Archives mensuelles : Mai 2012

D&D, What’s Next?

D&D NextEn début d’année, Wizards of the Coast annonçait travailler sur la prochaine mouture de Dungeons & Dragons. L’annonce indiquait également que le public serait mis à contribution dans le développement, non seulement par l’entremise de sondages sur différents points de règles, mais aussi en participant à un grand playtest public. Ce dernier a débuté jeudi passé. Après avoir passé au crible le matériel reçu, voici ce qu’on peut d’ores et déjà savoir sur D&D Next.

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Le contenu

Outre une lettre introductive de Mike Mearls, le package de playtest contient neuf fichiers:

  • How to play – les règles du jeu, l’équivalent d’un Manuel des Joueurs de 30 pages.
  • DM Guidelines – le Guide du Maître, réduit à 9 pages
  • Bestiary – Vous l’aurez compris, c’est un bestiaire de 34 pages
  • Caves of Chaos – C’est l’aventure proposée pour le playtest. Un module écrit par Gary Gygax himself dans les temps immémoriaux que les rôlistes de moins de 30 ans ne peuvent pas connaître, évidemment remis au goût du jour. Une trentaine de pages également.
  • 5 personnages pré-tirés: un roublard halfelin, un magicien haut-elfe, un humain prêtre de Pelor, un nain prêtre de Moradin et un guerrier nain.

Une centaine de pages tout de même donc. Je m’attendais à moins de la moitié. Sans aucune illustration, si ce n’est une couverture pour l’aventure.

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Les bases du système

Pour ceux qui avaient sauté le pas de la 4e édition, le changement est important. On assiste ici à un retour à plus de simplicité, une volonté évidente d’éloigner les critiques (pas toujours de bonne foi) qui faisaient de D&D 4 un jeu de plateau inspiré des MMORPG. On retrouve ici un mélange de AD&D, D&D 3(.5) et D&D 4: simplicité, cohérence mais pas un retour en arrière.

La première chose qui marque c’est l’importance redonnée aux 6 caractéristiques. En effet, chaque test, attaque et jet de sauvegarde est en fait un jet de caractéristique (1d20 + modificateur). Se déplacer silencieusement requiert un jet de dextérité, attaquer à l’épée un jet de force et résister à un poison un jet de constitution. Chaque caractéristique est associée à différent tests et chacune peut également être utilisée comme jet de sauvegarde (force pour résister à l’écrasement par un plafond qui s’effondre, sagesse pour percer une illusion, charisme pour éviter un charme, etc.). Les caractéristiques sont donc au centre du système, ce qui lui offre sa simplicité d’utilisation.

Dons, compétences et capacités (features) n’ont pas disparu, mais sont grandement remodelés. Les compétences offrent des bonus aux tests de caractéristiques (+3 pour chaque compétence de chaque personnage, impossible de savoir si ce bonus est variable ou fixe puisque nous ne bénéficions pas des règles de création de personnage). Ainsi, la compétence Religion offre un bonus de +3 au test d’Intelligence requis pour connaître par cœur les 12 dieux du panthéon elfique. Cette façon de gérer les compétences offre un grand confort au MJ: inutile de connaître la liste de toutes les compétences. Il demande simplement un test de la caractéristique adéquate, au joueur d’annoncer qu’il possède une compétence et d’ajouter son bonus. Les dons quant à eux offrent des possibilités supplémentaires: utilisation d’un bouclier pour gêner un adversaire, possibilité de créer des potions et des antipoisons, sorts mineurs supplémentaires, etc. Le don du guerrier lui permet par exemple d’infliger des dommages même sur une attaque ratée. Les dons semblent tous provenir du thème associé au personnage. Il semble tout à fait possible de s’en passer complètement. Et bien entendu, chaque race, classe et background offre des capacités et une liste de compétences: vision nocturne, compétences d’armes, sorts, etc.

Une autre nouveauté est la notion d’avantage. Lors de n’importe quelle action (ou réaction, comme un jet de sauvegarde), un personnage qui bénéficie de conditions favorables peut lancer 2d20 et choisir le meilleur résultat. A l’inverse, s’il souffre d’un désavantage, il devra choisir le moins bon résultat. Simple et facile à mettre en œuvre, cette règle offre d’autres possibilités: le roublard peut placer une attaque sournoise lorsqu’il a l’avantage par exemple. Adieu donc les bonus circonstanciels, en tout cas dans la version actuelle des règles.

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Le combat

Ici aussi tout est simplifié. Tout d’abord, pas de bonus de base à l’attaque. Tout est basé sur le score des caractéristiques. Il semble que les capacités de combat n’augmentent pas systématiquement avec le niveau. D’après ce qu’on peut voir, nous n’en arriverons pas à lancer 1d20+37 pour attaquer au niveau 19. Lors de votre tour de jeu, vous pouvez réaliser une action et vous déplacer de votre distance autorisée (9 mètres pour tous sauf les nains et halfelins limités à 7,5 m). Il n’existe qu’un type d’action (pas d’actions simples ou complexes, de demi-actions, etc.), une fois encore la solution retenue semble la facilité d’utilisation. Votre déplacement est divisé en segments de 1,5 m (5 pieds) et vous pouvez l’utiliser avant ou après votre action, librement. Les déplacements délicats (nager, grimper, se glisser dans un interstice, passer sur du terrain difficile) sont gérés de la manière suivante: chaque déplacement de 1,5 m coûte 1,5 m supplémentaire de votre quota.

Vous ne trouverez pas de règles pour gérer les combats sur une grille quadrillée. Les règles sont faites pour être indifféremment utilisées en combat « narratif » ou avec figurines. Ce qui permet de gérer le combat contre les 3 sentinelles kobolds en deux temps trois mouvements avant de sortir les figurines pour combattre le chef de guerre et ses 8 sbires.

Les dommages sont toujours gérés par des points de vie. Ça n’avait pas été rappelé depuis des lustres, cette fois c’est écrit noir sur blanc: les hit points sont une abstraction. Ils représentent la santé du personnage, mais aussi sa capacité à transformer une attaque mortelle en simple égratignure, la chance, parfois un peu de magie ou de grâce divine, les esquives, etc. Si vous êtes à plus de la moitié de vos PV, vous ne portez aucune marque. A moins de la moitié, vous arborez quelques coups, bosses, ecchymoses, coupures, etc. Ce n’est que l’attaque qui vous réduit à 0 points de vie ou moins qui vous touche directement et vous inflige une blessure grave. Une fois à 0PV ou moins, vous êtes mourant. A chaque tour, vous devez réaliser un jet de sauvegarde de constitution. Quand vous en aurez réussi 3, vous serez stabilisé. A chaque échec, vous subissez 1d6 dommages. Lorsque vos PV négatifs atteignent votre score de constitution additionné de votre niveau, vous êtes morts.

Pour récupérer vos points de vie, le plus efficace reste la magie. Sinon, une fois stabilisé, il vous faut attendre 2d6 heures pour récupérer 1 points de vie, et vous retrouver de fait avec ce seul PV. En effet, comme dans la 4e édition, lorsqu’on vous récupérez des points de vie (quel que soit le moyen), si vous êtes en dessous de zéro, vous comptabilisez vos PV comme si vous étiez à zéro (vous avez -5 PV, je vous en rends 2, vous avez 2 PV, pas -3). Entre les combats, un personnage peut prendre un repos court (10 minutes). Pendant ce repos, il peut dépenser autant de dés de vie qu’il veut pour récupérer des PV. Un personnage possède un dé de vie par niveau, et le nombre de faces de ce dé dépend de la classe (1d10 pour le guerrier, 1d8 pour le prêtre, etc.). Une fois à court de dés de vie, il faut prendre un repos long (8 heures) pendant lequel on récupère tous ses points de vie et tous ses dés de vie. Ici nous sommes proches de la 4e édition et ses healing surges. C’est aussi après un repos long que magiciens et prêtres doivent préparer leurs sorts.

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Les personnages

Chaque personnage est défini par sa race et sa classe (rien de nouveau ici) mais aussi par son background et son thème. Le background offre quelques éléments du passé du personnage (vous avez été soldat ou fermier) et offre une suite de compétences et parfois une capacité. Le prêtre a ainsi la capacité d’obtenir de l’aide du temple local de sa religion. Un avantage non technique, donc. Quant au thème, il est l’instrument qui permet de différencier deux personnages de la même classe. Ainsi, le prêtre de Moradin est un gardien, ce qui lui offre un avantage tactique avec son bouclier tandis que le prêtre de Pelor est un soigneur, ce qui lui ouvre la voie du don Herbalism qui lui permet de créer des potions de soin et des antitoxines. Le thème semble offrir systématiquement un don.

Les personnages sont clairement différenciés. Loin de l’harmonisation de D&D4, chaque classe est typique, et les développeurs n’ont pas eu peur d’obtenir des classes plus faciles à jouer que d’autres (au niveau règles s’entend). Vous ne voulez pas vous prendre la tête, choisissez le guerrier. Avec son background de soldat et son thème de tueur, il est là pour basher du monstre, sans grande subtilité technique, et sera néanmoins amusant à jouer. Le sera-t-il toujours à haut niveau, tiendra-t-il la comparaison avec un magicien, impossible à dire jusqu’ici.

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La magie

Retour à une magie plus typique de D&D. Les feuilles de perso laissent penser qu’il y a 7 niveaux de sorts, le nombre de sorts par niveau dépendant du niveau du personnage. Les magiciens et prêtres possèdent également des sorts mineurs qu’ils peuvent lancer à volonté: projectile magique, détection de la magie, mains brûlantes, bouclier, etc. Les sorts « majeurs » doivent eux être préparés et sont oubliés une fois lancés, jusqu’à ce qu’ils soient préparés de nouveau. Ils nécessitent des composantes verbales et gestuelles et parfois matérielles. Certaines peuvent être lancés sous forme de rituels pour un effet plus long. Les rituels étaient l’une des meilleures idées de D&D4, on est heureux de les retrouver ici. Lancer un sort en combat ne prend généralement qu’une action.

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Les détails qui titillent

Parsemés à travers le texte, on découvre quelques petites choses qui attirent l’œil.

  • La description du charisme indique que la caractéristique permet de connaître le nombre d’alliés et de lieutenants qui vous sont fidèles. Les henchmen avaient disparu du jeu depuis AD&D. Revoici les règles pour les gérer, ce qui peut être utile dans certaines campagnes.
  • Quand on parcourt l’aventure, on remarque que les statistiques des monstres se résument parfois en deux lignes: points de vie, classe d’armure, attaque et dommages, et roulez jeunesse. Quand on pense au blocs de statistiques de deux pages de D&D 3.5, on respire!
  • Toutes les attaques se jouent contre la classe d’armure. Pas de notion d’attaques de toucher, de classe d’armure « pris au dépourvu », de défenses séparées (vigueur, volonté, réflexes).
  • Les sorts sont de nouveau classés en écoles. La magie avait perdu de sa saveur en D&D4, la voilà de retour.
  • C’est la fin du « tout technique ». La description des sorts et des créatures comprennent de nouveau du texte d’ambiance et de la description.
  • Une règle pour tout, ça semble fini aussi. Le système laisse clairement la place au MJ pour gérer les différentes situations. Il sera conseillé, guidé, mais ne devra pas se souvenir du point de règle gérant chaque situation. Quand le guide maître de D&D vous dit que vous pouvez ignorer le résultat des dés, on se rend compte qu’on retrouve un vrai jeu de rôle et qu’on s’éloigne du jeu régenté par mille règles psychorigides.

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En conclusion

Ma partie de test tarde à se mettre en place, mais à la lecture, D&D Next semble être sur la bonne voie. Ce n’est encore qu’une version « beta » qui sera sans doute fortement amendée après le tour de playtest, mais on y retrouve un peu les bonnes idées de chaque édition, sans pour autant être un retour en arrière (ouf, pas de Thac0 ou de classe d’armure dégressive). Si D&D5 pouvait retenir le plaisir des joueurs de la 3.5 et la facilité du MJ de la 4, alors je serai certainement client.

Et vous, lecteurs de l’art de la table qui avez reçu le matériel, qu’en avez-vous pensé?