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Trois trucs simples pour donner vie à votre monde

Nombre de scénarios se déroulent dans des univers imaginaires. Univers qu’il faut transmettre aux joueurs et qu’il faut rendre, sinon réalistes, au moins vraisemblables. Les rendre « vivants » pour qu’ils ne soient pas un simple décor en carton-pâte. Ce n’est pas toujours simple. D’autant que le MJ a déjà tellement de choses à faire que c’est facile d’oublier de donner vie à l’univers. Alors voici trois trucs très simples à mettre en place.

1. Les PNJ posent des questions

gnollOn a l’habitude de transmettre des informations par la bouche des PNJ. Mais on le fait souvent à la forme affirmative : « des gnolls attaquent des convois commerciaux sur la route du nord ». Or, dans un univers médiéval-fantastique, les PNJ lambda, les villageois, les gardes d’une ville, l’aubergiste et ses clients, etc. n’ont pas accès à Twitter pour obtenir des informations de contrées lointaines. Pour cela, ils s’en remettent aux voyageurs, et particulièrement aux aventuriers. Ça leur donne une motivation toute faite pour adresser la parole à votre groupe : ils veulent avoir des nouvelles des contrées qu’ils ont traversées, des villes où ils ont fait étape, etc. Vous pouvez donc facilement transmettre des informations aux joueurs en leur posant des questions : « qu’en est-il des attaques de gnolls sur la route du nord ? Le Prince Aberon a-t-il réglé le problème ? J’ai entendu qu’il avait été blessé ». Bang, trois infos en une : des gnolls attaquent des convois, il y a un Prince qui s’appelle Aberon, et en plus il est blessé. Ça n’a peut-être aucun rapport avec votre campagne (ou peut-être que si), mais votre monde n’en paraît que plus vrai, plus vivant. Si les quelques PNJ que votre groupe rencontre font de même, vous pourrez glisser pas mal d’infos aux joueurs. Certaines d’entre elles pourront avoir un lien avec la suite de l’histoire, les autres n’étant là que pour faire vivre le décor. Dans une campagne de type bac à sable, ça peut même titiller la curiosité des joueurs qui décideront que ce bon Prince Aberon doit avoir besoin d’aide pour chasser les gnolls…

2. Les rencontres aléatoires au futur antérieur (titre pas génial)

Les rencontres aléatoires sont un bon outil pour rendre le monde vivant. Elles font passer l’information que le monde est dangereux, elles donnent des pistes sur le type d’environnement que le groupe traverse, etc. Mais rien ne vous oblige à décider que parce que la table de rencontre mentionne un monstre, un groupe de tels monstres approche. Les PJ peuvent découvrir des traces, les restes d’un bivouac, les stigmates d’un combat précédent, etc. Ainsi, en vous économisant un combat, vous faites tout de même passer l’information. Imaginez, vos PJ progressent dans un région infestée de gnolls. La table des rencontres pourrait d’abord indiquer des hyènes puis une patrouille de gnolls. Puis une seconde. Et tant qu’on y est une troisième. Ça nous fait quatre combats. Même si vous êtes une bête pour faire des combats excitants, ça risque tout de même d’être répétitif. Décidez simplement que les PJ tombent sur les restes d’un repas, un chariot renversé et les carcasses des commerçants becquetées par des dents aiguisées donnent la même information, sans devoir encore perdre 40 minutes dans un combat qui ne fait pas avancer l’histoire.

3. Arrêtez les rencontres équilibrées

Les rencontres équilibrées, c’est tellement années 2000. Comment voulez-vous que vos joueurs trouvent votre monde vraisemblable si à chaque combat ils savent que statistiquement, sauf incident, malchance ou bêtise crasse, ils s’en sortiront en ayant du batailler, certes, mais sans grand mal. Après combien de combats vont-ils commencer à se dire « on peut y aller, de toute façon le MJ fait en sorte que la rencontre soit équilibrée ». Pensez plutôt votre rencontre comme quelque chose qui est logique, au sens de l’histoire. Si c’est normal qu’il y ait 45 gnolls dans l’antre principal du clan, alors qu’avec leur niveau, ils ne pourraient en affronter qu’une dizaine, ainsi soit-il. Cela forcera les joueurs a évaluer leurs options, à bien réfléchir avant de foncer dans le tas, et à trouver une autre tactique (faire diversion, attendre que les guerriers partent pour un pillage, etc.)

Ça marche dans l’autre sens aussi. S’il est vraisemblable que, puisque tous les gnolls sont partis à la bataille, il n’en reste que deux pour surveiller leur antre, alors qu’il en soit ainsi. Le combat sera facile, expédié en un round sans doute, mais votre monde en paraîtra plus vraisemblable. Et puis ça ne fait pas de mal aux joueurs de parfois se sentir puissants. Avec des rencontres équilibrées, ils deviennent plus fort en montant de niveau, mais la difficulté des rencontres augmentant en parallèle, le sentiment de puissance est atténué.

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Voilà trois trucs simples pour rendre un monde plus vivant. N’hésitez pas à partager si vous en avez d’autres…


Les achats compulsifs des prochaines semaines

Il y a des périodes comme ça où les astres sont propices, les planètes alignées. Ce début d’été sera de celles là, avec trois jeux qui feront grincer mon portefeuille aussi sûrement qu’un i-pad 3 ruinera un geek possédant déjà les deux premières versions de l’engin. Et dire que le Monde du Jeu et sa ribambelle de nouveautés arrive en septembre…

 

Delta Green

Delta GreenDelta Green est à la fois un supplément pour l’Appel de Cthulhu et un jeu à part entière. Il fait bel et bien partie de la gamme du Grand Ancien, car le mythe de Cthulhu reste la toile de fond du contexte. Mais alors que l’Appel est majoritairement orienté années 20, Delta Green transpose le mythe à notre époque. Le supplément tire son nom d’une organisation secrète chargée d’étudier les phénomènes paranormaux, les conspirations extra-terrestres et autres joyeusetés qui font le bonheur des aspirants Mulder ou Scully. Si la première mouture de Delta Green se déroulait dans les années 90, les éditions Sans-Détour proposent une mise à jour du contexte aux années 2010, avec tous les changements que ça implique dans un univers de conspirations: les attentats du 11 septembre et les changements de comportement des agences gouvernementales qu’ils ont induits ou encore l’évolution des technologies (hé non, rappelez-vous, en 1991, vous n’aviez pas de GSM, pas d’accès à internet, et filmer une scène demandait un caméscope de huit kilos avec une bonne vieille cassette VHS…).

Sans-Détour annonce déjà la sortie de suppléments, donc le premier, Countdown, ne devrait pas tarder. Tout ça pour dire que la gamme Delta Green finira dans mon étagère, mais qu’ne plus il pourrait bien être dans le peloton de tête pour être utilisé rapidement à une de mes tables.

 

Wasteland, les Terres Gâchées

WastelandCe nouveau jeu est sorti de nulle part. Alors que depuis quelques années ont s’était habitué au teasing intense, aux annonces de sorties alors qu’aucune ligne n’avait encore été écrite (je vous reparle de Bloodlust Metal à sa sortie, en espérant que ce sera encore cette année), Wasteland a été annoncé en mai pour une sortie avant l’été. C’est une nouvelle structure d’édition, le département des sombres projets qui est à l’origine du jeu.

Le thème résumé en quelques mots par l’éditeur: Dans un monde dévasté il y a des centaines d’années par une catastrophe, la Bretagne et le sud de l’Angleterre ont été épargnés et sont retournés à l’époque médiévale. Le Malroyaume est miné par les rivalités et les intrigues. La magie clandestine des Psykers et la technologie de l’Hier sont condamnées par les inquisiteurs de la Rédemption, qui érigent partout leurs bûchers. Les Haïsrandhers, des hommes-bêtes du Nord , déferlent sur des côtes mal défendues. Mais, en Bretagne, l’héritier d’Arthur fait naître de nouveau l’espoir. Les joueurs incarnent des Voyageurs, une caste d’aventuriers de toute sorte qui arpentent les routes du Malroyaume.

On est donc face à un univers qui rappelle Hawkmoon, qui mêle des termes issus de Warhammer (Psyker) et qui ajoute une couche de matière de Bretagne et de post-apo. Un mélange qui me parle, à priori, mais vous en saurez d’avantage après la lecture.

Au générique de Wasteland, on retrouve quelques noms connus qui avaient disparu de la galaxie roliste depuis quelques temps comme Sébastien Célérin et Jean-Baptiste Lullien, dit «l’ogre-mercenaire». Ces deux anciens de chez Multisim ont participé aux gammes Guildes, Nephilim et Agone. C’est d’ailleurs là que le doute s’installe: ce cher ogre est à l’origine des systèmes de jeu de Guildes Eldorado, Nephilim Révélations ou Retrofutur qui, pour rester correct, fonctionnent mais sont loin d’être de grandes réussites acclamées de toutes parts. Espérons que le système de Wasteland, dénommé « choose your dice », sera à la hauteur.

 

Les Chroniques des Féals

Chroniques des FéalsCe jeu là aussi est sorti des limbes à la surprise générale. Il est tiré d’une série de romans de Mathieu Gaborit, qui avait déjà commis les Chroniques de Crépusculaires à l’origine du jeu Agone. Les Chroniques des Féals proposent un univers plus sombre qu’Agone, plus ancré dans un contexte médiéval dur alors qu’Agone se rapprochait de la Renaissance.

Je me souviens qu’à la lecture des romans, il paraissait évident qu’une adaptation en jeu de rôle était possible. On pouvait même penser que les romans avaient été écrits dans cet unique but tant l’univers est richement décrit et aisément transposable.

Le monde des chroniques est divisés en divers royaumes, tous sous l’égide d’une créature mythique, un féal, considérée comme un dieu. Ces derniers rappellent les créatures de nos mythes: phénix, licorne, dragon, etc. Le féal qui dirige un royaume influe sur sa culture, sa politique et la magie pratiquée par ses habitants. L’univers est sombre, menacé par de grands dangers, à l’aube de l’apocalypse.

Les romans de Mathieu Gaborit étaient d’un niveau correct, mais inférieur aux Chroniques des Crépusculaires. Cependant son style fait de détournement des clichés et jeux de mots était bien présent, et devrait permettre de bien typer l’univers des féals. Faisons confiance aux éditions Sans-Détour (et oui, encore elles) pour nous fournir un travail de qualité.

 

Si on ajoute à ces trois nouveautés l’arrivée prochaine de Warhammer 3, la nouvelle mouture de Deadlands, la tradution de Mouseguard et Bloodlust édition Métal, on peut annoncer une fin d’année riche en lectures ludiques de qualité. A vos dés!

 


La vérité est au fond de la marmite

 

Voici des années, il m’a été donné de jouer un scénario Donjons et Dragons officiel. Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans, etc. (Air connu). Il s’agit du Module X2, Le Château d’Ambreville, par Tom Moldray, dans sa version traduite en français. Je précise, car cela a peut-être (ou sans doute) de l’importance. La traduction est de Bruce Heard (vu son nom, ce n’est pas un gars de chez nous, ça, et cela explique sans doute pas mal de choses… vous allez voir). Pour être tout à fait complet et passer rapidement aux choses sérieuses, mentionnons que ce scénario tournait autour d’Averoigne, monde imaginé par Clark Ashton Smith (qui n’avait pas mérité ça). Enfin, il n’est pas inutile de rappeler que D&D en était à l’époque à une version très lointaine de ce qu’il est maintenant. On parlait de Module d’Aventure Expert. Nous étions en 1986, c’est vous dire si je suis vieux à présent !

Revenons aux d’Ambreville et à leur château. Ils sont décrits comme une famille d’originaux, dont l’origine est traçable dans la France médiévale. Ils se situent entre excentriques et fous, chaotiques et individualistes, abusivement fiers et dépourvus de sens de l’humour. Tout un programme. On devine toute la jouissance d’un meneur de jeu à la lecture de ces profils psychologiques…

Un des temps forts de ce scénario, à tout le moins pour le groupe que nous étions, fut un repas, que dis-je, un banquet, dans lequel nous avons perdu la moitié du groupe. Je ne m’étendrai pas sur ce haut fait d’armes, dont l’intensité fut sans doute accrue par la double maîtrise totalement incontrôlée (deux meneurs de jeu, cela se travaille avant la partie). Disons que chaque service du repas donnait lieu à moult lancers de dés, jets de sauvegarde, destinés à éviter les effets de la magie contenue dans les plats.

Le menu du banquet m’intéresse davantage (j’ai toujours aimé manger). Somptueux, comme il se doit… évidemment nous sommes chez des hôtes de marque, qui savent recevoir. Jugez plutôt : soupe à l’oignon y croûtons et fromage fondu (sic), vin d’Ambre (doux), salade de saison, rôti de bœuf, pain de seigle, haricots verts, champignons au vin, vin rouge, tarte aux pommes, eau-de-vie.

Vous parlez d’un régal. C’est bombance ! Si je vais manger chez le Prince Charles, et qu’il ose me servir un tel « festin », j’ose croire que je me lèverai séance tenante pour lui signifier ma désapprobation. Et que derechef, je l’inviterai au McUt (version médiévale du McDo, vous l’avez deviné).

Je n’ai jamais su si la pauvreté de ce repas était à imputer à la traduction, ou si le « menu fantastique » était une fidèle transcription de la version anglaise made in US du scénario. Finalement, on ne sait trop quelle solution est la plus intéressante. À ma droite, un traducteur/éditeur qui ne veut pas trop se casser la tête et choisit la facilité alors qu’il y a matière à réécriture. À ma gauche, un concepteur de scénario ricain qui pense qu’un rôti de bœuf et sa petite salade de saison constituent un plat de choix à une cours princière médiévale. Je penche pour cette seconde option. Ce menu semble représenter la quintessence du menu classieux pour un Yankee dans les années 80. Quelle cata !

J’ose croire qu’il en irait autrement aujourd’hui. Un petit saut sur la Toile via votre moteur de recherche favori et vous entrez en symbiose avec les menus proposés par les restaurants étoilés. De quoi agrémenter plaisamment les tables de banquet de vos parties. Anachronisme ? Sans doute, vu qu’on plaque un menu du XXIè siècle dans une partie de JdR d’un univers medfan. Mais bénin. Le propos est de faire rêver. Et vous ferez davantage saliver les neurones et crépiter les papilles (à moins que ce ne soit l’inverse) avec une gigue de chevreuil façon Grand-Duc François-Ferdinand, qu’avec votre rôti de bœuf (fût-il rosé en son cœur). Par ailleurs, les grandes tables étoilées font un furieux come-back vers les légumes oubliés, tels navets jaunes, rutabaga, salsifis, et j’en passe.

Autre absent de taille du menu des Princes d’Ambreville, les épices. Le sel était beaucoup moins utilisé qu’aujourd’hui, car cher et servant pour la conservation des aliments. Les Croisades avaient ramené de nouvelles épices. Cardamome, cumin, coriandre, paprika, thym, sauge, nigelle, ail des ours, mélisse, safran, etc. servaient couramment.

Qu’on ne s’y trompe pas, les plats n’étaient pas spécialement relevés. On trouve dans le commerce des rééditions, avec les explications permettant de comprendre le vieux français, des principaux ouvrages culinaires en vogue au Moyen-Âge. Le Taillandier, par exemple. Jeanne Bourin a consacré plusieurs livres à reprendre et expliciter les recettes les plus courantes de l’époque. Le cuisinier en herbe qui se régale -tel le chien de Pavlov- à l’idée de se bâfrer devant un bon gueuleton, a le plus souvent tort. Pour nos papilles perverties par des siècles de cuisine facile et dopée à l’exhausteur de goût, E211, E434 et j’en passe, ces plats sont aussi éloignés de notre goût que la vraie cuisine chinoise l’est de ce qui est servi dans des restaurants qui n’ont de chinois ni la décoration ni le menu.

Il faut dire que la ligne Compétence : Cuisine est rarement plébiscitée par les joueurs ou les jeux de rôle. On préférera Survie : Forêt. Ce qui n’est absolument pas la même chose. Ceux qui ont essayé de faire du pain lors de hike dans les mouvements de jeunesse savent de quoi je parle. Et si l’on fait bonne chère avec son morceau de galette cramée, c’est parce qu’on crève la dalle. Jamais on ne mangerait pareille pitance devant sa télé. Preuve est faite : le plateau repas du scout en goguette est bien différent de celui du gamer devant Criminal Minds. Je ne sais pas si c’est complètement qfd, mais je m’arrête là. Tout cela m’a donné diablement faim.