Archives mensuelles : octobre 2011

Qu’est-ce qu’on achète aujourd’hui?

C’était samedi, en pleine soirée d’anniversaire (envoyez vos dons sur mon compte, comme d’hab’) que la question m’a été posée. Aujourd’hui, si je devais acheter un jeu, lequel me conseillerais-tu? J’avoue avoir été pris de court. C’était peut-être à cause de la huitième bière que je tenais à la main, ou bien à cause du plaisir à retrouver joueurs et joueuses que je n’avais pas revu depuis des lustres, toujours est-il qu’à part Tenga, je n’ai rien pu citer. Mais comme je suis bon, je vais m’atteler ici à répondre plus avant. Avec un avertissement tout d’abord: ce qui suit ne concerne que des jeux récents, facilement trouvables dans les bonnes crèmeries, et que j’ai eu l’occasion de lire ou de tester.

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Tenga

TengaA tout seigneur, tout honneur. De l’année 2011, Tenga reste le gros coup de cœur, la véritable claque. J’en ai déjà parlé ici même, et je suis toujours de l’avis exprimé alors: Tenga pose un jalon dans l’histoire du jeu de rôle français. Il a depuis reçu le GROG d’or, ce qui était amplement mérité. Si l’on cherche un contexte de jeu original (le Japon de la toute fin du XVIe siècle, on ne trouve pas ça partout) et un système de jeu novateur qui place le personnage au centre de l’histoire, on découvrira Tenga avec bonheur. Évidemment, il faut sans doute un intérêt préalable pour la période historique ou être prêt à la découvrir pour adorer le jeu. Cela posera d’ailleurs peut-être problème quand il s’agira de rassembler un groupe de joueurs. Mais à part ça, Tenga, c’est bon, mangez-en.

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Les Mille Marches

Mille MarchesRestons chez John Doe pour parler du dernier né de John Grümph. Les Mille Marches propose avant tout une cosmologie, un multivers cohérent autour du thème des aventures romanesques. Motorisé par Cheap Tales, le jeu se veut résolument décomplexé, à la limite du Pulp. Si l’univers proposé permet surtout d’y glisser n’importe quel autre univers de jeu, qui ne serait qu’une Marche parmi tant d’autres, le système de jeu est quant à lui un vrai bonheur, comme je l’expliquais récemment. L’intérêt des Mille Marches se trouve dans la seconde moitié du livre, où une campagne complète est livrée. Si elle est parfois dirigiste (mais c’est le genre qui veut ça), elle offre une aventure haute en couleur et trépidante. Et petit bonus, tout cela se déroule dans une version utopique de la Belgique du futur.

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La Brigade Chimérique

Brigade ChimériqueTiré de la BD du même nom, la Brigade Chimérique nous emmène dans des années 30 à la fois familières et fantastiques. Il reste des super-héros en Europe, et ceux-ci combattent le crime, mais aussi les fléaux de leur époque, comme la montée du fascisme, et les dérives de l’Allemagne et ses alliés. Le contexte est clairement original et décalé, et le système de jeu reste assez simple, ce qui est presque unique dans les jeux de super-héros. Bémol, d’ailleurs, sur le système, qui ne tiendra pas une minute face à un fou furieux du mini-maxage. Pour les autres, il fera son job, et permettra de se concentrer sur l’histoire et l’atmosphère. Vous trouverez une critique complète ailleurs sur ce blog. La gamme du jeu s’étoffe peu à peu et on trouve déjà quelques scénarios. Son bonus gratuit: le niveau d’écriture est clairement plus élevé que la moyenne des productions rôlistes.

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Aventures dans le monde intérieur

Reprenant le thème de la Terre Creuse, AMI place l’action à la in du XIVe siècle, et pas dans les années 30 comme c’est souvent le cas. Ceci lui donne un cachet particulier et une atmosphère intéressante. Les personnages sont membres du Club Arcadia, organisation secrète qui explore le Ventre-Monde à la recherche des civilisations disparues, notamment les mythiques Atlantes. Mais d’autres groupes leur barreront la route, notamment le pernicieux Masque Noir. Le système de jeu est élégant et simple, et offre quelques options intéressantes comme la gestion d’une expédition ou la possibilité de jouer sans réel scénario en explorant une zone géographique.

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Delta Green

Delta GreenLes éditions Sans-Détour ont récemment exhumé Delta Green et proposent une nouvelle traduction, augmentée des informations mettant le contexte à jour. Depuis est déjà sorti l’imposant supplément Countdown (448 pages tout de même) qui reste dans la même veine de pur bonheur. Delta Green met aux prises des agents spéciaux face aux différents thèmes conspirationnistes, et bien sûr, une bonne dose de Mythe de Cthulhu. Le système de jeu, proposé dans la 6e édition de l’Appel de Cthulhu, est plus classique que les grands classiques et ne surprendra personne. Il fait néanmoins bien son boulot, c’est finalement ce qu’on lui demande. A noter que le livre de base et Countdown proposent plusieurs scénarios, et que le prochain supplément (Eyes Only) fera de même. Bref, c’est un plaisir à lire, et il y a du matériel à foison.

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Le Livre des Cinq Anneaux

Si vous aimez les beaux livres, vous allez être servi. Mais si la 4e édition de L5A frappe tout d’abord par sa qualité de production, force est de constater que le contenu est tout aussi intéressant. Pour la première fois, le jeu devient accessible aux néophytes, et ne nécessite pas une connaissance encyclopédique de Rokugan pour jouer (ou faire jouer). Évidemment, il faut aimer l’exotisme de cet univers grandement inspiré du Japon médiéval, auquel à été ajouté une énorme dose de fantastique. il faut aussi aimer les règles assez complexes et apprécier le côté ludiste du jeu, avec sa foison d’écoles, de techniques, de sorts, etc. Mais si on est de ceux qui aiment voir une brouette de dés rouler sur la table, alors on aimera L5A.

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D&D

Ben oui, ça peut paraître bizarre, mais à la question du jeu à acheter pour l’instant, D&D et sa 4e édition restent un incontournable. Pour peu qu’on aie envie de s’y (re)mettre et d’apprendre les nouvelles mécaniques de jeu (et si l’on vient de AD&D, c’est un fameux gouffre à franchir), on trouvera dans D&D un jeu bien foutu, forcément pas original (des elfes, des magiciens, des dragons, des orques) mais une mécanique huilée comme un moteur d’Aston Martin. Je conseillerais d’entrer dans la danse avec la gamme Essentials. Bémol: elle n’a pas été traduite, mais le rôliste est bilingue, non?

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Les autres

D’autres jeux récents ont trouvé leur public, à défaut d’avoir trouvé le chemin de ma pile de livres à lire. Je les cite donc rapidement, mais sans pouvoir juger, puisque je n’en ai pas lu une ligne. Z-Corps vous immerge dans le thème des zombies. L’épidémie a commencé récemment et s’étend peu à peu au fil des suppléments. Il est possible de jouer des survivants entourés de cadavres ambulants, ou des membres du Z-Corps, unité d’élite chargée d’étudier et d’éradiquer la menace zombie. Le jeu est motorisé par le bon vieux système d6, déjà vu dans Star Wars par exemple. Et il est magnifiquement illustré par Jee (enfin, magnifiquement si on aime les cadavres à trois quarts pourris). Les Ombres d’Esteren est un autre jeu qui fait parler de lui. Également illustré de main de maître, il propose un univers médiéval fantastique celtisant. Je n’en sais pas plus, je passe donc à un dernier jeu: Dés de Sang. Ce dernier embrasse le thème des tueurs en série tels que Jason et vous place dans les années 70, dans une ambiance de série B d’horreur. J’en ai entendyu beaucoup de bien.

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Voilà un panel assez large de jeux qui marchent pour l’instant. Je n’ai pas touché aux jeux plus indies ou aux productions américaines. Peut-être une autre fois…


Petit JdRA deviendra grand JdR

 
Ou la mue et perte du « A »

Poursuivons notre tour d’horizon des jeux de rôle amateurs. Sans le savoir, vous détenez peut-être entre vos mains un ancien JdRA. Ils sont nombreux à avoir franchi le cap, à avoir emprunté les chemins escarpés (voire parfois interminables ou fastidieux) de l’édition, car ce n’est pas une mince affaire. Mais les éditeurs ne s’y sont pas trompés et ont déniché de véritables pépites qui une fois quelque peu débarbouillées étincellent de qualité.

La plupart de ces jeux ont fait une entrée et un passage distingués et remarqués à la mémorable CJDRA, dont je vous parlais récemment. La Convention du Jeu de Rôles Amateur était une convention qui s’est tenue à de nombreuses reprises sur Paris et qui avait pour but de présenter à un plus large public (souvent averti faut-il l’avouer) des JdRA connus et présentés sur le Web. Les auteurs et autres fans pouvaient présenter leur jeu et proposaient une table lors d’une bourse de scénario où ils faisaient le plein (ou non) de joueurs intéressés, intrigués.

Sans plus attendre, voici les JdR qui ont perdu leur « A »…

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Pavillon noir (octobre 2004) chez Black Book Editions

Ce JdRA avait déjà attiré l’attention d’un bon nombre d’internautes par le considérable volume d’informations que sa version amateur comportait. Jugez plutôt : un bon millier de pages !

La qualité documentaire de ce jeu n’avait pas échappé à feu Yeti qui en avait acheté les droits. Ce fut finalement Black Book Editions qui reprit les droits et édita, en octobre 2004, le livre de base. Bon nombre de suppléments allaient suivre dont celui consacré à l’escrime qui peut faire office d’ouvrage de référence en la matière ; une particularité de contenu extrêmement documenté qui montre toute la qualité et la renommée de Pavillon Noir, qui rappelons-le, traite essentiellement de corsaires et de piraterie.

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Exil (avril 2005) chez Edge Entertainment (ex-Ubik)

Ce jeu a été au départ rédigé et créé par Emmanuel Gharbi. Par la suite, après l’engouement et l’intérêt qu’il avait suscité lors d’une CJDRA, un studio s’est formé autour de lui. Ainsi est né Ballon-Taxi où l’on a vu graviter Le Grümph, Antoine Bauza, Kriss, Matthieu Gonbert et Cécile Maurin-Costard notamment.

Par la suite, plusieurs autres jeux ont été développés via ce modèle de studio, tels Forges Songes, Nuit blanche, etc. Un pool d’auteurs, rédacteurs, illustrateurs, testeurs et relecteurs tous au service d’un jeu.

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Contes ensorcelés (septembre 2005) au 7e Cercle

Le jeu bénéficiait déjà d’un large public et d’une excellente notoriété via notamment le site du SDEN où il était hébergé. De nombreuses personnes y jouaient, quantité de scénarios et d’aides de jeu étaient régulièrement proposés, une communauté très active gravitait autour de P’tites sorcières (c’était là son nom à l’époque). Ce jeu de rôles d’Antoine Bauza finit par attirer l’attention de l’éditeur du 7ème Cercle. Je le sais bien, j’y étais.

En effet, lors du Brussels Game World en 2003, une convention organisée à Bruxelles par le magasin de l’Antre-Jeux, je présentais P’tites sorcières en table découverte pour un large public, notamment composé de jeunes joueurs. J’ai souhaité profiter de la présence du 7ème Cercle pour leur en parler. Ils étaient intéressés, ils cherchaient justement à éditer un jeu dédié aux plus jeunes, pour la découverte du jeu de rôle. Par la suite, d’autres initiatives du genre ont vu le jour avec la parution notamment des Chroniques Oubliées (BBE) ou Adventure Party (XII Singes). Nous avons longuement discuté du jeu et du jeu de rôle en général pour qu’ils m’annoncent leur décision de prendre contact avec l’auteur pour concrétiser et développer la chose. J’ai notamment participé à la relecture finale du jeu qui a pris quelques temps avant de voir le jour et qui s’est vu doté d’un supplément par la suite.

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Crimes (septembre 2006) aux Ecuries d’Augias

Crimes aussi connut ses débuts et ses premiers émules et fans inconditionnels lors d’une CJDRA. Yann Lefebre embrigada à cette occasion Christophe « Victorio » Chaudier. Le jeu allait finir par sortir grâce à une souscription grandement soutenue par ses fans de la première heure, provenant de la Toile. La gamme s’étoffe très régulièrement, notamment de suppléments scénarios-univers dédiés.

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Patient 13 (mai 2007) chez John Doe

Sorti de l’esprit d’Yno* dans un premier jet qui faisait à peine une quinzaine de pages pour jouer quelques heures seulement, Patient 13 nous embarque dans un univers huis-clos très prenant, mystérieux, inquiétant voire carrément surprenant où le fantastique côtoie tout aussi vite, au détour d’un couloir, l’horreur sans nom. On retrouvait déjà tous les éléments essentiels : cet univers glauque, mystérieux, intemporel ; ses Blouses Blanches, son Directeur, ses pensionnaires étranges, etc. Un jeu à ne pas mettre entre toutes les mains, pour lecteur averti, mais sa lecture en est passionnante et originale. Ce fut l’une des premières parutions de John Doe qui démontra la qualité et l’originalité de son format et de ses jeux, comme Notre Tombeau (encore d’Yno*) qui marqua également la petite sphère rôliste.

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Nains & Jardins (avril 2008) chez Caravelles (repris par les Ecuries d’Augias)

Antoine Bauza,  après s’être fait remarquer et apprécier par sa participation collaborative à Exil et de premier plan avec Contes ensorcelés rempile avec Nains & Jardins, un jeu dans lequel on joue des Nains-gents très spéciaux devant protéger la Dame Blanche (sorte de Blanche-Neige qui personnifie Mère Nature) de la Menace (les pollutions de toutes sortes). Un jeu résolument écologique, empreint de réalisme tout en étant extrêmement humoristique et drolatique. A découvrir, notamment avec son format carnet à spirales peu courant.

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CATS ! (novembre 2010) aux Editions Icare

Récemment, après une souscription atteinte, Cats ! est paru. Il permet d’y jouer un chat dans un univers proche de la Mascarade vampiresque mais avec une touche d’humour propre à cet univers où le chat est le supérieur de l’homme, l’ayant d’ailleurs conduit à croire l’inverse… quelle ruse géniale ! On sent dans sa lecture une certaine passion et connaissance de l’auteur pour les chats et de ses mœurs et habitudes, je trouve.

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Actuellement – octobre 2011 – le phénomène s’est un peu ralenti mais perdure encore avec notamment la parution récente de Würm (juin 2011) aux Editions Icare.

Würm, dirigé par son auteur, Emmanuel Roudier, également auteur et illustrateur de BD, se déroule durant la période du Würm (-35 000 avant JC). On y vivra des aventures préhistoriques teintées de fantastique et de shamanisme. Le jeu a bénéficié des somptueuses illustrations de son auteur principal et d’un travail de fond et de relecture d’une équipe dynamique provenant des Forums de la Cour d’Obéron, là où Würm a fait ses premiers pas et avait déjà fait une entrée distinguée et appréciée étant joué en conventions et dans de nombreux clubs. Il avait aussi bénéficié de suppléments amateurs et originaux des plus aboutis, notamment la rédaction d’une campagne.

Enfin, tout dernier JdRA (à ma connaissance) à rentrer dans la danse d’une parution future, on trouve le Terra Incognita de Narbeuh, ce jeu uchronique des années 1710… Un jeu dont la qualité littéraire et la structure excellente n’a pas échappé à l’intérêt des XII Singes. En août 2011, le jeu est en cours de réécriture et de relecture critique.

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Auteurs de jeux de rôle amateur, il ne faut donc pas désespérer. Votre jeu, s’il est de qualité, pourrait un jour attirer le regard d’un éditeur pro. Et alors à vous la gloire et la richesse… A l’échelle du milieu du jeu de rôle, évidemment…