Archives mensuelles : août 2012

Démiurges VI : conseils à suivre ou pas

 

Les Démiurges en Herbe VI approchent à grands pas. Demain, à peu près à la même heure (ce qui suppose que vous lirez ce texte le vendredi 31 août 2012 vers 20h00, ce qui suppose que je l’aurai posté à temps…), nous connaîtrons le thème de ce concours. Et des dizaines d’acharnés plancheront sur LEUR 8è merveille du monde après s’être définitivement brouillés avec leurs meilleurs amis (qui n’en étaient pas sinon ils auraient compris l’ultime importance des Démiurges) ou après être brutalement redevenus célibataires pour ne pas avoir sorti la poubelle après 3 rappels.

Car il faut bien se l’avouer, placés lors de la première quinzaine de septembre, les Démiurges s’adressent à un public cible très spécifique. Pas de seconde sess’, les cours pes encore repris, un boss compréhensif, une copine … hum … partie, et pas d’enfants. Cela pose le décor d’emblée. J’exagère, bien sûr. Il est comme ça, le Doc. Toujours à grossir le trait. D’ailleurs, il se met à parler de lui à la troisième personne. C’est mauvais signe.

Alors, tant qu’à s’attribuer une importance qu’il est loin d’avoir, allons-y pour quelques conseils d’usage. Et mettons-nous à parler de lui à la première personne du pluriel, majestatif s’il en est.

 

Le concept

Oui, un concept. L’idéal est de pouvoir dire, « mon jeu met en scène… » ou « dans mon jeu, il est question de… » et de faire suivre une phrase (j’ai dit « une »). Pas 15 lignes. Si vous ne pouvez pas dire simplement, rapidement, clairement, de quoi c’est-y que vot’ jeu y cause, alors il y a (comme qui dirait) un cheveux dans la soupe.

Bien sûr, ce n’est pas suffisant. Il faut aussi que ce concept soit novateur et, pour bien faire, original et qu’il attire le chaland. Dire « mon jeu met en scène des piétons qui essaient de traverser sans encombre la 5è avenue de New York », cela risque d’être un peu court, jeune homme.

Bien sûr, c’est ma vision des choses. Et encore, je suis personnellement assez souple sur la question « novateur », et un peu moins sur « originalité ». C-à-d qu’un jeu qui met en scène des nains et des elfes qui ne s’aiment pas, c’est assez « déjà vu ». Mais il peuvent attendre au bord de la 5è avenue que le feu passe au vert. Là, l’originalité revient au galop dans un grand crissement de pneus de taxi noir et jaune.

On pourra aussi dire qu’il importe peu d’être le premier, pourvu qu’on soit le meilleur. Certes. J’aime aussi cette idée. Néanmoins, je mets au défi quiconque d’écrire un jeu qui puisse empiéter sur les plates-bandes d’AD&D (qu’importe l’édition), Warhammer, Cyberpunk, AdC et le remplacer … en 75.000 signes et 15 jours de café noir.

 

Par analogie avec ce que pratiquent des connaissances dans les ateliers d’écriture, si vous ne trouvez pas de concept puissant qui constitue un fil rouge digne de ce nom, vous pouvez toujours googler le thème (ou vous multipliez les moteurs de recherche) et vous détaillez les liens et les pistes offertes. Cela peut provoquer le déclic salvateur.

 

Les piliers

Inutile d’essayer d’être exhaustif. À partir de l’idée centrale, et je reprends l’habituel conseil de Nonène (qui y connaît un rayon), il faut développer 4 ou 5 points essentiels et bourrer dedans. Les bétonner. Aller jusqu’au bout du bout de la fin du tunnel de chacun de ces 4 ou 5 points.

Effleurer 30 ou 40 points, loin de prétendre à l’exhaustivité, cela laisse une impression de manque de finition. Car il manquera toujours 1 point ou plusieurs auquel le juré pensera et qui le persuadera que le jeu manque de finition, de clarté, etc. Par ailleurs, cela provoque une surcharge d’informations, très peu emballante pour le juré dont, comme personne ne peut l’ignorer, les capacités intellectuelles sont médiocres. Pour preuve : il est incapable d’écrire un jeu en 15 jours et 75.000 signes de café noir. Ou l’inverse.

 

De plus, aligner une surabondance de points, cela amène immanquablement le créateur à mélanger l’essentiel et l’accessoire. Pas bon, ça. Et cela se ressent automatiquement sur la table des matières, un réel fouillis.

 

Tiens, tant que j’y suis, une table des matières, voilà bien quelque chose d’essentiel. J’annonce la couleur. Cette année, je serai intraitable sur la question de la pagination et de la table des matières. Pas mal de jurés vont lire (sauvons les arbres) les jeux sur leur PC, tablette, que sais-je encore ! Les liens à l’intérieur d’un document au format word ou pdf, c’est 100 fois mieux que quelques illus bidouillées à l’emporte-pièce.

 

L’écriture

 

Sur ce point, chacun fait ce qu’il veut. C’est sûr. Les jurés sont loin d’être des parangons de vertu littéraire, des Porcs de la Mandoline (sans doute des Pic de la Mirandole …). Lors des Démiurges V, j’ai vu des fiches d’évaluation bourrées de fautes, rentrées par des jurés qui reprochaient le style, la grammaire et l’orthographe. Pas crédible. Après ça, on s’étonnera (si peu) que les commentaires n’aient pas été plus souvent intégrés à des réécritures des jeux rendus lors des Démiurges V.

 

Cela dit, ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément. Ce n’est même pas de moi, mais c’est la preuve que des choses dites voici plusieurs siècles s’appliquent encore, même si l’auteur ne connaissait ni iPad, ni smartphone, ni logiciel avec correcteur orthographique intégré.

 

Lors de la cinquième édition des Démiurges, j’ai lu des jeux au style parfaitement étudié. Les nouvelles illustrant le propos étaient vraiment bien faites. Et le jeu était rarement à la hauteur. Il ne suffit donc pas de savoir écrire. Il faut que ce talent soit uniformément réparti dans l’ensemble des règles. Sinon, l’auteur crée, d’une part, des attentes dans le chef du lecteur et, d’autre part, l’ensemble est déséquilibré, avec des pics et des creux. Au final, le lecteur en ressort le plus souvent avec une impression négative, se remémorant les parties « down » plutôt que les passages « up ». Et Pluto, c’est l’ami de Mickey, pas celui du créateur.

 

Citation imputée à Hemingway, à méditer, il ne sert à rien d’avoir du talent à la cinquième ligne si le lecteur ne dépasse pas la troisième. J’ajouterai, il ne faut pas tout sacrifier pour un bon mot, un jeu de mots ou une belle phrase ne justifie pas tout, avec le risque de se trouver isolée au milieu d’un désert qui ferait passer le Sahara pour une forêt amazonienne, ou de tomber à plat, sans apporter le relief que l’auteur pense avoir apporté à son œuvre. On n’est pas dans un atelier littéraire. Les redondances ne sont pas à proscrire, inutile de multiplier les synonymes boiteux, les périphrases ou les paraphrases pour éviter de répéter « personnage », « caractéristique », « compétence », etc.

 

Ah oui, pas d’envolée lyrique, non plus. Et tant qu’à faire, évitez les mots « pouvoir » ou « devoir »… j’ai eu à lire des phrases du style, « un jet peut permettre… » ou « il doit pouvoir permettre de… ». Sans être totalement fausses, ces tournures répétées à l’envie finissent par gaver le lecteur et cela peut conduire… non, cela conduit à une impression médiocre de l’ensemble.

 

Du rêve mais cohérent

 

Le système est bien sûr au cœur de l’ensemble. Mais il est au service du concept, ce n’est pas l’inverse qui prévaut. Cela peut évidemment arriver que le système de jeu existe AVANT le concept ou l’univers, bien sûr, tous les cas de figure existent. Mais le contraire est plus porteur, à mon avis.

 

Le lecteur doit se dire « bon sang, mais c’est bien sûr » à la lecture du système. Personnellement, je n’attends pas toujours un système qui révolutionne le jeu de rôle. J’attends un système qui s’insère idéalement dans le concept, sans faire de vagues, à tel point qu’on en finit par l’oublier ou qu’il se confonde avec le concept de base.

 

Par exemple, Durum rendu dans les Démiurges V. Les personnages sont de simples citoyens lambda (comme vous et moi… euh, surtout vous) qui gagnent un séjour de rêve offert par Fantasy Pasta. Ils sont définis par 10 clichés de vacances. Les actions se règlent au moyen de pâtes (crues) tirées d’une marmite. Certaines sont marquées de 1 à 10, ce qui permet de créer un lien avec les clichés qui définissent le personnage. Cqfd.

 

Un astuce sur le scénar

 

Parent pauvre de la création dans les Démiurges, le scénario est le plus souvent la dernière pièce du puzzle. Pas testé. Même pas relu, parfois.

 

Un scénario, c’est une trame, des lieux, des événements extérieurs, des interactions et des personnages non joueurs. PAS une sorte d’histoire avec des phrases du style… « Un étranger entre dans l’auberge, il a l’air louche, vos personnages l’abordent en lui demandant d’où il vient, à ce moment, il tourne les talons et sort de l’auberge, vos joueurs le rattrapent dans l’écurie, dans ses fontes, il a de l’herbe dont émane un lourd parfum nauséabond, mais il refuse de dire d’où il la tient ». Ne riez pas, j’ai lu des choses encore plus dirigistes où les actions et réactions des joueurs étaient notées.

 

Par ailleurs, le scénario proposé est le plus souvent un scénario d’introduction, la première prise de contact avec l’univers. Il doit à la fois être attrayant et garder des secrets. Il doit être cohérent avec les règles et l’univers. Il ne sert à rien de décrire les Urgons comme une « race de très très méchants » pour confronter les personnages à ce peuple lors du scénario d’introduction en les amenant à nouer un pacte et entamer des relations diplomatiques ou commerciales illico presto. Ne riez pas, bis, je l’ai lu aussi.

 

Enfin, le pitch

 

On ne le répètera jamais assez, le pitch s’écrit après tout le reste.

 

Son utilité est double. D’une part il doit donner envie de jouer. Comme une 4è de couv’. Et d’autre part, il annonce ce qui se trouve dans le jeu, et rien d’autre, en faisant bien la distinction entre l’essentiel et l’accessoire. Inutile d’appâter le chaland avec des choses qui ne se trouvent pas dans les règles.

 

Un bon jeu a souvent un bon pitch. Car qui peut le plus peut le moins. L’auteur qui a du talent pour écrire un bon jeu va aussi (le plus souvent) produire un bon pitch. Peut-être pas un excellent pitch, mais très correct quand même. A contrario, un excellent pitch peut annoncer un jeu complètement raté. Il y en a eu dans les Démiurges V. Si cela peut déboucher sur le prix du pitch, cela va le plus souvent mal disposer un juré qui salivera tel le chien de Pavlov à l’annonce du pitch, et se retrouvera occupé à mâcher un chewing-gum sans sucre, sans goût, sans rien en découvrant le jeu. Faut choisir, Jacques Séguéla ou Terry Pratchett… (OK, y’a moyen de cumuler)

 

Voilà, un peu plus de 10.000 signes de poncifs, de faux conseils et de lieux communs, vous direz-vous. Vous n’avez pas tort, à mon avis. Mais au moins vous en savez plus sur ce que j’attends d’un jeu. Et si vous avez tenu jusque là, cela veut dire que vous n’êtes pas devant votre PC à participer aux Démiurges VI. Inconscient…


Itinéraire d’une rôliste nouvellement née (Episode 5)

A quoi reconnaît-on les Joueurs (qu’ils soient rôlistes, pousseurs de pion ou faiseurs de guerre) ? C’est une question que vous êtes en droit de vous poser si vous souhaitez éviter de vous retrouver dans la même situation que moi par exemple.

Pour le non-initié, les joueurs sont des avatars du geek tel que certaines pubs ou séries (regardez l’excellentissime Big Bang Theory) le présentent : malingre, tout pâle, de grosses lunettes qui dissimulent vainement un regard chassieux, les cheveux gras et le look décalé voire cradingue. Ou alors, c’est le gars (oui, les joueurs sont plutôt masculins pour le non-initié) qui est énorme, laid, gentil et célibataire. S’il vit encore chez sa maman, c’est mieux.

Pour ceux qui, comme moi, ont été acceptés dans ce cercle très particulier (comme le sont tous les cercles), cette image fait rire car rien ne permet a priori de distinguer un joueur d’un être humain civilisé. Certes, les stéréotypes existent bel et bien mais il faut avouer qu’ils ne sont pas majoritaires. Il y a d’ailleurs beaucoup de filles (souvent bien roulées, hélas) qui fréquentent ce milieu.

Alors ?

De mes quelques années de fréquentation assidue d’un joueur en particulier et de ses « petits »  camarades, je peux néanmoins dégager certains signes susceptibles de vous mettre la puce à l’oreille :

  • Le métier : le joueur est souvent lié au monde de l’informatique. Il occupe souvent des postes sérieux. Porte le costume et la cravate. Une autre profession assez représentée est celle de la police. Méfiez-vous donc si vous côtoyez quelqu’un travaille dans ce secteur, le risque d’avoir affaire à un joueur est grand.

 

  • Les intérêts (en dehors de ce qui a trait au jeu naturellement) : les passions des joueurs sont poussées à l’extrême. Il peut s’agir de certaines collections étranges : les boîtes de Lego de Star Wars encore sous cellophane, les dessins animés de Pixar, les séries TV, les répliques de certains films cultes comme les bronzés, le gendarme de St Tropez, Le père Noël est une ordure… Enfin, une totale dévotion à la saga star wars et à son infâme représentant Dark Vador.

 

  • La possession des nouvelles technologies : iPod, iPhone, iPad n’ont aucun secret pour eux. Et l’accès à internet (illimité) leur permet de regarder des sites de première importance : le site qui diffuse la série Noob ou Bref…

 

Si vous croisez une personne qui possède plusieurs de ces caractéristiques, la prudence est de mise !

Mais s’il est une chose qui doit surtout vous faire surtout peur, c’est l’humour du joueur.

C’est un humour qui

–          ne fait rire personne sauf le joueur lui-même

–          est assez grossier (Où je trouve ça ? DTC, mon vieux, DTC)

–          est basique mâle (warf warf) mais se dit philosophe.

–          est axé sur les sous-entendus salaces

Quelques exemples ?

–          « J’ai besoin d’un brasero, j’ai besoin d’un brasero ! »

Le nain s’approche : « quelqu’un a besoin d’un bras zéro ? Je suis dispo ! »

–          « Tu as un gourdin ? »

–          « Ca va te servir à quoi ? »

–          « Faut vraiment que je t’explique ? »

–          « Oh oui, sors ton gourdin ! » Gloussements lubriques.

Vous voyez le genre. Je sais c’est pitoyable mais c’est surtout, surtout terriblement contagieux ! Je me surprends de plus en plus souvent à rire aux propos de mes compagnons d’aventure et même à n’être pas la dernière à divaguer (notre dernière séance de JdR s’est ainsi transformée pour moi en une superbe campagne de playmobils où je faisais parler les figurines sur la carte).

Soyez donc méfiants puisque pour moi il est trop tard. La contagion est telle que je suis obligée d’avouer que j’ai accepté de participer à une seconde table. Oui, j’avoue.

Et le pire ?

J’ai même pas honte !.


Les Démiurges reviennent…

Du 1er septembre au 15 sera lancée la 6è édition des Démiurges en Herbe. Et pour la troisième fois, j’en suis, comme juré.

Je ne cacherai pas mon impatience. Lors des Démiurges en Herbe V, j’avais lu quelque chose comme 20 jeux, ou plus. Et très peu m’avaient franchement déplu. Il y a quelque chose de fascinant à contempler plus de 30 jeux produits en 15 jours, avec des systèmes de jeu novateurs, des univers originaux et des scénarios toniques. Même s’il faut bien avouer que, très souvent, le scénario était le bât qui blesse, très souvent décevants, d’un niveau bien faiblard par rapport au jeu qu’il devait illustrer. Je ne vous jette pas la pierre, Pierre. Il est normal que le scénario bénéficie de moins d’attention, moins de relecture, moins d’imagination, que le reste.

Et par rapport aux Démiurges en Herbe IV, le niveau était bien meilleur.

Tout le monde juré

L’an dernier, les créateurs s’étaient rapidement échangé d’abord le pitch de leur jeu, puis les liens vers le. Commentant et argumentant à foison, ils s’étaient (pour un petit nombre, en tout cas) pris au jeu de l’évaluation croisée.

Alors, cette année, tout le monde devient juré. Au terme des 15 jours de création, une fois l’ensemble des jeux rendus, une seconde période de 15 jours débute, lors de laquelle chaque auteur se voit attribuer 3 jeux. À lui de les parcourir et de rendre un premier verdict, ce jeu vaut-il la peine, est-il digne de passer au second tour et d’être évalué par le jury à proprement parler ? Pour se qualifier, tout jeu doit recevoir deux évaluations positives. On signale de plus qu’un créateur qui ne se plie pas à cette règle verra son jeu disqualifié, il ne participera pas au second tour.

Hormis l’aspect un peu totalitaire, marche ou crève, de la manœuvre, ce point de règles me semble tout à fait louable. Bien sûr, un joueur de nature jalouse pourrait être tenté de descendre un jeu dont il pense qu’il pourrait faire de l’ombre à son jeu (qui est bien sûr la 8è merveille du monde). Mais je tablerai davantage sur la création d’un sentiment de communauté. Très en phase avec l’esprit de ForgeSonges, au demeurant, et tout à fait logique compte tenu de leur positionnement dans le paysage rôliste français. Accroître leur visibilité, en multipliant les échanges sur le forum dédié, quoi de plus normal, finalement. De plus, comme mentionné, cela capitalise sur un comportement observé lors de la précédente édition. L’an dernier, c’est avec une bienveillance certaine et une bonhommie empreinte de franche amitié que les auteurs s’étaient partagé leur création. (Oui, je sais, je reste un idéaliste invétéré.)

Voilà donc un changement dans le règlement du concours que je suis très curieux de voir à l’œuvre. Déjà, sur le forum de ForgeSonges, le fait de « devoir » lire 3 autres jeux suscite un peu de réaction.

Qu’on ne s’y trompe pas, à mon avis, les jurés du second tour, qui ne devraient idéalement intervenir qu’à partir du 1er octobre, ont tout intérêt à compulser les jeux dès le 16 septembre. C’est clairement ce que je vais faire, histoire de prendre un peu d’avance, vu que je vais devenir père pour la seconde fois aux alentours du 15 octobre, si tout va bien (et non pas pour battre mon record de l’année dernière).

Les 5 lectures

Si j’ai bien lu, le second tour, celui des jurés « de la profession » se suffira à lui-même. Lors des Démiurges en Herbe V, les 10 meilleurs jeux au terme des 3 lectures avaient bénéficié d’un tour supplémentaire consistant en 2 lectures. Cela s’était fait aux forceps, il faut bien l’avouer. Les quelques jurés survivants ne se pressaient pas au portillon pour lire les jeux.

Je n’ai plus les dates en tête, mais il me semble que l’on a terminé la der des der fin juillet. Donc, du 1er mai à (disons) fin juillet… 3 mois pour lire 3 fois 30 jeux, puis 2 fois de plus 10 jeux, cela ne me semble pas si long. Je trouve même cela plutôt raisonnable.

Donc plus de deuxième tour de jurés pour que 5 lectures départagent les 10 meilleurs jeux au lieu de 3.

Si on se penche sur l’an dernier, au terme des 3 lectures, le gagnant est La Vallée des Singes. Idem au terme des 5 lectures. Les deux lectures supplémentaires ont un effet que l’on peut estimer « à la marge ». Personnellement, je ne trouve pas cela marginal. D’une part, le top 3 se modifie. Silence passe de 2è à 3è ex-aequo. Les Révolutions du Cadran devient 2è. Et surtout, il y a 3 jeux qui occupent la 3è place ex-aequo. Les moyennes sont également différentes, ce qui montre que l’ordre dans lequel les jeux sont lus a de l’importance. La Vallée des Singes a une meilleure moyenne sur 5 lectures que sur 3, tout comme Durum. Il n’y a pas de raison que l’importance des lectures n’exerce un impact que pour les 10 meilleurs jeux.

Dès lors, on peut imaginer un comportement stratégique de la part de jurés, lisant des jeux pour en descendre la moyenne et les exclure du top 10 (ou les y ramener). J’en ai déjà touché un mot. Ces comportements, je suis sûr de les avoir vus.

Dès lors, même si j’avais pris pas mal de plaisir à ce second tour du jury, avec 4 lectures si mes souvenirs sont bons, il vaut peut-être mieux pour tout le monde, et dans un souci d’équité, que le concours porte sur 3 lectures.

Questionnaire plus explicite

En effet, les évaluations du jury se baseront sur 5 critères et non plus 6, comme l’an dernier. C’est l’originalité qui passe à la trappe, car ce critère est inclus dans d’autres. Des questions bien plus explicites servent de rappel en tête des critères. Bien sûr, on ne supprimera pas (et ce n’est pas dommage) la subjectivité du juré, mais ces questions très précises peuvent recadrer l’évaluation et limiter les débordements (si tant est que l’on veuille les éliminer).

Je profite de l’occasion pour signaler que dans mes commentaires généraux lors des Démiurges en Herbe V, j’ai plusieurs fois offert mes services à l’auteur, s’il décidait de réécrire, de retravailler le style, la forme, le contenu… et je n’ai jamais été recontacté.

Blessure d’ego, bien sûr. J’ai donc décidé d’interroger les auteurs des Démiurges en Herbe V. Sur 30 jeux éligibles, j’ai obtenu une vingtaine de réponses. Aucune réécriture notable des jeux créés. Quelques modifications cosmétiques, superficielles. Une fraction non négligeable n’est même pas disponible sur la Toile. Ouf, cela explique pourquoi je n’ai pas été recontacté… Déjà que les auteurs de Labyrinth m’ont copieusement ignoré au moment des remerciements… Restons sérieux. Quatorze mois après les Démiurges en Herbe V, moins de 30% des jeux produits ont été retravaillés. Et aucun de manière fondamentale. Pour ne pas dire en accord avec les commentaires des jurés. Dès lors, cela plaide sans conteste pour 3 lectures et non 5. L’intérêt avéré des 5 commentaires est de persuader l’auteur que si 5 jurés répètent la même critique, c’est qu’elle est justifiée. Il est à espérer que 3 commentaires suffisent.

Prix du pitch

Une innovation lors des Démiurges en Herbe VI est d’attribuer le prix du meilleur pitch. Bien spur le pitch est important, prépondérant, crucial. Mais je n’ai pas vu de bons jeux sans un pitch correct. Par contre, l’inverse est vrai, des jeux qui se sont révélés médiocres avaient de très bons pitchs.

Pondre un pitch alléchant, c’est davantage du marketing que de la littérature. Finalement, on va finir par préférer Jacques Séguéla à Daniel Pennac.

Pour ce nouveau point du règlement, je suis moins emballé.

Qu’il me soit permis de rappeler qu’un pitch, ce n’est pas seulement un texte aguicheur, qui donne envie de lire le jeu… (d’y jouer serait mieux, déjà), c’est surtout une manière d’annoncer la couleur et la saveur du jeu. Inutile, comme je l’ai vu souvent d’annoncer des choses qui ne sont PAS dans le jeu, même si le texte est splendide. Un pitch, cela s’écrit après tout le reste. Et pour juger de la validité et de l’excellence d’un pitch, il faut avoir lu le texte. De quoi éprouver un certain scepticisme à l’idée que les auteurs eux-mêmes puissent raisonnablement juger le pitch des jeux de leurs pairs.

Voilà.

Quoi qu’il en soit… Rendez-vous le 1er septembre à 20h00 pour le thème de cette 6è édition… Et que le meilleur nain l’emporte.


Bloodlust Métal

Bloodlust MetalOn ne l’attendait plus. Quatre ans après l’annonce du projet, on avait fini par croire à une blague. Finalement il est sorti. Il est épais, il est dense, il est beau. Bloodlust Métal est une grosse claque qui remet l’univers de Bloodlust au goût du jour en y ajoutant un système de jeu robuste, novateur, parfaitement adapté. Un des jeux de l’année, à n’en pas douter…

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Glory and fame

Pour les jeunes rôlistes et les distraits, une petite leçon d’histoire de Bloodlust. La version originale du jeu est sortie en 1991, éditée par Siroz Productions. La légende raconte que tous les exemplaires (plusieurs milliers) furent vendus le premier jour. Vrai ou pas, toujours est-il que le succès du jeu est indéniable. Son auteur, Croc, est un personnage unique, autant connu pour ses jeux que pour son look et son attitude. Il faut savoir que Croc a la parfaite apparence d’un fan de Motörhead et qu’il ne se déplace en convention qu’avec un fouet à la ceinture. Ajoutez à cela que son animal de compagnie est un iguane, et vous avez là une bonne image du bonhomme. Il est aussi connu pour avoir créé plusieurs jeux, dont Animondes, Bitume, Scales ou Heavy Metal et surtout deux énormes cartons restés dans les annales: In Nomine Satanis / Magna Veritas et Bloodlust.

Bloodlust 1e edition couvertureLa boîte de base, rééditée plus tard sous forme de livre, sera suivie par de nombreux suppléments qui ajouteront une foison de détails à l’univers et développeront une campagne aujourd’hui devenue mythique: Éclats de Lune.

Hélas, le jeu développa rapidement une réputation injustifiée: celle d’un jeu où la baston prédomine et dont massacrer, piller et violer (pas toujours dans cet ordre) sont les uniques intérêts. D’un jeu au background fouillé, Bloodlust est devenu un défouloir pour puceaux frustrés en mal de vierges à déflorer sauvagement. Bref, 20 ans plus tard, Bloodlust souffre toujours de cette réputation que seuls quelques irréductible qui avaient bien compris l’esprit du jeu tentent vainement de contrer.

Et pourtant, parmi ces irréductibles, certains sont allés plus loin et ont proposé à Croc et aux éditions John Doe de publier un remake, un « reboot » selon le jargon du milieu. Une remise à plat de l’univers et l’ajout d’un nouveau système de jeu. Nous sommes 21 ans après la sortie de l’original, Bloodlust Métal est né !

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Blood is our name

Le jeu se déroule sur Tanaephis, un immense continent peuplé de différentes ethnies humaines en guerre quasi permanente. Les plus observateurs remarqueront que le continent reprend la géographie de l’Antarctique, et que les grandes villes portent le nom, parfois déguisé, de stations scientifiques installées sur le continent gelé. Pourtant, Tanaephis n’a aucun lien avec notre pôle sud réel, il s’agit bien d’un continent imaginaire aux accents de Swords & Sorcery que ne renierait pas, par certains aspects, Conan le Barbare.

Les peuples qui se partagent ce territoire immense sont plus ou moins librement inspirés de peuplades historiques:

  • Les Batranobans sont d’inspiration arabisante. Nation marchande développée autour du commerce des épices (qui n’ont rien à voir avec nos poivres et paprikas, puisqu’il s’agit de produits provoquant des effets magiques chez leurs consommateurs), les Batranobans forment une société patriarcale dirigée par les grandes maisons commerciales. Ils dominent l’ouest du continent.
  • Les Dérigions forment ce qui reste d’un grand empire qui domina jadis une bonne partie du monde. Aujourd’hui ils ne contrôlent plus que Pôle, leur capitale et plus grande cité de Tanaephis, et sa région proche.
  • Les Vorozions sont l’ensemble des tribus qui autrefois se rebellèrent contre l’empire Dérigion. Ils forment aujourd’hui l’Hégémone, une nation solide, dont les lois forment un labyrinthe légal inextricable. L’Hégémone contrôle toutes les terres de l’est du continent.
  • Les Piorads ne sont pas originaires de Tanaephis. Ils sont venus par la mer il de cela plus de mille ans. Ils ont depuis brûlé leurs navires et entrepris une conquête des terres du nord-ouest. Nation fortement inspirée des vikings, les Piorads sont de fiers guerriers vivant plus de pillage que d’agriculture.
  • Les Thunks sont inspirés des inuits. Ils parcourent le grand nord glacé et sont organisés en clans et tribus. Ennemis mortels des Piorads (qui leurs ont pris la moitié de leur territoire), ils leurs mènent la vie dure par des actions de guérilla.
  • Les Ghadars sont inspirés des tribus africaines. Ils ne forment pas une véritable nation, mais plutôt une mosaïque de tribus qui vont des pacifiques chasseurs cueilleurs aux terrifiants cannibales. Ils occupent les jungles du sud du continent.
  • Les Alwegs sont les bâtards, les rebuts de la société. Ils sont parfois intégrés aux plus bas échelons des autres nations, ou vivent en groupes sédentaires ou nomades aux quatre coins de Tanaephis.
  • Les redoutables Sekekers sont des femmes qui ont rejeté la société patriarcale qui domine le continent. Elles forment des clans de pillardes et ont volontairement détruit toute trace de féminité en elles: ablation des seins, infibulation, scarifications rituelles, etc. Seules les Chrysalides, splendides guerrières aussi belles que dangereuses, ont gardé leur féminité comme arme contre les autres peuples. Les Sekekers écument les plaines du centre et ne vivent que grâce au butin de leurs pillages incessants.
  • Les Hysnatons ne forment pas un peuple. Il s’agit des individus qui font montre de caractéristiques issues des chimères, d’anciennes races aujourd’hui disparues: elfes, trolls, nains, et d’autres dont on n’a aucun souvenir. La plupart sont monstrueux, quelques-uns ont la chance de bénéficier de caractéristiques elfiques qui les rendent splendides. Enfin, c’est une chance si un esclavagiste ne vous vend pas comme prostitué(e)…

Tanaephis offre des paysages très variés, du désert brûlant à la banquise. Ses routes balisées sont rares et dangereuses, ses campagnes sont peuplées d’animaux qu’on préfère éviter (il y a même des dinosaures dans les jungles), et parfois de monstres. Et nous n’avons par encore mentionné les Armes-Dieux…

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Soul full of thunder

C’est le cœur de l’univers de Bloodlust. Depuis de nombreux siècles, des dieux ont choisi de s’incarner sur Tanaephis. Pour une raison ignorée de tous – également d’eux-mêmes – les dieux ont choisi de s’incarner dans le métal composant les armes. Depuis lors, des milliers de dieux arpentent Tanaephis sous la forme de dagues, épées, boucliers, hallebardes, chaînes, bref, tout ce qui peut servir à tuer son prochain, tant que ça se fait comme un homme, un vrai, c’est à dire au contact. Ces Armes-Dieux, immortelles, sont portées par des humains et savourent les émotions et les sensations ressenties par leurs porteurs successifs. De manière évidente, l’existence des Armes-Dieux a grandement façonné l’histoire de Tanaephis.

Les Armes (à ne pas confondre avec les simples armes) sont, pour beaucoup d’entre elles, regroupées en factions qui sont à la fois des groupes de pression, des armées et des sociétés secrètes. Ces factions permettent aux armes de se regrouper autour d’un intérêt commun, qu’il s’agisse de l’hédonisme ou du massacre pur et simple.

Les joueurs de Bloodlust incarnent le porteur d’une de ces Armes-Dieux. Lorsque son personnage meurt, l’Arme reste le fil rouge de la campagne, le joueur incarnant son nouveau porteur. C’est l’option par défaut. il est aussi possible de jouer l’Arme elle-même, reléguant les porteurs au stade de matériau interchangeable. D’autres options sont possibles, comme de faire jouer des porteurs par la moitié des joueurs et leurs Armes par l’autre moitié, ou même de déléguer le jeu de toutes les Armes à un seul joueur, genre de MJ en second. La dichotomie Arme / Porteur est un des sujets centraux de Bloodlust, un thème qui pousse le jeu bien au delà du préjugé de baston incessante dont il est victime.

Les Armes possèdent bien sûr de nombreux pouvoirs. D’abord elles offrent des bonus aux capacités de combat de leur porteur (qui, même s’il est le fils du boulanger, pourra se battre de manière convenable). Mais leurs pouvoirs vont bien plus loin. Certaines peuvent projeter des langues de flammes, d’autres peuvent rendre leur porteur invisibles, et certaines peuvent également posséder une lame « tronçonneuse ». Ce genre de pouvoir participe bien sûr à la réputation de jeu de massacre de Bloodlust.

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Hearts of steel

TanaephisLes habitants de Tanaephis sont tiraillés par leurs désirs: Pouvoir, Connaissance, Plaisir, Richesse et Violence. Ces désirs varient selon l’influence des lunes qui entourent le monde. Ainsi, quand vient le mois des Conquêtes, le désir de Violence est exacerbé, ce qui pousse les hommes à partir à la guerre. A l’inverse, lors des mois du Bonheur, tout se calme un peu. De nombreux enfants sont conçus pendant ces mois où le désir de Plaisir est plus important. Ces influences lunaires poussent Tanaephis dans un incessant balais de guerres, d’orgies, de coups fourrés et d’arnaques, et parfois le tout en même temps.

Une fois encore, rester à la surface des choses peut faire penser qu’à Bloodlust, on massacre, on baise et on re-massacre sans arrière pensée. Ce serait oublier que les désirs sont d’abord un important incitant au roleplay. En effet, chaque personnage aura des désirs différents, qui entrent parfois en conflit. De plus, il faut parfois faire fi de ses envies du moment pour progresser dans le scénario. Enfin, les armes ont également des motivations, et si un porteur se laisse trop aller à ses pulsions, une arme pourrait simplement décider d’en changer. Il est très simple pour une arme de prendre le contrôle et d’emmener son porteur dans un combat perdu d’avance, surtout si comme par enchantement ses pouvoirs ne fonctionnent pas au moment critique. Les désirs sont donc bien plus qu’une excuse qui permet aux joueurs de violer tous les PNJ qu’ils croisent. Mais une fois encore, à Bloodlust,  il faut gratter le vernis pour atteindre le vrai intérêt des choses.

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Killers of men

Clairement, comparer le Tanaephis de la version originale ou de l’édition Métal n’offre que peu de différences. On a quelques détails en plus, des cartes clairement plus détaillées, des termes qui n’existaient pas à l’époque (l’Hégémone Vorozion, les Bänd Piorad), mais rien de transcendant. La timeline a été avancée de quelques années, l’empire Dérigion reprend quelque peu de poil de la bête, la Nation Batranobane est en proie à des troubles, mais Tanaephis reste grosso modo tel qu’on l’avait quitté. Les conséquences de la campagne Eclats de lune sont mineures, au point qu’il serait possible de la jouer dans cette édition, avec très peu d’adaptations. Changement le plus visible: les désirs qui ont changé de noms. Fini le sempiternel débat sur les désirs de Prestige et de Réputation qui se chevauchaient. Le vrai gros changement de cette édition, c’est évidemment le système Métal, dont je vais vous parler pas plus tard que tout de suite.

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Of warriors friend

À la lecture du système Métal, on sent une réflexion poussée jusqu’au bout. On y retrouve des éléments déjà aperçus ailleurs, mais assemblés ici pour donner un tout cohérent et qui, surtout, colle parfaitement à l’esprit de Bloodlust:  c’est violent, brutal, héroïque mais pas trop, et capable de simuler des combats tactiques, funs et sanguinolents.

Métal se joue au d6. Votre score dans une compétence vous donne le nombre de dés lancés. On notera l’absence de caractéristiques, tous les tests sont basés sur une compétence. Ces compétences représentent des métiers, des occupations. On y retrouve Artisan, Athlète, Batelier, Citadin, Ferrailleur, Gentilhomme, Larron, Paysan, Tireur, Veneur, etc. Pour déterminer votre poignée de dés, outre le niveau de compétence (entre 1 et 5) vous pouvez ajouter le score d’un ou plusieurs aspects. Les aspects sont des mots-clés, des petites phrases, qui servent à la fois à définir le personnage et lui donner des bonus (et parfois des pénalités) à ses tests. Un aspect peut être une caractéristique physique (grand, fort comme un bœuf, mince comme une aiguille, souple, œil acéré, regard intimidant), un trait de caractère (borné, affable, n’aime par les Dérigions, je veux amasser l’argent), un élément d’historique (ancien de la légion Vorozion, membre de la guilde des peaux), une spécialité (hache à deux mains, combat nocturne, aucune serrure ne me résiste) et beaucoup d’autres choses laissées à l’imagination du joueur (sous le contrôle du MJ, bien sûr). Lorsqu’un aspect peut se révéler utile lors d’une action, son score s’ajoute à la poignée de dés. En dépensant de l’effort, le joueur peut utiliser jusqu’à trois aspects sur un test.

La réserve d’effort permet de déclencher les aspects. C’est aussi elle qui diminue en premier en cas de blessure. Lorsque le personnage est à court d’effort, il peut cocher des cases de son compteur de Fatigue pour en récupérer.

Une fois le nombre de dés déterminé, leurs résultats sont additionnés. Le score obtenu doit dépenser un seuil non pas fixé par la difficulté de l’action (qui diminue simplement la poignée de dés) mais par l’état de santé (physique et mentale) du personnage. Un personnage en pleine forme doit atteindre le seuil de 6. Ensuite, chaque dé ayant donné un résultat pair compte comme une qualité. Plus le nombre de qualités est important, mieux l’action est réussie.

Bien sûr, il est inutile de lancer 12 dés pour atteindre 6. C’est pourquoi il est possible de prendre des risques. Chaque dé qui n’est pas lancé donne automatiquement une qualité si le test est réussi. Ainsi, au lieu de lancer 12 dés, je n’en lance que 3, ce qui devrait suffire pour atteindre la somme de 6. Les 9 dés écartés donnent autant de qualités à mon test. En cas d’opposition, c’est le nombre de qualités de chaque participant qui indique le vainqueur. En cas de combat, les qualités de l’attaquant sont comparées aux qualités du défenseur pour déterminer les dégâts.

Les qualités sont au cœur du système. Il est par exemple possible de ne lancer qu’une seule fois les dés pour traverser une rivière sans se noyer, rapidement, en évitant les crocodiles et en restant discrets. Au joueur de distribuer ses qualités dans chacun des éléments de son action.

Les combats sont gérés par ce même système. La trouvaille vient de la compétence de circonstance. En effet, un combat dans une arène sera fort différent d’un combat en forêt ou dans une auberge. Au début du combat, une compétence permet de déterminer l’initiative, le nombre d’actions par passe et le seuil de rupture du personnage. Ainsi, un personnage pourra être plus à l’aise dans certains combats et plus gêné par d’autres. Le seuil de rupture est le score à dépasser (en nombre de qualités) pour infliger une réelle blessure à son adversaire. Grâce à cette compétence de circonstance, des joueurs malins combattront leurs adversaire sur un terrain qui les avantage, là où leur compétence de circonstance est plus élevée avec au besoin un aspect adapté à la situation.

Autre trouvaille du système, les jauges d’états. Fatigue, Faiblesse et Tension sont des compteurs qui se remplissent au fur et à mesure des activités éreintantes, des blessures et des stress encourus par le personnage. Lorsqu’ils dépassent certains seuils, ils affectent le score à obtenir pour réussir une action. Ainsi, au cour du combat, un personnage devra puiser dans ses réserves et sera forcé de lancer plus de dés pour réussir ses attaques. Le compteur de Fatigue se remplira rapidement au cours d’un combat: le joueur devra y cocher des cases pour récupérer de l’effort afin de déclencher ses aspects, et subira forcément des blessures qui lui feront cocher d’autres cases. Accumuler les combats sans temps de repos est donc une attitude suicidaire. Tiens, pour un jeu qui ne parle sois disant que de baston, c’est intéressant de voir que les règles découragent de se battre toutes les cinq minutes sans réfléchir…

De même, au cour du scénario, l’influence des désirs pourra faire varier le compteur de Tension du personnage. Si celui-ci loupe une occasion de conclure avec la serveuse alors que son désir de Plaisir est important, il gagnera de la Tension. Par contre, avec un grand désir de Richesse, il pourra faire baisser son compteur s’il récupère une grosse somme d’argent.

Bref, le système regorge de trouvailles, dont je n’ai mentionné que le sommet de l’iceberg. Le tout est parfaitement cohérent, les pièces du puzzle s’imbriquent à merveille, et, cerise sur le gâteau, permet de rendre l’ambiance si particulière de Bloodlust.

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Sworn to avenge our fallen brothers

Faut pas déconner. Le jeu sans défaut ça n’existe pas.

D’abord, j’ai trouvé qu’à travers les 410 pages du jeu, on n’évoque pas suffisamment les Armes-Dieux. On a une foison de détails sur les peuples, l’histoire et la géographie de Tanaephis, mais finalement assez peu sur la psychologie des armes, sur les rapports qu’elles entretiennent avec leurs porteurs, sur leurs objectifs à long terme. C’est un point majeur du jeu, et je trouve qu’on manque cruellement d’éléments pour le faire parfaitement ressortir.

Ensuite, si je trouve le système Métal absolument génial, il ne conviendra pas à tout le monde. En effet, c’est un système très technique, qui offre beaucoup d’options aux joueurs. Ces derniers pourront se retrouver perdus entre les risques, les préparations, les facilités, les aspects, les failles, les possibilités de relance, les dés de sang, etc. À réserver, selon moi, à des joueurs dégourdis au niveau des règles. Si vous cherchez quelque chose de plus narratif ou intuitif, Métal n’est peut-être pas fait pour vous (au contraire de Cheap Tales, par exemple). J’ai aussi quelques réticences avec le nom de certains compétences. Vous trouvez que « Ferrailleur » est le nom le plus adéquat pour la compétence à utiliser pour les attaques de mêlée, vous?

Enfin, je trouve les règles de guérison et de gestion des blessures un peu complexes. Elles se veulent réalistes, elles le sont, mais demandent un peu trop de gestion. Surtout qu’elles ne sont pas accompagnées de suffisamment d’exemples. On appréciera l’ajout d’un encadré présentant un système plus simple et narratif, mais un juste milieu aurait été le bienvenu.

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To the end

Clairement, Bloodlust Métal, ça déchire. Le contexte du jeu est tel qu’on l’a connu il y a vingt ans. Il était génial à l’époque, aucune raison qu’il ne le soit plus. D’autant que le niveau de détails exposé lui donne encore plus de vie. Le système de jeu est bourré de trouvailles et correspond parfaitement au jeu. À sa lecture, je me demande pourquoi encore créer d’autres systèmes pour du med-fan un peu gritty. J’ajouterais une excellente note à la maquette. D’habitude, je m’en fous un peu, mais ici elle est remarquable. Quand avez-vous vu un livre de jeu qui vous expose la description de toutes les compétences sur deux pages en vis-à-vis? Pareil pour les bases du système, exposées de manière très claire, les règles dans une colonne, les exemples dans l’autre. La maquette évite les fioritures épuisantes comme les encadrés illisibles ou les multiples polices de caractères. Les illustrations sont parfaitement dans le ton. Bref, un exemple à suivre.

Conclusion: Bloodlust Métal est excellentissime, si vous ne le possédez pas encore, foncez !

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Let the battle begin with swords in the wind

Le mois des Conquêtes, site officiel de Bloodlust Métal

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C’est quoi ces titres de chapitres à la con?