails à ces relations. Grâce à une poignée de dés lancés au centre de la table (la moitié de blancs, l’autre de noirs), chacun à son tour propose une relation ou un détail s’y rattachant, pour lui ou pour d’autres joueurs, en choisissant dans les listes fournies pour le cadre. Au fur et à mesure que les dés sont piochés, un réseau de relations s’instaure entre les joueurs, et les détails donnent déjà une bonne idée des personnages et du plan foireux qui va venir. Ainsi, les deux premiers joueurs peuvent être collègues, tandis que les deux autres sont d’anciens amants, alors que le premier et le quatrième sont père et fils, le carré étant conclu par une relation criminelle: le joueur 2 est un bookmaker, le 3 un parieur invétéré.

A ces relations vont se greffer des détails liés à l’un, l’autre ou aux deux personnages de la relation: des objets, des besoins, des lieux, eux aussi choisis dans les listes du cadre. Besoin de s’enfuir de ce bled, de devenir riche en escroquant un handicapé, de se faire sauter par un vieil amour pour avancer dans votre plan. Les objets sont eux aussi liés à une relation: un magazine porno, une machette, une lettre du père noël, un souvenir de guerre, etc. Les lieux, enfin, sont idéaux pour donner le décor des scènes qui vont être jouées: l’église la Paix éternelle, Le Motel à la sortie de l’autoroute, les appartements au-dessus du pressing Quimousse, etc. Avec ces détails, votre réseau de relation vous donne déjà une bonne idée des personnages et de l’histoire qui va se mettre en branle.

Par exemple, si je vous dit que le joueur 1, fils du joueur 4 a écrit une lettre au père Noël dans laquelle il dit vouloir s’enfuir de ce bled pourri tandis que le joueur 3, ancien amant du 4 veut que ce dernier la saute une dernière fois pour obtenir une plus grande part du gâteau lors de la vente de leur appart’ situé au-dessus du pressing Quimousse, que ce même joueur 3 possède une machette qu’il utilise pour effrayer les parieurs mauvais payeurs et qu’enfin le joueur 2 veut escroquer le joueur 1 qui, je ne vous l’avais pas dit?, est handicapé, vous avez déjà un beau spaghetti pour vous lancer. Et pourtant, à la fin de la phase de préparation, vous aurez plus de détails encore sur la table…

C’est à la fin de cette phase que chacun définit son personnage en se basant sur les idées sur la table. Le joueur 1 déclare: « j’ai 20 ans, je m’appelle Johnnie Bygoode et je suis un grand nigaud qui croit encore au père noël. Je veux me barrer de cette ville de merde avec l’argent de la caisse de ma boîte. Le joueur 4 est mon père, et je ne l’aime pas particulièrement ». Et ainsi de suite, chaque joueur crée son personnage. Fin de la préparation, le véritable fiasco peut commencer.

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Les scènes

FargoUne fois le tout mis en place, les joueurs vont jouer les scènes. A chacun son tour, un joueur sera le protagoniste principal d’une scène. Il pourra choisir d’établir la scène, c’est à dire décrire où elle se passe, qui est présent et quels sont les enjeux. Dans ce cas, ce sont les autres joueurs qui choisiront, en cours de scène, si celle-ci se terminera de manière positive ou négative pour le joueur (en piochant un dé blanc ou noir au centre de la table, ce qui fait que la moitié des scènes « échouent »). Le joueur concerné peut aussi laisser ses compagnon établir le contexte de la scène, auquel cas c’est lui qui en choisira l’issue. Ensuite, c’est du pur roleplay. La seule limite est que la scène se conclut comme décidé par la couleur du dé choisi et qu’il faut utiliser les éléments déterminés pendant la préparation.

Dans notre exemple, le joueur 3 commence. Il établit la scène « je suis avec le joueur 4 dans notre ancien appartement vide que nous allons vendre. Je vais le séduire pour qu’il me fasse l’amour sur la moquette et ainsi l’amadouer ». Le dialogue démarre comme dans toute partie de jdr normale. A mis chemin, les autres joueurs, convaincus par le jeu d’acteur, choisit un dé blanc et le montrent à l’assemblée. Les joueurs impliqués dans la scène savent donc qu’elle doit se conclure par une partie de jambes en l’air sur la moquette poussiéreuse.

Chaque joueur sera ainsi au cœur de deux scènes pendant lesquels le bordel ambiant ne va que grimper. Puis viendra l’embrouille…

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L’embrouille

A cet instant, la moitié des dés a été récupérée par les joueurs. Chacun lance alors ses dés et additionne entre eux les blancs et les noirs avant de soustraire le plus petit score du plus grand. Les joueurs obtenant les plus hauts scores blancs et noirs vont choisir des éléments de l’embrouille. Vous l’aurez compris, avoir beaucoup de dés de la même couleur vous aide à obtenir un grand total (si si, relisez et réfléchissez).

Les éléments d’embrouille sont de nouveaux détails. Cette fois, il s’agit d’événements perturbateurs, volontairement vagues pour pouvoir s’inscrire dans l’histoire en cours: une mort inattendue, quelqu’un a des remords, l’amour pointe sa sale tronche, quelque chose de précieux est en feu, etc. Les deux joueurs avec le plus haut score choisissent chacun un élément, et on peut passer au deuxième acte.

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L’acte II

Burn after reading afficheC’est ici que tout part en couille. On joue une nouvelle séries de scènes, mais cette fois, il faut y ajouter des éléments de l’embrouille, ce qui risque de tout perturber encore un peu plus. Lorsque tous les dés au centre de la table sont attribués, l’histoire est terminée et presque conclue. Il est fort possible que certains personnages soient morts, en prison, estropiés, humiliés, trompés, cocus, trahis, riches, spoliés, dans les emmerdes jusqu’au cou. D’autres, qui ont bénéficié de plus de dés blancs, peuvent éventuellement mieux s’en sortir, ou en tout cas moins mal. Viennent alors les dénouements.

Imaginez le joueur 3 tenant la machette dans la main gauche, et le bras du joueur 4 dans la main droite, observant son amant se vider de son sang en hurlant dans la rue devant l’immeuble du pressing Quimousse en feu suite à l’explosion de gaz dans l’appartement du premier étage, qui était, par chance, à vendre, et donc vide… Tiens, mais alors qu’y faisait donc une bombonne de propane?

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Les dénouements

Chaque joueur lance de nouveau les dés obtenus pendant les scènes. Il obtient de nouveau un total, noir ou blanc. En consultant la table des dénouements, il obtient un résultat qui peut aller de « la pire chose de l’univers » à « dénouement barbare » en passant par « pitoyable » ou « pas trop mal ». Chaque joueur conclut donc l’histoire de son personnage en une petite phrase par dé obtenu lors des scènes. Chaque dénouement doit bien sûr conclure l’histoire du personnage et tenir compte du résultat du tirage sur la table des dénouements. Quand chacun a donné un dénouement par dé, le jeu est terminé.

Exemple: le joueur 1 a tiré un total de Noir 1 pour ses dénouements. Il déclare: « c’est ainsi que mon personnage dévale la bute en direction de l’autoroute dans sa chaise roulante, avec peu d’espoir d’échapper au convoi exceptionnel qui s’approche ». Le joueur 2 poursuit. Son résultat est « pas de quoi s’vanter ». Il déclare « Mon personnage compte les billets: 28 dollars et 32 cents. Comment faire pour me payer un billet pour L.A.? ». Et ainsi  de suite…

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Les petits +

Fiasco peut sembler abscons à la lecture, voire à la lecture de cet article. Heureusement, il est rempli de bons conseils pour chaque section, et surtout, la dernière partie du livre est un long exemple de partie qui met tout au clair. Lorsque vous refermez ce petit livre de 132 pages, vous savez quoi jouer et comment. Il ne vous reste plus qu’à trouver une bande d’amis pour entamer votre fiasco.

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Qu’en penser?

J’ai simplement trouvé ça génial, et je ne souhaite qu’une chose: l’essayer en vrai. Juste un petit avertissement: il faut réserver cela à des joueurs dégourdis, imaginatifs et friands de roleplay. Pour jouer à Fiasco, il faut des idées, de la répartie et une bonne dose d’auto-dérision. Oui, votre personnage va se planter, être blessé, être publiquement humilié, et c’est là le sel du jeu. On s’éloigne donc ici du jdr classique où chaque joueur chérit son personnage comme un joyaux pour lui faire atteindre ses buts et le faire progresser. Si vous êtres prêts à avoir cette ouverture d’esprit, alors Fiasco vous fera passer une toute bonne soirée !


D&D, What’s Next?

D&D NextEn début d’année, Wizards of the Coast annonçait travailler sur la prochaine mouture de Dungeons & Dragons. L’annonce indiquait également que le public serait mis à contribution dans le développement, non seulement par l’entremise de sondages sur différents points de règles, mais aussi en participant à un grand playtest public. Ce dernier a débuté jeudi passé. Après avoir passé au crible le matériel reçu, voici ce qu’on peut d’ores et déjà savoir sur D&D Next.

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Le contenu

Outre une lettre introductive de Mike Mearls, le package de playtest contient neuf fichiers:

  • How to play – les règles du jeu, l’équivalent d’un Manuel des Joueurs de 30 pages.
  • DM Guidelines – le Guide du Maître, réduit à 9 pages
  • Bestiary – Vous l’aurez compris, c’est un bestiaire de 34 pages
  • Caves of Chaos – C’est l’aventure proposée pour le playtest. Un module écrit par Gary Gygax himself dans les temps immémoriaux que les rôlistes de moins de 30 ans ne peuvent pas connaître, évidemment remis au goût du jour. Une trentaine de pages également.
  • 5 personnages pré-tirés: un roublard halfelin, un magicien haut-elfe, un humain prêtre de Pelor, un nain prêtre de Moradin et un guerrier nain.

Une centaine de pages tout de même donc. Je m’attendais à moins de la moitié. Sans aucune illustration, si ce n’est une couverture pour l’aventure.

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Les bases du système

Pour ceux qui avaient sauté le pas de la 4e édition, le changement est important. On assiste ici à un retour à plus de simplicité, une volonté évidente d’éloigner les critiques (pas toujours de bonne foi) qui faisaient de D&D 4 un jeu de plateau inspiré des MMORPG. On retrouve ici un mélange de AD&D, D&D 3(.5) et D&D 4: simplicité, cohérence mais pas un retour en arrière.

La première chose qui marque c’est l’importance redonnée aux 6 caractéristiques. En effet, chaque test, attaque et jet de sauvegarde est en fait un jet de caractéristique (1d20 + modificateur). Se déplacer silencieusement requiert un jet de dextérité, attaquer à l’épée un jet de force et résister à un poison un jet de constitution. Chaque caractéristique est associée à différent tests et chacune peut également être utilisée comme jet de sauvegarde (force pour résister à l’écrasement par un plafond qui s’effondre, sagesse pour percer une illusion, charisme pour éviter un charme, etc.). Les caractéristiques sont donc au centre du système, ce qui lui offre sa simplicité d’utilisation.

Dons, compétences et capacités (features) n’ont pas disparu, mais sont grandement remodelés. Les compétences offrent des bonus aux tests de caractéristiques (+3 pour chaque compétence de chaque personnage, impossible de savoir si ce bonus est variable ou fixe puisque nous ne bénéficions pas des règles de création de personnage). Ainsi, la compétence Religion offre un bonus de +3 au test d’Intelligence requis pour connaître par cœur les 12 dieux du panthéon elfique. Cette façon de gérer les compétences offre un grand confort au MJ: inutile de connaître la liste de toutes les compétences. Il demande simplement un test de la caractéristique adéquate, au joueur d’annoncer qu’il possède une compétence et d’ajouter son bonus. Les dons quant à eux offrent des possibilités supplémentaires: utilisation d’un bouclier pour gêner un adversaire, possibilité de créer des potions et des antipoisons, sorts mineurs supplémentaires, etc. Le don du guerrier lui permet par exemple d’infliger des dommages même sur une attaque ratée. Les dons semblent tous provenir du thème associé au personnage. Il semble tout à fait possible de s’en passer complètement. Et bien entendu, chaque race, classe et background offre des capacités et une liste de compétences: vision nocturne, compétences d’armes, sorts, etc.

Une autre nouveauté est la notion d’avantage. Lors de n’importe quelle action (ou réaction, comme un jet de sauvegarde), un personnage qui bénéficie de conditions favorables peut lancer 2d20 et choisir le meilleur résultat. A l’inverse, s’il souffre d’un désavantage, il devra choisir le moins bon résultat. Simple et facile à mettre en œuvre, cette règle offre d’autres possibilités: le roublard peut placer une attaque sournoise lorsqu’il a l’avantage par exemple. Adieu donc les bonus circonstanciels, en tout cas dans la version actuelle des règles.

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Le combat

Ici aussi tout est simplifié. Tout d’abord, pas de bonus de base à l’attaque. Tout est basé sur le score des caractéristiques. Il semble que les capacités de combat n’augmentent pas systématiquement avec le niveau. D’après ce qu’on peut voir, nous n’en arriverons pas à lancer 1d20+37 pour attaquer au niveau 19. Lors de votre tour de jeu, vous pouvez réaliser une action et vous déplacer de votre distance autorisée (9 mètres pour tous sauf les nains et halfelins limités à 7,5 m). Il n’existe qu’un type d’action (pas d’actions simples ou complexes, de demi-actions, etc.), une fois encore la solution retenue semble la facilité d’utilisation. Votre déplacement est divisé en segments de 1,5 m (5 pieds) et vous pouvez l’utiliser avant ou après votre action, librement. Les déplacements délicats (nager, grimper, se glisser dans un interstice, passer sur du terrain difficile) sont gérés de la manière suivante: chaque déplacement de 1,5 m coûte 1,5 m supplémentaire de votre quota.

Vous ne trouverez pas de règles pour gérer les combats sur une grille quadrillée. Les règles sont faites pour être indifféremment utilisées en combat « narratif » ou avec figurines. Ce qui permet de gérer le combat contre les 3 sentinelles kobolds en deux temps trois mouvements avant de sortir les figurines pour combattre le chef de guerre et ses 8 sbires.

Les dommages sont toujours gérés par des points de vie. Ça n’avait pas été rappelé depuis des lustres, cette fois c’est écrit noir sur blanc: les hit points sont une abstraction. Ils représentent la santé du personnage, mais aussi sa capacité à transformer une attaque mortelle en simple égratignure, la chance, parfois un peu de magie ou de grâce divine, les esquives, etc. Si vous êtes à plus de la moitié de vos PV, vous ne portez aucune marque. A moins de la moitié, vous arborez quelques coups, bosses, ecchymoses, coupures, etc. Ce n’est que l’attaque qui vous réduit à 0 points de vie ou moins qui vous touche directement et vous inflige une blessure grave. Une fois à 0PV ou moins, vous êtes mourant. A chaque tour, vous devez réaliser un jet de sauvegarde de constitution. Quand vous en aurez réussi 3, vous serez stabilisé. A chaque échec, vous subissez 1d6 dommages. Lorsque vos PV négatifs atteignent votre score de constitution additionné de votre niveau, vous êtes morts.

Pour récupérer vos points de vie, le plus efficace reste la magie. Sinon, une fois stabilisé, il vous faut attendre 2d6 heures pour récupérer 1 points de vie, et vous retrouver de fait avec ce seul PV. En effet, comme dans la 4e édition, lorsqu’on vous récupérez des points de vie (quel que soit le moyen), si vous êtes en dessous de zéro, vous comptabilisez vos PV comme si vous étiez à zéro (vous avez -5 PV, je vous en rends 2, vous avez 2 PV, pas -3). Entre les combats, un personnage peut prendre un repos court (10 minutes). Pendant ce repos, il peut dépenser autant de dés de vie qu’il veut pour récupérer des PV. Un personnage possède un dé de vie par niveau, et le nombre de faces de ce dé dépend de la classe (1d10 pour le guerrier, 1d8 pour le prêtre, etc.). Une fois à court de dés de vie, il faut prendre un repos long (8 heures) pendant lequel on récupère tous ses points de vie et tous ses dés de vie. Ici nous sommes proches de la 4e édition et ses healing surges. C’est aussi après un repos long que magiciens et prêtres doivent préparer leurs sorts.

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Les personnages

Chaque personnage est défini par sa race et sa classe (rien de nouveau ici) mais aussi par son background et son thème. Le background offre quelques éléments du passé du personnage (vous avez été soldat ou fermier) et offre une suite de compétences et parfois une capacité. Le prêtre a ainsi la capacité d’obtenir de l’aide du temple local de sa religion. Un avantage non technique, donc. Quant au thème, il est l’instrument qui permet de différencier deux personnages de la même classe. Ainsi, le prêtre de Moradin est un gardien, ce qui lui offre un avantage tactique avec son bouclier tandis que le prêtre de Pelor est un soigneur, ce qui lui ouvre la voie du don Herbalism qui lui permet de créer des potions de soin et des antitoxines. Le thème semble offrir systématiquement un don.

Les personnages sont clairement différenciés. Loin de l’harmonisation de D&D4, chaque classe est typique, et les développeurs n’ont pas eu peur d’obtenir des classes plus faciles à jouer que d’autres (au niveau règles s’entend). Vous ne voulez pas vous prendre la tête, choisissez le guerrier. Avec son background de soldat et son thème de tueur, il est là pour basher du monstre, sans grande subtilité technique, et sera néanmoins amusant à jouer. Le sera-t-il toujours à haut niveau, tiendra-t-il la comparaison avec un magicien, impossible à dire jusqu’ici.

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La magie

Retour à une magie plus typique de D&D. Les feuilles de perso laissent penser qu’il y a 7 niveaux de sorts, le nombre de sorts par niveau dépendant du niveau du personnage. Les magiciens et prêtres possèdent également des sorts mineurs qu’ils peuvent lancer à volonté: projectile magique, détection de la magie, mains brûlantes, bouclier, etc. Les sorts « majeurs » doivent eux être préparés et sont oubliés une fois lancés, jusqu’à ce qu’ils soient préparés de nouveau. Ils nécessitent des composantes verbales et gestuelles et parfois matérielles. Certaines peuvent être lancés sous forme de rituels pour un effet plus long. Les rituels étaient l’une des meilleures idées de D&D4, on est heureux de les retrouver ici. Lancer un sort en combat ne prend généralement qu’une action.

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Les détails qui titillent

Parsemés à travers le texte, on découvre quelques petites choses qui attirent l’œil.

  • La description du charisme indique que la caractéristique permet de connaître le nombre d’alliés et de lieutenants qui vous sont fidèles. Les henchmen avaient disparu du jeu depuis AD&D. Revoici les règles pour les gérer, ce qui peut être utile dans certaines campagnes.
  • Quand on parcourt l’aventure, on remarque que les statistiques des monstres se résument parfois en deux lignes: points de vie, classe d’armure, attaque et dommages, et roulez jeunesse. Quand on pense au blocs de statistiques de deux pages de D&D 3.5, on respire!
  • Toutes les attaques se jouent contre la classe d’armure. Pas de notion d’attaques de toucher, de classe d’armure « pris au dépourvu », de défenses séparées (vigueur, volonté, réflexes).
  • Les sorts sont de nouveau classés en écoles. La magie avait perdu de sa saveur en D&D4, la voilà de retour.
  • C’est la fin du « tout technique ». La description des sorts et des créatures comprennent de nouveau du texte d’ambiance et de la description.
  • Une règle pour tout, ça semble fini aussi. Le système laisse clairement la place au MJ pour gérer les différentes situations. Il sera conseillé, guidé, mais ne devra pas se souvenir du point de règle gérant chaque situation. Quand le guide maître de D&D vous dit que vous pouvez ignorer le résultat des dés, on se rend compte qu’on retrouve un vrai jeu de rôle et qu’on s’éloigne du jeu régenté par mille règles psychorigides.

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En conclusion

Ma partie de test tarde à se mettre en place, mais à la lecture, D&D Next semble être sur la bonne voie. Ce n’est encore qu’une version « beta » qui sera sans doute fortement amendée après le tour de playtest, mais on y retrouve un peu les bonnes idées de chaque édition, sans pour autant être un retour en arrière (ouf, pas de Thac0 ou de classe d’armure dégressive). Si D&D5 pouvait retenir le plaisir des joueurs de la 3.5 et la facilité du MJ de la 4, alors je serai certainement client.

Et vous, lecteurs de l’art de la table qui avez reçu le matériel, qu’en avez-vous pensé?


Casus Belli #2

Casus Belli 2C’était début décembre. Je tenais entre mes petits doigts fébriles le numéro 1 de la nouvelle mouture de Casus. Cette renaissance a suscité l’engouement, les boutiques parisiennes étant régulièrement en rupture de stock. Ici en Belgique, les deux boutiques auxquelles j’en ai parlé m’ont dit en avoir vendu plus de cinquante exemplaires chacune. Black Book Editions semblaient très contents des chiffres. Reste maintenant à durer. Première épreuve: le numéro 2. Voyons donc de quoi il retourne…

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Le courrier des lecteurs

Bonne surprise que de voir apparaître cette rubrique. Sans langue de bois, on y répond à un message très argumenté qui questionne la pertinence du choix de Chroniques Oubliées comme système générique. Casus Belli semble bien conscient que ce choix ne peut pas plaire à tout le monde, et tente de justifier son choix. Je fais partie de ceux qui n’utiliseront jamais Chroniques Oubliées, mais sans peut-il servir de porte d’entrée dans le jdr, pourquoi pas?

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Actualités

C’est très complet, ça touche à tous les domaines connexes au jdr, ça parle de tout ce qu’il faut savoir. Le plus, c’est la preview de GUTS, duquel je suis déjà fan avant sa sortie. On y touche même, mais de loin, aux sorties US. Et puis la petite histoire de Paizo Publishing, l’éditeur de Pathfinder. C’est un sujet très intéressant, mais qui pèche de nouveau par son aspect « Paizo c’est des génies philanthropes et Wizards of the C0ast c’est le vilain Satan ». De nombreux détails laissent filtrer le parti pris de l’auteur, qui reflète forcément celui de Black Book, éditeur, rappelons-le, de la version française de Pathfinder. J’estime ici que Didier Guisérix (le rédac’chef) n’aurait pas du laisser l’article publié en l’état. Il nuit à la crédibilité du magazine dans sa totalité. Si on ajoute quelques touches du même acabit dans les autre news, la coupe est pleine. Il est temps que ça s’arrête…

Heureusement, la suite nous réconcilie rapidement avec le magazine. En effet, c’est un portrait de famille de Pathfinder qui suit. Et là, j’avais très peur. « Mon dieu, ils vont encore faire passer Pathfinder comme le jeu du siècle et D&D comme une bouse commerciale ». Mais non. Fort heureusement, l’article rappelle bien le lien de parenté direct entre PF et D&D et critique sans complaisance les ouvrages plus faibles de la gamme publiée par Paizo et Black Book. Une excellente surprise, un article utile, bien ficelé, sans parti pris. Ouf!

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Les nouveautés

Vient ensuite l’imposante rubrique des critiques. Toujours assez bienveillantes, elles parlent de toutes les nouveautés des deux derniers mois. Cependant, elles n’hésitent pas à pointer du doigt certaines faiblesses des nouveaux jeux, ce qui évite de tomber dans le syndrome du « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil et tous les jeux ils sont supers ». On y découvre, entre autres, la 3e édition de Warhammer, Eclipse Phase (assorti d’une très intéressante interview de son auteur), Deadlands reloaded, Pendragon, Luchadores, Solipcity et j’en passe. A noter que Casus ose quitter le mainstream pour critiquer des jeux plus indie comme Annalise, Lacuna ou On Mighty Thews.

L’étagère du rôliste nous parle d’autres médias qui peuvent nous intéresser: jeux vidéos, séries télé, BD, romans, etc. Intéressant pour sortir un peu de sa bulle.

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Les scénarios

Cette fois encore on est bien servis à ce niveau là. Six scénarios par numéro, voilà qui justifie l’achat du mag à lui tout seul… Cette fois nous avons droit à un scénario Pathfinder de Croc (qui fait suite à celui du numéro 1), l’Appel de Cthulhu de Tristan Lhomme (lui aussi la suite du scénario du numéro précédent), Deadlands Reloaded, Chroniques Oubliées (encore une suite), Luchadores de Julien Heylbroeck, Romain d’Huisser et Willy Favre  (rien que ça!) et les Ombres d’Esteren. Du beau monde, donc, à la plume.

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Chroniques Oubliées

Vient ensuite la seconde partie des règles de Chroniques oubliées: système de jeu, règles optionnelles, nouvelles races, conseils aux MJ, voies de prestige, 6 nouvelles classes (dont le nécromancien et le barbare!) et de l’équipement.

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Aides de jeu

La rubrique commence par le retour de l’auberge présentée dans le numéro 1 (Casus Belli semble bien jouer la carte des affaires à suivre). Cette fois l’article s’attache à faire de vos PJ les propriétaires des lieux. « Vous êtes dans une auberge… et c’est la vôtre ».

Vient ensuite l’article toujours très attendu de Jérôme « Brand » Larre. Cette fois il nous instruit sur la façon de rythmer une partie, et surtout de comment laisser les joueurs le faire. S’il est moins « eye-opening » que celui du numéro 1, il reste néanmoins d’excellente facture. Comme d’habitude, il ne se contente pas de donner des conseils, mais vient avec des solutions concrètes, de véritables trucs qu’on sent issus d’années de pratique et de réflexion. L’agréable surprise vient de l’article de la rubrique PJ-only qui nous aide à forger une personnalité à notre perso par l’ajout très simple d’une lubie. Si la dernière fois cette rubrique était bof-bof, cette fois, l’article est excellent. j’ai même hâte de tester le truc lorsque je rejouerai, dans 18d4+42 années, au mieux…

La dernière aide de jeu rappelle la bonne vielle rubrique « devine qui vient dîner ce soir » dont les lecteurs des anciens Casus se souviendront. On nous propose ici un démon végétal et ses caractéristiques pour Chroniques Oubliées. Oubliable…

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Retro

Cette rubrique qui plaît aux plus vieux rôlistes, aux collectionneurs, à ceux qui s’intéressent à l’histoire de notre loisir débute par l’interview haute en couleurs de Michel Gaudo, auteur du mythique Maléfices. Si l’homme possède une ego quelque peu surdimensionné, ses réponses restent très intéressantes sur l’époque glorieuse du jdr français, quand les ventes de meilleurs jeux se comptaient en dizaines de milliers d’exemplaires. L’interview est suivie d’un portrait de famille de la gamme Maléfices. Elle m’a clairement donné envie de m’y plonger, mission accomplie, donc.

Viennent ensuite un retour sur l’adaptation du Seigneur des Anneaux au cinéma (dix ans déjà!) et des Pièges de Grimtooth, un ouvrage datant du début des années 80 et qui allait donner des cauchemars aux aventuriers des donjons. Car les pièges qu’il recèle comptent parmi les plus sadiques qu’on puisse imaginer. Je ne connaissais pas, mais là, j’ai envie d’en savoir plus…

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Magazine

Nous arrivons dans les dernières pages pour découvrir l’interview de Pénélope Bagieu, célèbre grâce à son blog devenu BD. Casbé ne pouvait pas passer à côté de cette ancienne rôliste aujourd’hui sous les feux de la rampe. Interview fraîche et extrêmement sympathique d’une jeune fille étonnante.

Après une nouvelle féérique, Casus Belli continue son voyage au pays des jeux décalés en proposant un scénario pour Parsely. Ce jeu propose de renouer avec les aventures textuelles sur ordinateur. Si si, souvenez-vous, le mot PC n’exisait pas, pas plus que la souris ou les interfaces graphiques. j’en parlerai sans doute bientôt.

Casus belli #2 se termine par une page sur Venise, un consours, la preview du numéro 3 et l’indécrottable Kroc le Bô.

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Alors, c’est bon ou pas?

Le retour de Casus Belli était un pari réussi. Le numéro 2 reste dans la même veine que le précédent et est donc hautement recommandable. Deux problèmes me titillent cependant: le côté « pro Pathfinder, anti D&D » ressenti dans les premières pages (cette sensations disparaît ensuite rapidement), et le fait que le numéro de janvier/février sorte mi-mars. Je trouve ça pas très pro. Mais c’est un détail, au fond, la qualité du mag valant bien cette peine…


Solipcity

Après 2012 Extinction et Asgard, les XII Singes sortent la troisième campagne de la collection Clé en main intitulé Solipcity. Tout comme ses prédécesseurs, Solipcity est constituée d’un livre de 64 pages contenant le contexte et les scénarios et d’une vingtaine de fiches proposant des aides de jeu et les personnages pré-tirés. Ceux qui connaissent 2012 et Asgard ont sans doute un sourcil qui se relève à cet instant. En effet, ces deux autres campagnes contenaient également les fiches décrivant les règles du jeu. Il aurait du en être de même pour Solipcity, mais une erreur lors de l’empaquetage prive les acheteurs du système de jeu. Rien de bien dramatique, les fiches se trouvant en téléchargement libre sur le site de l’éditeur. Ceci dit, si on ajoute le fait que la quatrième de couverture annonce sept fiches d’aides de jeu alors qu’on en trouve huit, tout ça fait un peu négligé…

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Le contexte

Prenons d’abord nos précautions. Il s’agit ici de la critique d’une campagne. Exercice impossible sans dévoiler des détails qui nuiront au plaisir des futurs joueurs. Ne lisez donc la suite que si vous comptez faire jouer Solipcity, ou si vous êtes sûrs de ne jamais y jouer. Ceci fait, passons aux choses sérieuses.

A l’entame de la campagne, les PJ sont des quidams habitant New-York. A leur réveil, Manhattan est désertée. A eux d’explorer l’île afin de comprendre la raison de ce mystère. Une fois rassemblés, ils ressentiront l’appel de la ville qui les guidera vers une première mission qui permettra de leur redonner un mince espoir de survie. Vous l’aurez compris, si les PJ n’ont pas disparus, c’est qu’ils sont différents. Les PJ sont des « Sources », créatures nées du Néant à l’aube des temps et qui ont façonné notre univers afin d’échapper à la destruction. Notre réalité n’est en fait qu’une gigantesque illusion. Illusion qui a disparu au réveil des PJ, ne laissant que les personnes vraiment réelles: les héros de la campagne et Manhattan elle-même. Hélas, les Sources ont oublié leur condition, et ne sont, pour elles, que de simples humains égarés dans une ville déserte. C’est une autre Source qui va les guider dans leur quête de mémoire, et dans leur combat contre l’ennemi: Manhattan…

L’ennemi est encore une autre Source qui s’est souvenue de ses origines et de ses pouvoirs, et qui a conçu un plan complètement fou: détruire l’illusion qu’est l’univers afin de jouer avec les seuls acteurs réels: les autres Sources. Hélas pour lui, Manhattan résiste à la destruction et se trouve des champions de la dernière chance en la personne des PJ.

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Les scénarios

Le premier des cinq scénarios de la campagne conduira les PJ à Central Park puis à l’intérieur de la Statue de la Liberté afin de rallumer la torche qui éclaire la ville. Cet acte symbolique permettra de redonner espoir à la réalité et de saper quelque peu les efforts de l’ennemi. Ils recevront ensuite trois indices qui les guideront vers les scénarios 2, 3 et 4 qui peuvent être joués dans n’importe quel ordre. Lors de deux d’entre eux, ils auront la possibilité de s’assurer l’aide de deux autres Sources tout en comprenant petit à petit leur véritable nature et le fonctionnement de l’univers. Le troisième scénario leur offrira la possibilité de détruire une illusion intime de leur adversaire qui prend la forme d’un célèbre taxi jaune new-yorkais.

Le dernier scénario met aux prises les personnages avec leur ennemi. D’abord vaincus, ils auront la possibilité de le vaincre dans un conflit de volonté tandis qu’ils servent de marionnettes dans une histoire conçue de toute pièce. S’ils parviennent à vaincre, ils auront alors le loisir de refaçonner l’univers selon leur bon vouloir…

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Qu’en penser?

La quatrième couverture indique « MJ expérimenté ». Bien vu. En effet, toute la difficulté de ce scénario sera de rendre le fonctionnement si étrange de l’univers, dont les illusions disparaissent dès qu’elles ne sont plus dans le champ de perception d’une Source. Garder cela en tête en permanence tandis qu’on jongle avec les tâches habituelles du MJ ne sera pas une sinécure.

Pour le reste, la campagne me laisse un goût étrange, entre originalité bien vue et manque de punch et de souffle épique. Pour les quelques derniers héros qui peuvent sauver un univers entier, c’est un comble. On est loin de l’excitant combat de la dernière chance que nous offrait 2012 Extinction. En outre, malgré les habituelles possibilités d’échec ou de gradation de la réussite des campagnes clé en main, on reste sur une sensation de linéarité qui est une première dans la collection. Si le premier scénario est une réussite, surtout grâce au mystère de la disparition des habitants de New-York, la suite n’est qu’une demi réussite. Quant au final, certes original, il ne laisse que peu de latitude aux joueurs qui se sentiront pris aux pièges dans les filets bien tissés du scénario.

Bref, Solipcity n’est pas mauvais, mais si vous devez choisir une campagne de la collection Clé en main, n’en faites pas votre premier choix…

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Les règles en téléchargement