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Le test de Bechdel-Wallace appliqué au jeu de rôle

Je ne vous apprend rien, les hommes sont sur-représentés dans les œuvres de fiction, et notamment les films. C’est le syndrome de la Schtroumpfette. Le test de Bechdel-Wallace est un petit questionnaire rapide qui permet, en trois questions, de déterminer le côté sexiste d’un film. Alors, pourrait-on avoir un test similaire pour le jeu de rôle ?

test de bechdel wallace

Le test de Bechdel-Wallace tire son nom d’une planche de BD d’Alison Bechdel dans sa série Dykes to watch out for (Lesbiennes à suivre). Dans cette planche, l’amie de Bechdel, Liz Wallace, lui explique qu’elle a un petit truc pour déterminer si un film est sexiste : elle se pose trois questions très simples…

  1. Le film comporte-t-il au moins deux personnages féminins ?
  2. Ces personnages parlent-elles ensemble ?
  3. Parlent-elles d’autres choses que d’un personnage masculin ?

Pour que le film soit jugé non sexiste, il faut que la réponse à ces trois questions soit oui. Ce n’est sans doute pas l’outil ultime, mais sa simplicité nous permet de l’appliquer à un film de manière très rapide.

Et là c’est le drame. Car oui, ami geek qui lit ce blog, beaucoup d’œuvres que toi et moi vénérons en tant qu’amateur de « cultures de l’imaginaire » ne passent pas le test. Star Wars ? Raté. Le Seigneur des anneaux ? raté. Blade Runner ? raté. Retour vers le futur ? Le guide du voyageur galactique ? Minority report ? Avatar ? Avengers ? Pirates des Caraïbes ? Bref, vous voyez le tableau. Alors oui, il y a aussi des films de geek qui passent le test (la plupart des Harry Potter, Matrix, par exemple), mais l’autre drame c’est que même en réussissant le test, un film peut tout de même laisser une place écrasante aux personnages masculins (Dans Matrix, 81% des dialogues sont prononcés par des hommes, même score en moyenne pour les Harry Potter, 87% pour Avengers – source). Bref, passer le test de Bechdel-Wallace n’est pas la preuve que le film n’est pas sexiste, mais c’est déjà un pas en avant…

Et pour le jeu de rôle ?

Tel quel, difficile d’appliquer le test à un jeu de rôle ou à un scénario. Mais on pourrait tout de même envisager quelque chose de similaire. À mon sens, il faut séparer les jeux des scénarios, car des questions différentes doivent être posées.

Pour un jeu
  1. Le jeu permet-il d’incarner des PJ féminins ?
  2. Ces PJ féminins ont-ils des capacités identiques aux PJ masculins ?
  3. Ces PJ féminins apparaissent-ils en égale mesure dans les illustrations du jeu ? (Et en bonus, les femmes sont-elles illustrées par autre chose que des vamps sexy à moitié nues ?)

Petite expérience au hasard sur quelques jeux, juste comme ça pour voir…

  • Héros & Dragons (Manuel des règles) | Réussi
  • L’Appel de Cthulhu (Manuel de l’investigateur V7) | Raté. Une immense majorité d’hommes sur les illustrations. Mention spéciale aux prétirés du chapitre 6 qui offrent une vingtaine d’exemples, dont seulement deux femmes. On pourra arguer que le contexte historique années 20 pousse à une hyper masculinisation. Et donc un personnage féminin intéressant dans les années 20 c’est impossible ? Sans déconner…
  • FATE Core (Livre de base) | Raté. Ici aussi beaucoup plus d’hommes que de femmes dans les illustrations. On notera tout de même que les femmes sont montrées de manière tout aussi badass et compétentes que les hommes, ce qui est déjà un très bon point.
  • In Nomine Satanis, génération perdue (Livre de base) | Raté. Mais de pas loin, on doit avoir 65% d’illustrations de mâles.
  • La lune et les douze lotus | Réussi

Voici la preuve que c’est souvent au niveau des illustrations que le problème se pose. Il y a à ce sujet un véritable progrès, très visible dans la 5e édition de D&D par exemple, mais ça peut encore s’améliorer. Auteurs, responsables de gammes qui demandent les illustrations, et bien sûr illustrateurs ont entre les mains un levier très simple pour continuer à avancer dans le bon sens.

chainmail bikini

Pour un scénario
  1. Le scénario contient-il au moins deux PNJ féminins ?
  2. Ces PNJ ont-elles une interaction avec les PJ ?
  3. Cette interaction est-elle autre chose que « sauvez-moi » ou « sautez-moi » (ou même « commandez-moi une bière en matant mon décolleté ») ?

Même expérience sur des scénarios variés :

  • Le maître des engoulevents (Appel de Cthulhu – Le musée de Lhomme) Réussi
  • Inspiré de faits réels (Channel Fear – S01E05) Réussi
  • Lost mine of Phandelver (D&D 5 – starter set) Réussi
  • Le Souffle du Dragon (Nephilim) Réussi
  • Thalassauce béarnaise (INS/MV – écran de la 2e édition) Réussi

Cet échantillon pas du tout représentatif pourrait pousser à croire qu’au niveau des scénarios, il n’y a pas de problème flagrant. Il faut se rappeler néanmoins que comme pour un film, le test des trois questions est loin de pouvoir déterminer le véritable caractère sexiste d’un scénario. C’est juste un petit truc qui pourrait faire sonner une alarme « attention, scénario sexiste ». Par contre, le test se révèle utile pour les auteurs de scénarios. Avant publication, chacun devrait réfléchir et s’assurer qu’il n’a pas pondu un scénario dont tous les PNJ importants sont des hommes.

Et autour de la table ?

guerriereVous pouvez avoir le jeu et le scénario les moins sexistes du monde, tout reste à faire autour de la table. Poussons le bouchon et instaurons un test de Bechdel-Wallace destiné aux joueurs :

  1. Est-ce que je considère qu’un PJ féminin peut être badass, compétent, capable de tabasser ou d’intimider quelqu’un ?
  2. Est-ce que je peux avoir une interaction avec un PNJ féminin sans m’inquiéter de son apparence, de son sex appeal et de son score de charisme ?
  3. Est-ce que je peux avoir une interaction avec un PNJ féminin sans tenter de la séduire ?

Si vous répondez oui à chaque question, c’est bon, vous êtes sur la bonne voie…

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Alors, selon vous, un test de Bechdel-Wallace appliqué au jdr, c’est intéressant, c’est con, inutile ? Ça vous arrive de vous poser des questions sur le caractère sexiste d’un jeu, d’un scénario, d’un joueur, de votre façon de jouer ? Dites-nous tout en commentaire…


Journal d’un démon en campagne

Je ne sais pas si vous aussi vous l’avez remarqué mais en cette période de fin d’année, il est de bon ton de faire des bilans. On voit fleurir sur tous les blogs des bilans en tous genres : les livres que nous avons lus et aimés ou détestés, les articles que nous avons rédigés et qui ont eu leur petit succès, les jeux auxquels nous avons joué et les promesses que nous n’avons pas tenues pour des raisons toutes plus valables les unes que les autres.

Je me suis donc dit qu’il serait peut-être bien de poser ma main sur ma tête et de faire le bilan non pas de cette dernière année de jeu de rôle mais de mon évolution en tant que joueuse.

Et là, je dois être honnête et vous confesser une chose affreuse… J’ai mis le doigt dans un engrenage qui me dépasse… J’ai des péchés en vrac qui me trainent aux guêtres. Je pourrais dire que tout n’est pas de ma faute. Je pourrais par exemple dire que tout ça, c’est la faute de mon ami Etienne, après tout, c’est lui qui a fait les propositions de jeux… Je pourrais dire que j’ai dû m’incliner face à la majorité. Mais… Mais, ce ne serait pas honnête. Et si je suis devenue un être trouble en perdition, je veux garder ma dignité et ne pas renier ce que je suis devenue : un démon !

Rien moins que ça !

Et oui, mes amis ! Que cet article vous serve et vous mette en garde : lorsqu’on fait du jeu de rôle, on ignore parfois jusqu’où on sera entraînés. Pour ma part, j’ai débuté dans la peau d’une gentille demi-elfe druidesse enfonceuse de portes et tueuse de rats pour me repaitre à présent des malheurs de la race humaine. Une fois par mois, j’ôte mes oripeaux de dame bien élevée pour laisser parler la bête qui sommeille en moi. L’odeur du soufre m’exalte, les cris d’agonie me réjouissent et les relents de mal sont seuls susceptibles d’éveiller mes appétits.

A ma décharge, ma déchéance fut progressive. Lorsque nous avons lancé la partie d’In Nomine Satanis, j’avais quelques remords. On m’entendait contester des décisions : « On ne va quand même pas bousiller la vie d’un gamin de 12 ans ? Sans blague, les gars, c’est horrible ce que nous envisageons de faire ! ». Je jure solennellement que j’ai poussé de hauts cris lorsque mes camarades ont émis l’idée d’envoyer des petits messages de harcèlement sur son mur facebook. Et vraiment, cela m’a posé des problèmes de conscience ! Je ne suis pas parvenue à m’éclater lorsque notre stratégie aussi machiavélique que bien huilée a porté ses fruits et que le gamin en question a enfoncé le porche de son école avec la moissonneuse-batteuse de son papa, provoquant la mort du gardien. La lutte intérieure m’agitait en permanence. Au point que je me risquai, imprudente, à raconter mes péripéties en dehors du cadre des initiés. Mal m’en a pris. Les regards de mon entourage se sont teintés de commisération pour l’être que j’étais devenue. Vous n’imaginez pas comme il est difficile de supporter cette pitié qui suinte à votre égard lorsque vous vous égarez dans des confidences sur vos passe-temps du mois. Comme si je déballais ma petite vertu aux yeux de tous et qu’il fallait me remettre sur le droit chemin. J’ai ainsi expérimenté les regards épouvantés et surtout emplis d’incompréhension : mais comment peut-on tomber si bas ?

J’aurais pu – j’aurais dû – m’arrêter là et dire à mes compagnons : « Stop, on change de jeu ! ».

La vérité est que je m’amusais trop : j’ai pris goût au sang, à la ruse et à la fréquentation de mes potes démoniaques. Et je m’esclaffe grassement en proposant d’éclater les rotules du pauvre gars qui a eu le malheur de se mettre en travers de notre chemin.

Ai-je des circonstances atténuantes ?

Ben, d’abord, je suis un démon. Ça n’aide pas à avoir d’états d’âme, je trouve, personnellement. Et puis, je fais partie d’un groupe vraiment sympa. Ça crée des liens, je m’en voudrais de les laisser tomber.

Et puis, en y réfléchissant bien, je ne nous trouve pas si affreux que cela. Tenez, à nous 4, nous avons réussi à stopper Jack l’éventreur, revenu d’entre les morts par une porte dérobée, et capable de prendre possession d’humains faibles et débiles pour tuer à qui mieux mieux.

Ah ! C’est pas rien ça, non !

Vous voulez une autre preuve que nous ne sommes pas si infernaux qu’il y parait ? Soit.

Depuis quelques temps, nous travaillons en partenariat avec des anges. Bon, c’est la honte, ils puent et sont vraiment chiants mais c’est bien une preuve que notre œuvre n’est pas si condamnable que cela, non ?

Et puis, mes collègues de travail font preuve d’un tel enthousiasme dans l’exercice de leur mission, ils sont parfois dotés de traits de génie qui forcent mon admiration et mon respect : la dernière fois, par exemple, l’un d’entre nous s’est métamorphosé en sosie pour nous permettre de régler son compte à un fou furieux. Ah, ce n’est pas donné au premier venu, ça vous épate, hein !

Alors, oui, je le clame haut et fort : c’est trop cool d’être un démon ! Ca pêche, ca se gondole, ça se fritte avec des costauds. Et plus le temps passe, plus j’aime ça. Le fait que nous n’ayons plus croisé d’enfants sur notre route m’aide peut-être. Bon, oui, c’est vrai, il y a eu des mariés explosés pour la cause, mais on ne va pas non plus en faire un fromage, quand même ?! Non mais c’est vrai quoi.

Ah oui, pour terminer cette confession, je dois encore admettre une dernière chose : à partir de janvier, j’endosse en plus le rôle d’une naine prêtresse dans Pathfinder. Je vous tiendrai au courant, promis. Mais je peux déjà vous dire un truc : les dés restent mon pire ennemi. C’est pour ça que j’aime INS, que des dès 6, c’est trop de la balle ! Comment ça, je cause ringard ???? Et mon poing dans ta g… tu veux voir s’il est ringard ?

(Oups, sorry, une rechute, toutes mes confuses !…)

Allez, joyeux Noël et bonne année à vous 🙂


Jouer avec des « casual gamers »

Souvenez-vous, il n’y a pas si longtemps nous analysions ici même les différents types de joueurs et les motivations qui les poussent à revenir partie après partie à votre table. La dernière catégorie était le casual gamer, celui qui joue plus pour passer un bon moment entre amis en grignotant des chips que pour être le moteur de l’histoire. Et bien figurez-vous que l’un de mes groupes n’est constitué que de ce genre de joueurs. Oh bien sûr ils ont des tendances vers l’un ou l’autre type, mais ce sont principalement des casual. Cela implique différentes choses dans ma manière de gérer la table. Je m’en vais partager ici cette expérience avec vous.

Choisir le jeu

Boromir

Première caractéristique du casual gamer: il n’aime pas les règles compliquées. Il n’aime pas non plus les univers trop compliqués, les trucs alambiqués dans lesquels le rôliste moyen prend son pied. Exit donc les jeux tels que L5A ou Shadowrun, à la fois trop techniques dans leurs règles et trop riches dans leur background. D’autres exemples de jeux difficiles à placer à une table de casual gamers: Bloodlust Metal, surtout pour le système de jeu dont je ne pense que du bien, mais qui reste trop compliqué pour quelqu’un qui ne s’y investit pas ; Nephilim, ici par contre pour la trop grande richesse de l’univers de jeu ; et à la limite D&D, bien qu’un récent essai me fasse douter. En étant didactique, il y a sans doute moyen de jouer au grand ancêtre à condition de ne pas proposer le prêtre, le druide, le magicien ou le barde au plus casual des casual gamers.

À l’inverse, plusieurs jeux sont assez simples (entendons-nous bien, simples, pas simplistes) pour que la pillule passe facilement: Kuro a magnifiquement fonctionné, les règles n’étant pas trop complexes et l’univers horrifique facile à transmettre. Vermine s’est révélé idéal pour l’initiation, Les Mille Marches fonctionnent à merveille, INS/MV est passé sans problème, et nous terminons notre première campagne de Guildes sans le moindre soucis (même si ici j’ai du être très pédagogue pour expliquer l’univers de jeu). Sans les avoir essayés avec ce groupe, des jeux tels que l’Appel de Cthulhu ou Humanydyne devraient bien fonctionner aussi.

Maîtriser la complexité du scénario

Tout MJ rêve de faire jouer la Campagne Impériale, les Masques de Nyarlathotep, l’Assemblée du Seuil ou la campagne de COPS. Mais avec un groupe de casual gamers, ce ne sont sas doute pas de bon choix. D’abord parce que ce genre de groupe se réunit au mieux une fois par mois, et qu’il perd facilement le fil de la campagne. Ensuite parce que si vous les perdez dans une intrigue alambiquée avec de nombreuses pistes à suivre, vous les perdez pour de bon. Vous serez en effet amenés à passer plus de temps à expliquer ce qui se passe et à rappeler qui est ce PNJ rencontré il y a trois parties qu’à animer la partie. Enfin parce qu’ils sont plus enclins à suivre un bon gros fil rouge qu’à explorer de nombreuses pistes et différents arcs narratifs.

PatrickLe conseil ce serait de rester sur des one-shots ou des scénarios qui ne prennent pas plus de 5 ou 6 parties pour être démêlés. Quitte à en enchaîner plusieurs qui n’ont qu’un lien ténu pour donner le sentiment d’une campagne de longue haleine sans mettre en péril le plaisir du jeu parce que tout le monde a oublié cet événement fondamental qui s’est passé il y a 18 mois. Bref, keep it simple stupid (kiss), de toute façon ils ajoutent la complexité eux-mêmes.

Ne pas être trop exigeants

En tant que MJ, vous rêvez de joueurs impliqués, qui construisent une vraie personnalité pour leur personnage, qui écrivent 5 pages pour vous en expliquer l’incroyable historique, qui pondent son journal intime, qui vous aident à écrire les résumés des parties, et qui en plus amènent de la bière trappiste lors des parties. Sauf pour la bière, n’espérez rien de tout ça de vos casual gamers. En dehors des parties, pour eux, le jeu n’existe pas. Ils ne l’évoquent pas quand ils se croisent au boulot ou à l’école, ils ne relisent les résumés que vous devez écrire que si vous les encouragez harcelez, et en plus ils oublient les règles d’une partie à l’autre. Ils ne se souviennent pas toujours des PNJ les plus importants de votre scénario, ils oublient même parfois la composition de leur propre groupe. Mince, certains n’ont même pas de dés !

Quelle plaie me direz-vous. La solution vient de vous cependant. En dehors de faire preuve de votre plus impressionnante pédagogie pour atténuer ces « défauts », vous devez d’abord réaliser un travail sur vous-même et éviter d’en espérer trop. Si vous êtes conscients de la composition du groupe, que vous savez ce que vous pouvez en attendre et ce qui est trop pour eux, vous éviterez déception et frustration. Ensuite, il est encore possible, avec le temps, de transformer les casual en hardcore gamers, mais cette transformation est rare.

User de pédagogie

Le casual gamer oublie tout de partie en partie. Qu’à cela ne tienne, aidez-le à se souvenir. Ecrivez des résumés courts et simples de l’intrigue du scénario. Utilisez des visuels pour mettre un visage sur le nom des PNJ. L’utilisation d’un blog est une belle solution, qui vous permet en plus de renvoyer les articles pertinents aux joueurs avant chaque partie (ne doutez pas de l’efficacité de la messagerie Facebook…). Pendant la partie ne soyez pas trop pesants sur l’univers. Si un joueur oublie systématiquement qu’il y a deux soleils sur Cosme, à quoi bon s’énerver. C’est à vous d’instiller cette info dans son esprit dans vos dialogues et descriptions (« rendez-vous au lever des Feux-du-Ciel »), plutôt que de lui faire une remarque s’il parle du soleil.

Pareil avec les règles. Oui, ça peut être énervant de devoir rappeler comment on lance les dés lors à chaque test (oui, vous avez bien lu « chaque test »). Ici aussi, soyez pédagogue, didactique et sympa. De toute façon l’attitude inverse ne fonctionnera pas. Généralement, dans un groupe de casual gamers, il y en a toujours l’un ou l’autre un peu moins rebutés par les règles et les dés. utilisez-les comme relais. Pensez donc à les placer intelligemment à table pour qu’ils puissent à leur tour expliquer comment lancer les dés pendant que vous vous concentrez sur autre chose.

Lancer la partie en douceur

Vous êtes le genre de MJ qui arrive à la partie, déballe son matériel vite fait, et tandis qu’il déploie son écran, en ayant à peine esquissé un « bonjour », se lance dans la description de la situation initiale? Ça risque de ne pas passer avec les casual gamers. Rappelez-vous, vous vous réunissez mensuellement (au mieux). Certains se voient entre les parties, d’autres pas. Quoi qu’il en soit ils ont des choses à se dire. La dernière blague de mauvais goût sur les enfants et les épinards, la dernière connerie de leur chef au boulot, la dernière bagarre dans la cour de l’école, la prochaine trilogie Star Wars (n’essayez pas, en général le casual gamer ne sait pas qui est Boba Fett), ou quoi que ce soit d’autre. Tentez de couper court au discussions, et vous vous exposez à deux choses: les joueurs entrent dans la partie avec des pieds de plomb, et les anecdotes ressortiront plus tard, au plus mauvais moment, quand votre grand méchant entame son rituel qui réveillera les forces du mal. Bref, laissez faire, et gentiment remettez le jeu de rôle au centre de l’attention. Je vous conseille même de participer aux discussions, afin qu’ils vous voient vous, le MJ, comme un mec comme les autres, plutôt que comme un type à part un peu différent d’eux.

Ne terminez pas trop tard

Le rôliste hyper motivé, même fatigué, peut jouer jusqu’à 4 heures du matin si la partie le porte. Le casual gamer, à 23h00, ses paupières sont lourdes, il voit son nombre d’heures de sommeil auquel il aura droit avant de se lever demain diminuer, et il commence à ne plus suivre. Ne poussez pas le bouchon. Mieux vaut une partie courte où tout le monde a compris ce qui se passe plutôt que deux heures de plus pendant lesquelles vous n’allez plus jouer qu’avec les plus motivés et où vous aurez perdu tous les autres. Dans mon groupe, dès qu’il est 22h30, je réfléchis au meilleur endroit où terminer la partie, de préférence sur un bon cliffhanger, et je m’arrange pour que cette fin arrive dans les 30 à 45 minutes qui suivent. Il arrive que je le sente plus en forme, auquel cas je peux pousser un peu, mais c’est plutôt rare.

Une dernière mise au point

On pourrait croire à la lecture de l’article que les casual gamers sont des rôlistes « mineurs », peu intéressants pour un MJ. Que nenni non point ! Mes parties avec ce groupe me procurent un immense plaisir. Les efforts que je dois déployer pour qu’ils apprécient de jouer font de mois un meilleur MJ. Et si le trait est un peu grossi dans l’article, je dois tout de même les remercier parce que tout fonctionne à merveille. Et puis, le groupe tient depuis quelques années maintenant. Et même les plus casual d’entre eux reviennent à chaque partie. Ce sont donc bien de vrais rôlistes, authentiques, de cette race de bons rôlistes qui chassent la galinette cendrée…

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Et vous, avez-vous à votre table l’un ou l’autre casual gamer ? Comment les gérez-vous ? Avez-vous réussi à en transformer un en hardcore gamer ? Dites-nous tout en commentaire !


Préparez vos scénarios avec une mind map

Une quoi? J’imagine que pour la plupart, une mind map reste un mystère. Et vous donner la traduction française ne vous aidera guère. «Carte heuristique», en plus d’être tout à fait abscons, est vraiment un terme pompeux que ne renierait pas l’intellectuel arrogant qui voudrait vous remettre à votre place de béotien ignare. Je garderai donc le terme anglais parce qu’il est communément utilisé et plus représentatif.

Et donc c’est quoi une mind map? Comme son nom l’indique, il s’agit d’une carte, d’une représentation graphique des liens entre différentes idées qui permet de les hiérarchiser et de les résumer. Une fois crée, la carte permet de retrouver facilement une information et de la relier aux autres. Un bon dessin valant mieux qu’un long discours, voici l’exemple d’une carte pour un court scénario pour Vermine. En texte, il ferait cinq ou six pages. La carte permet de le résumer en une seule.

Mind map Vermifuge Sur ce premier exemple, en un coup d’œil vous avez à votre disposition :

  • La structure des scènes en suivant les boîtes vertes dans l’ordre. (Oui, il s’agit bien ici d’un scénario linéaire. Nous verrons plus tard qu’on peut le faire aussi pour d’autres types de scénarios).
  • Des détails sur chaque partie (les entrées surlignées en bleu)
  • Les informations données par les PNJ rencontrés
  • Les caractéristiques des adversaires (bien sûr, sur une carte plus complexe, la place manquerait)

Si vous avez lu le scénario au préalable, vous n’aurez normalement plus besoin que de la carte pendant la partie. L’information étant bien structurée, vous vous y retrouverez facilement sans devoir feuilleter votre scénario.

 

Ca marche aussi pour les enquêtes

Bien sûr le premier exemple ci-dessus exposait un scénario linéaire assez simple. Mais le véritable pouvoir de la mind map surgit quand on l’utilise pour un scénario d’enquête. Voici la carte de l’enquête sur la mort de Charles Oba-Shaver, une des affaires du scénario Une semaine en enfer pour COPS, que vous trouverez dans le supplément Amitiés de Los Angeles. L’affaire est ici plus complexe : indices de la scène de crime, antécédents de la victime, informations sur les suspects, les différentes pistes à explorer, etc. Toutes ces informations sont dispersées sur sept pages de texte bien dense. Une fois de plus, cette carte vous offre toute les précieux détails en un coup d’œil, ce qui offre deux principaux avantages : vous n’aurez pas à ralentir le jeu en vous référant au scénario, et vous direz moins de bêtises dans le feu de l’action. D’autant que pour ce scénario, vous aurez à gérer deux enquêtes en parallèle…

Mind map COPS

 

Ca marche aussi pour les bacs à sable

Les quoi? Bon, un exposé sur les différentes structures de scénarios viendra peut-être un jour sur ce blog. En résumé, un bac à sable (ici aussi le terme anglais sandbox est plus souvent rencontré) est un scénario sans réelle ligne directrice. Il s’agit d’un lieu, d’une région, d’une ville décrite avec les différentes intrigues qui s’y déroulent et les PNJ importants. On y lâche les PJ qui y jouent les trublions, et vogue la galère.

Le scénario pour INS/MV (dans l’écran de la deuxième édition) Thallasauce Béarnaise est un excellent exemple. Les démons y sont chargés d’aller corrompre la population d’un petit village Normand. Le scénario en lui-même est surtout une description du village, de quelques PNJ importants et des petits soucis que certains peuvent avoir et qui constituent autant de possibilités que peuvent exploiter les PJ. Tout ceci, une fois encore, peut être résumé sur une mind map, que voici:

Mind map INS/MV

Vous trouverez donc ici les endroits importants du village et les PNJ importants. Notez que tous les noms des PNJ sont indiqués, ce qui est un avantage évident pour éviter que Marcel ne devienne Michel en cours de partie…

Les relations entre les PNJ sont également indiquées. On voit ici qui déteste qui (les flèches noires), qui couche avec qui (les rouges), qui jalouse qui (les jaunes), qui est secrètement amoureux de qui (les turquoises) et qui est en concurrence avec qui (les vertes). Avec cette carte devant vous, vous pouvez laisser vos joueurs faire mumuse dans le village, vous aurez toujours de quoi les suivre.

 

Comment faire?

Il y a bien sûr plusieurs méthodes pour créer une mind map. Le but ici n’est pas de vous fournir une formation complète. En général, on commence au centre, et on positionne la feuille de manière horizontale (format paysage). Placez-y le nom du scénario, comme dans les exemples ci-dessus. Ensuite, le principe est assez simple : une branche = une scène ou un endroit ou un groupe important. De chacune de ces branches principales partiront des sous-branches avec certains détails. Notez que les détails de même importance doivent être placés au même niveau de sous-branche. Les PNJ importants d’un lieu sont donc tous au même niveau. Le niveau suivant sert à donner des détails sur chacun d’eux, et ainsi de suite. De nouveau, les trois exemples ci-dessus et les dizaines que vous trouverez sur internet vous aideront à vous familiariser avec le sujet.

Exemple de mind map

Dans une mind map faite à la main, on n’indique qu’un ou deux mots par branche, le cerveau faisant le reste pour retrouver le reste de l’information. A l’ordinateur, on bénéficie souvent de plus de place et on peut indiquer plus de détails. Pourtant, tous les experts du mind mapping vous indiqueront que des mots-clefs et des pictogrammes sont plus efficaces que des phrases complètes. Chacun choisira son école.

Réjouissez-vous, créer votre première mind map sera l’occasion de ressortir vos beaux crayons de couleur Caran d’Ache. Puisqu’il s’agit d’un support visuel, ajouter un peu de couleur sera une aide supplémentaire pour retrouver l’information. Les couleurs peuvent servir de diverses manières. Certains utilisent une couleur par branche. D’autres une couleur par niveau, comme dans l’exemple de Vermine. Certains utilisent aussi des pictogrammes. De petites images schématisant une idée qui permet de la repérer facilement. Une épée pour une scène de combat, un visage (du genre smiley) pour un PNJ, etc. A vous de créer votre propre galerie de pictogrammes qui créeront automatiquement des liens dans votre cerveau de MJ déjà fort sollicité pendant la partie.

 

Do it yourself

La mind map est une représentation de l’information dans votre esprit. C’est un point important : pour bénéficier d’une carte, il est préférable de la faire soi-même. C’est un peu comme quand vous trichiez aux examens (non, ne niez pas). Si vous prépariez vos copions vous-mêmes, c’était beaucoup plus efficace. Pour deux raisons. D’abord, en écrivant votre aide-mémoire, vous imprimiez le tout dans votre petit cerveau d’étudiant. Ensuite, quand il vous fallait le compulser, vous retrouviez l’information plus facilement, car elle était organisée de la même façon que dans votre esprit. Utiliser la mind map de quelqu’un d’autre, ça peut bien sûr aider, mais ce sera plus efficace si vous la créez vous-même. 

Il y aurait encore beaucoup à dire sur les mind map, et sur leur utilisation pour le jeu de rôle. Elles peuvent par exemple servir à prendre des notes pendant la partie (au MJ comme aux joueurs d’ailleurs). Il est aussi possible se s’en servir pour écrire un scénario, ou tout du moins pour mettre ses idées en place. Sans doute de futurs articles en perspective.

 

Pour appronfondir le sujet

Petillant.com – un site très intéressant sur les mind map. Un très bon endroit pour en apprendre plus.
Mindmapping.com – avec un titre pareil, ce site est forcément une ressource indispensable.
Freemind – un logiciel gratuit de mind mapping
Xmind – la même chose, mais pour les utilisateurs de Mac

Vous trouverez bien sûr de nombreux logiciels de mind mapping en cherchant sur le net. Les exemples de cet article ont été réalisés avec Mindjet MindManager 9.0.