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Le cimetière des éléphants

 Non, je ne vais pas vous parler d’Eddy Mitchell ou de films d’aventure assez anciens comme Trader Horn ou un Tarzan de derrière les fagots, avec Johnny Weissmuller. Mon propos touche le jeu de rôle, ô combien d’ailleurs.

 

What’s in a name?

 En guise de préambule, disons d’emblée que je ne suis pas dupe, et que je sais pertinemment que l’expression « Cimetière des éléphants » revêt bien souvent une connotation négative, évoquant la mise au rebut d’objets qui n’ont plus de valeur. Ce n’est pas le sens que je donne ici à cette expression. J’ai davantage en tête un grand terrain vague jonché de squelettes où se dressent fièrement, tels de grands phallus pointant leur ivoire dureté vers des cieux encore immaculés, les défenses tant recherchées, abandonnées à la convoitise sans borne de l’explorateur en quête de précieux butin, et sur lesquelles la main de l’homme n’a jamais posé son regard. Merci au maire de Champignac pour cette fin de phrase.

 

 

J’imagine le Stanley ou le Linvingstoner de passage, fébrile, fiévreux, le menton tremblant. Suant à grosses gouttes. Pris d’un balzin frénétique, comme on dirait dans mon Borinage d’adoption, à deux poils de courir amok, et d’attenter à la vie de quiconque se mettrait sur son chemin. C’est l’image que j’en ai pour les jeux de rôles, quand je ferme les yeux (mais pas trop longtemps, sinon je m’endors).

 

Une JdRthèque?

 Ce cimetière des éléphants, ce serait donc un endroit sur la Toile, où serait stocké l’ensemble des JdR et des JdRa, édités, créés, imaginés et/ou publiés (biffez les mentions inutiles) depuis que le monde est monde. Je parle bien sûr de JdR dont les droits auraient été momentanément abandonnés. Ou mis de côté. Ou dont les auteurs rassasiés et repus, vivant dans le luxe et l’opulence, accepteraient de se passer, rien que pour faire plaisir (on peut rêver). Pour les JdRa, la question ne se pose pas tout à fait dans les mêmes termes, mais presque. Tout créateur de JdRa envisage quand même de faire recette, d’attraper la floche comme sur un carrousel, de décrocher la timbale…, bref de publier son jeu, qu’il passe du statut amateur à quelque chose de pro. Et lâcher les droits, ou répandre son jeu tous azimuts, peut se révéler difficile alors qu’on entame des tractations pour une publication commerciale.

 

Bref, je ne suis pas un pro des droits d’auteur ni de leur cession, abandon ou réclamation. Peu importe comment on appelle ce genre de pratique (que la logique ou un bon sens paysan près-de-chez-vous voudrait contractuelle). Je sais simplement que c’est incontournable. Mais également qu’un bon nombre de jeux se sont gamelés ou sont tombés dans un cul-de-basse-fosse nauséabond et bien profond, suite à des tractations et des revendications (légitimes ou non) au sujets de droits, sur l’air du « c’est moi qui l’ai fait ». Tout le monde ne vit pas d’eau fraîche, c’est clair. C’est le volet le plus sensible de ce genre d’entreprise. Jetons un voile pudique. J’y reviendrai dans un autre billet d’humeur après avoir potassé la question.

 

En devenir

 Vous vous dites, génial, où est-ce ? La perspective d’un tel endroit fait autant saliver le rôliste que la clochette mettait en appétit le chien de Sergeï Pavlov. Il faut cependant vite déchanter. Cet endroit n’existe pas, hélas. Pas encore serait plus correct. Car le chantier intéresse grandement. Les réflexions aboutissent et les initiatives se multiplient actuellement à différents stades de développement.

 

L’idée d’un cimetière des éléphants vient en droite ligne, comme une extension, de l’annuaire des JdRa créé et mis à jour par Roméo Mike, sur le site de Jeux d’Ombres. Cette grande base de données regroupe 1.502 JdRa (j’ai vérifié il y a 10 minutes dans le fichier Excel). Les nouveautés sont flaggées. Ils ne sont actuellement que classés par ordre alphabétique, mais devraient dans un avenir proche être disponibles via un outil de recherche, suivant plusieurs clés de tri. Par exemple, le genre (autant que faire se peut), sa disponibilité, ou son statut. En l’occurrence, est-il encore trouvable ou a-t-il irrémédiablement disparu dans les Limbes rôlistiques, dont parfois il n’aurait jamais dû sortir (osons le dire). Est-il projet, en développement ou achevé ? Où et comment ? Qui que quoi dont où, mais où est donc or ni car… L’annuaire dans sa mouture actuelle fournit quand même le nom de l’auteur et l’endroit où trouver le jeu (s’il est toujours disponible). Il est toujours consultable à partir du site de Jeux d’Ombres, http://jeux.dombres.free.fr/spip.php?page=annuaire, et est en perpétuelle évolution. Dès lors, si vous notez une erreur, n’hésitez pas à la signaler. J’espère vous avoir mis en appétit, parce que l’interface de l’Annuaire qui va vous arriver sous peu, c’est de la pure boulette, signée Sylvain « Greewi » Dumazet à partir de la base de données de Roméo Mike. Bref, du tout bon.

 

L’idée d’une grande banque de données, sauvegarde de la mémoire, n’est pas neuve. Après plusieurs tentatives venant d’horizons divers et échelonnées sur pas mal d’années, la Garde d’Alias (le créateur de l’excellentissime Les Tigres Volants) envisage de proposer des JdR en téléchargement gratuit. Pour l’instant, j’ai trouvé porte close sur le site. Mais le forum est largement accessible. La Garde, c’est la Grande Archive Rôliste Dématérialisée. Conçue comme une plate-forme d’archivage pour JdR. Elle vise à fournir un lieu, en toute légalité, de stockage de JdR francophones. (mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?). Tout cela via l’utilisation de licences libres (Creative Commons, et d’autres) et avec l’accord des ayant-droits qui seraient retrouvés grâce à l’efficacité et la diligence des admins de la Garde. On leur souhaite bonne chance. À ce stade, difficile d’en dire davantage. Je ne peux que vous renvoyer vers le forum, http://forums.fulgan.com/viewforum.php?f=29.

 

 

Premiers balbutiements

 A-t-on une idée du public potentiel pour ces jeux ? Ces JdR en fin de droit intéressent au moins une poignée d’aficionados, mais on peut aussi se dire que l’offre crée le besoin. Et le fait que ces jeux ont sombré (ou menacent de sombrer) dans l’oublie peut rendre leur publication gratuite plus facile. À ce stade, je ne sais pas s’il n’est pas prématuré de se préoccuper du stockage proprement dit. Des sites comme L’Arche Imaginaire ou le Cerbère.org constitueraient des partenaires de premier plan. Mais il y en a d’autres. Ou même sous la forme d’un webring.

 

Jeux d’Ombres a entamé une réflexion et, sur le principe, il y a un accord pour commencer -dans un premier temps- l’archivage de ce qui est actuellement disponible. Dans un deuxième temps, la recherche de JdRa disparus (ou précédemment hébergés sur des sites non fonctionnels) pourra démarrer. Il s’agit là d’un travail titanesque. Retrouver l’auteur ou toute personne pouvant encore posséder une version d’un jeu qui n’est plus disponible sur la Toile va requérir du temps, et une bonne dose de conviction. Patience et longueur de temps font plus que force et que rage… c’est bien connu. L’idée d’une communauté, d’un « anneau », qui prendrait en charge le stockage et l’offre gratuite de JdR, amateurs ou professionnels, peut alors aussi être considérée. Le temps est donc venu de lancer un appel, tout ce qu’il y a de plus sérieux. Que les sites se manifestent s’ils veulent en être. Plus nous serons, et plus nous serons en mesure d’assurer le futur de ces JdR, et de conserver leur mémoire.

 

Et avec ça, qu’est-ce je vous sers?

 Car c’est aussi de cela dont il s’agit. On ne stocke pas juste pour le plaisir. Ou parce que l’espace disponible est énorme et finalement peu onéreux. Ou parce que l’on trouve cela trop cool. Une démarche de cette ampleur doit avoir du sens, et s’inscrire dans la durée. Revêtir un caractère pérenne. Il faut mener la réflexion sur ce plan-là également. C’est en tout cas l’esprit qui anime l’Annuaire du JdRa. On ne peut pas se dire que tant de chemin a déjà été accompli et que le projet peut s’arrêter d’un seul coup. Les personnes qui ont porté le projet de l’Annuaire, ou celles qui mettent La Garde en place, peuvent s’investir pendant un temps plus ou moins long, mais la relève doit également être assurée. La balle est maintenant dans le camp des propriétaires de sites, mais aussi et surtout dans celui des créateurs de JdR (amateurs ou non) et des éditeurs, plus ou moins pro, de JdR. Le référencement (et le stockage qui irait de pair) ne peut se produire qu’avec le soutien (pas seulement l’accord tacite) des auteurs, de l’ensemble des rôlistes. Que veulent-ils pour leur création ? Est-ce que les choses doivent se présenter obligatoirement dans des termes aussi manichéens que « La Gloire ou l’Oubli » ? N’accepteront-ils de participer que pour autant que leur œuvre n’ait pas d’ouverture commerciale ? Ou apporteront-ils un soutien, même conditionnel, pour que l’entreprise décolle ? Regarder les bâtisseurs de cathédrales en disant « C’est chouette mais je vais attendre qu’ils montent le clocher pour participer », ce n’est peut-être pas l’attitude la plus appropriée, à mon avis. Il me semble que les marges de manœuvre sont suffisamment larges pour contenter tout le monde.

 

Et maintenant?

 Jeux d’Ombres a pour habitude de ne parler que de jeux amateurs. La ligne éditoriale est assez stricte (même si cela revient parfois à scier la branche sur laquelle nous sommes assis). Mais parfois, un jeu devenu pro peut faire l’objet d’un article, d’un scénario ou d’une aide de jeu, pour peu qu’une version du jeu publié existe encore sous une forme gratuite et amateur. Et le cas se présente. Ce genre de gentleman’s agreement peut servir comme bottom line d’un cimetière des éléphants rôlistique.

 

Ensuite, un tel outil peut prendre des formes multiples. Cela va de la simple collection de liens redirigeant le visiteur vers le site de l’auteur où est localisé le jeu à un réel espace de téléchargement, sur le mode d’une JdRothèque où les jeux seraient « physiquement » disponibles. Avec tout ce que cela implique de positif et de négatif. Le nombre de visites, de téléchargement pour chaque jeu, serait connu. La charge de maintenance et le coût du site devraient incomber à quelqu’un. Ce ne sont que quelques exemples.

 

La clé de voûte d’un tel Grand Œuvre est constituée par l’information et son partage. C’est la première fonction d’un tel espace réservé. Mais les caractéristiques techniques du stockage, le côté pratique informatique, les détails concrets en soft- ou hardware sont pour plus tard. Enfin, c’est mon avis, et non pas la position des différentes initiatives auxquelles j’ai pu collaborer.

 

D’abord, il faut s’entendre sur le principe. Collecter les bonnes volontés. Et créer une dynamique autour de l’initiative. Que la nouvelle se répande.

 

Alors, à votre bon coeur, m’sieurs, dames.


Tour d’horizon du JdRA

Tout d’abord une petite définition, qui est celle reprise par Jeux d’Ombres auquel j’adhère, ça nous permettre de bien cerner les choses: par jeu de rôle amateur, on entend le JdR qui n’apporte pas de revenus à son auteur qu’il soit édité professionnellement ou à titre d’auteur.

Parler de JdRA, oui, mais lesquels choisir ? Il y en a tant, il suffit de voir l’Annuaire des JdRA présent sur Jeux d’Ombres ou la liste reprise sur le GROG ou d’autres sites et portails du genre. Il y a une multitude de genres, de sortes, un foisonnement de créativité. Du plus conventionnel au plus expérimental, du MedFan à la SF en passant par l’Horreur, l’Uchronie, le steampunk, etc.

Je choisirai de vous parler de quelques auteurs phares et vous renverrai vers l’Annuaire ou l’E-zine Jeux d’Ombres pour en découvrir d’autres qui vous plairaient. Je vous brosserai aussi quelques évènements qui ont gravité ou gravitent encore au sujet du JdRA.

On ne pourrait pas parler de JdRA sans parler d’auteurs notables et leurs jeux mémorables. N’y voyez aucune notion partisane mais le soulignement d’un travail conséquent et méritoire.

  • Olivier LEGRAND qui a produit le formidable et grandiose Imperium basé sur l’univers de Dune, un JdRA très complet et immersif ; ou Solomon Kane inspiré du personnage éponyme de R.E. Howard, mêlant action, horreur et grande aventure, tout cela à l’époque élisabéthaine – revue et corrigée par le créateur de Conan le Barbare ! De l’acier, du sang et des ombres ! Les plus jeunes ne sont pas oubliés avec Gnomes JdR, mini jeu destiné à un très jeune public, inspiré des célèbres livres sur les Gnomes.
  • JeePee a produit de nombreux JdRA courts dont Cthulhu Fhtagn et The Return of The Not Totally Dead critiqués dans Jeux d’Ombres.
  • Livre de l’Ours qui avec 10.000 révolutionne et s’inspire de l’Anabase de Xenophon en mêlant un peu épopée, jeu de rôles et progression typique d’un jeu de plateau (critique à paraître dans Jeux d’Ombres).

 

CJDRA

Une convention pour tous les rassembler. Elle a fait fureur et les beaux jours des JdRA d’antan, la CJDRA. Nombreux sont les JdRA présentés là-bas et qui ont connu la voie de l’édition. Sans compter les rassemblements, les synergies formées. On pense aux Ecuries d’Augias, au collectif Ballon-Taxi, etc.

La CJDRA, la Convention du Jeu de Rôles amateur de 2001 à 2007, a été, au cours de sept éditions mémorables, l’élément moteur de la promotion et de la mise en exergue de nombreux JdRA. Celle-ci était entièrement consacrée aux JdRA. Elle a estimé son rôle rempli et a tiré sa révérence lors de sa dernière édition en avril 2007. Cette fin n’est pas le glas qui sonne, mais davantage l’aboutissement d’un pari réussi : faire connaître et apprécier les jeux de rôles amateurs.

Par exemple, le collectif Ballon-Taxi qui a rédigé Exil s’est vu constitué après l’une de ces éditions. De même, Crimes s’y est aussi fait connaître, de même que P’tites sorcières qui a été joué de nombreuses fois. Dernièrement Cats ! et O’Weens’s y avaient fait une très bonne impression. D’ailleurs, c’est en cette occasion qu’O’Ween’s s’est vu adjoint à la phase d’incubation menée par l’association Imaginez.net. Les personnes d’Imaginez.net avaient été attirées par ce jeu durant l’une des dernières CJDRA.

Le but principal était de permettre aux auteurs de rencontrer un premier public sans qu’aucun concours ou tournoi ne soit mis en place. Le souci et la volonté de gratuité obligaient chaque année les organisateurs à dénicher des locaux spacieux et gratuits proches de Paris et d’organiser celle-ci sans grands fastes, mais l’ambiance se révèlait très décontractée et conviviale.

L’une des particularités de la CJDRA était sans conteste sa « bourse aux scénarios ». Genre de « foire » spectaculaire où chaque meneur venait présenter en moins d’une minute son JdRA afin de se constituer une table de joueurs intéressés. S’il y a plus d’appelés que d’élus, un tirage au sort était effectué pour que chacun ait sa chance.

 

Jeux d’Ombres, e-zine consacré

Le JdRA à son e-zine, Jeux d’Ombres (JdO) et son Annuaire gigantesque, dont la fonction de recherche n’est pas des plus pratiques, mais qui permet, avec un peu de temps, de découvrir de très chouettes choses.

Sans oublier le rôle premier de Jeux d’Ombres, être une lumière sur le Jeu de Rôle amateur. Un e-zine qui depuis 2003 braque ses projecteurs sur ces créations méconnues avec ses mini-critiques, son « Lumière sur.. », véritable analyse en profondeur d’un JdRA, les coulisses de la création avec des articles dédiés et des « making of » ainsi qu’un nombre considérable de scénarios et d’aides de jeu.

D’ailleurs, Jeux d’Ombres a participé au numéro #8 spécial JdRA de JDR-Magazine. Ce numéro spécial comportait pas moins d’une dizaine de critiques. Certes plus courtes mais plus nombreuses et surtout accompagnées d’un synopsis voire même d’un scénario pour se lancer dans l’aventure et vous faire préfigurer ce qu’on peut vivre comme péripéties.

Voilà aussi deux années consécutives que Jeux d’Ombres participe comme pool de jury pour le concours des Démiurges en herbes, un concours de création de JDR complet (univers, système de jeu et scénario) en une quarantaine de pages, en une quinzaine de jours de rédaction seulement ! Un véritable marathon rédactionnel et imaginatif ! On en a déjà parlé plus tôt sur l’art de l’a table

 

FFJDR et JdRA

La FFJDR tient aussi à récompenser et à souligner l’existence des JdRA en décernant un prix annuel, le Prix du Jeu de Rôle Alternatif à (depuis 2009).

Le prix est décerné à titre honorifique par la FFJDR. Il a pour objectif de porter un coup de projecteur national sur un jeu ou un supplément issu d’une sélection.
 

La suite au prochain épisode

Comme vous pouvez le constater, l’univers du jeu de rôle amateur est toujours bouillonnant. Restez branchés sur l’art de la table pour plus d’articles sur ces jeux qui n’ont parfois d’amateur que le nom…