3 questions pour préparer un bon combat

Les scènes de combat devraient être excitantes, tendues, stressantes. Des bons combats, on en redemande. Nous avons déjà évoqué la manière de mener un combat excitant. Cette fois nous allons parler de la mise en place de la baston, de sa préparation.

Le MJ qui prépare sa rencontre doit se poser les bonnes questions. Qui combat ? pourquoi combattent-ils ? Où se déroule le combat ? Apporter une réponse à ces trois questions, c’est faire une grand pas vers une scène de combat qui fasse sens et qui soit trépidante.

Qui combat ? (et combien sont-ils ?)

C’est la question la plus évidente, et à moins d’avoir abusé de la tequila, chaque MJ qui prépare son combat y répondra. D’abord parce que c’est en général précisé dans le scénario, et que s’il est en train d’écrire son propre scénar, il sait forcément de quoi ça parle.

Au-delà de savoir à quelle page du bestiaire se référer, la réponse à cette première question a un impact fondamental sur le combat.

DuergarPrenons deux exemples pour illustrer notre propos. Les PJ approchent de la caverne infestée de monstres dans laquelle sont vraisemblablement enfermés les habitants du village qui ont disparu. Exemple 1 : c’est la base arrière d’une communauté de duergars. Exemple 2 : c’est là que survit un groupe de goules affamées. Je suis sûr que vous voyez déjà que les deux rencontres seront différentes. Simplement parce que dans le bestiaire les capacités des deux monstres sont différentes, ce qui a pour conséquences que les deux groupes n’utiliseront pas les mêmes tactiques.

Là vous allez me dire que c’est évident, que l’exemple est caricatural, etc. OK, alors changeons de jeu, passons à Nephilim. Les PJ doivent pénétrer dans une commanderie tu temple. Exemple 1 : c’est la base d’une petite obédience locale donc les plus gradés sont des manteaux noirs, mais où le gars moyen n’est même pas adoubé chevalier. Exemple 2 : c’est la même base, mais pour des raison liées au scénario, elle est dirigée par un Naute du troisième degré protégé par plusieurs manteaux blancs expérimentés. C’est pareil, les deux groupes de templiers n’utiliseront pas les mêmes tactiques. Donc savoir qui combat est une question fondamentale.

Et donc oui, c’est évident. Mais l’important à saisir c’est qu’il faut se poser la question avant de jouer le combat. Pour éviter de se rendre compte, après une bataille insipide, que le chevalier-mage pouvait lancer tel ou tel sort ou que la goule paralysait les adversaires qu’elle griffait.

Un petit aparté pour vous parler de la question « combien de monstres ? ». À cette question, la seule bonne réponse c’est « ce que la logique de l’histoire exige ». Dans le premier exemple d&desque, la base arrière des duergars, il est logique, du point de vue de votre histoire, que les bonshommes soient nombreux (c’est une base) et que l’entrée soit bien gardée (il y a leurs chefs et leur trésor à l’intérieur). Certains répondront « oui mais si je suis les tableaux du Xanathar’s guide to everything, mon groupe de PJ de niveau 2, s’il y a plus de deux duergars, ils risquent de ne pas pouvoir gagner le combat ». Fuck it. Vous allez faire quoi ? Mettre deux duergars pour garder la base et puis séparer tous les duergars à l’intérieur en groupes de deux ? Sérieusement, l’histoire dicte clairement que ça n’aurait aucun sens. Alors suivez l’histoire. Vos PJ risquent de mourir en cas de combat ? C’est peut-être que la solution n’est pas de péter la gueule à chaque bonhomme dans la base… Répétez après moi : « L’histoire d’abord ! » Les rencontres équilibrées, c’est tellement années 2000…

Bon, vous savez maintenant quel adversaire s’opposera aux PJ, et combien il y en aura. Il est temps de penser aux tactiques que les adversaires vont employer. Pour se faire, il faut se plonger dans les caracs de cet adversaire. Reprenons nos duergars. Leur alignement est loyal mauvais. Ce qui veut dire que ce sont des créatures organisées qui ont suffisamment d’intelligence (11) et de discipline pour mettre en places des défenses efficaces. Ils sont fidèles les uns aux autres et à leurs chefs, il ne quitteront donc pas facilement leur poste. Ils peuvent tous devenir invisibles. Il est donc probable que si vous voyez deux gardes, il y en ait trois autres bien planqués. Au moment où vous apercevez les gardes, il est même probable que vous soyez déjà suivis depuis un moment. Une fois le combat engagé, ils utiliseront leur capacité d’agrandissement pour augmenter leurs dégâts, c’est évident.

Si on imagine la tactique des goules, on a quelque chose de bien différent. D’alignement chaotique mauvais et d’une intelligence limitée (7), il y a peu de chances pour qu’elles aient mis en place des sentinelles. Et si l’une d’elle a accepté de tenir ce poste, elle a sans doute foutu le camp depuis longtemps. La tactique des goules ressemblera certainement plus à celle d’une horde affamée qu’à un groupe organisé.

Si vous jouez le même jeu avec les templiers, l’obédience locale ne disposera que de moyens profanes, n’aura probablement pas accès à de l’orichalque et ne connaîtrons les homoncules que par des rumeurs. Par contre les manteaux rouges auront sans doute au moins une arme contenant de l’orichalque, et le chevalier-mage de l’obédience aura sans doute un homoncule et accès à de nombreux sorts. Ils sauront certainement ce que peut leur faire un Nephilim et seront préparés en conséquence. Forcément deux combats très différents.

En résumé, votre histoire vous dicte quel monstre combattra et combien ils seront. Il faut ensuite se plonger dans les caractéristiques du monstre pour imaginer la tactique probable et vraisemblable qu’un tel monstre utilisera.

Pourquoi combattent-ils ?

La voilà la question centrale ! Si un combat se déclenche contre les PJ, pourquoi les ennemis vont-ils combattre ? Quel est leur but ? Que vont-ils faire pour atteindre ce but ? Quelle sera leur stratégie ?

Continuons avec nos duergars. Imaginons que le premier combat se déroule face aux gardes qui gardent la porte (et que vos persos sont plus que niveau 2, sinon ça ne sert à rien de sortir les règles de combat…) Pourquoi combattent-ils ? Pour empêcher les intrus d’entrer, certes. Pour tuer les PJ. OK, mais encore ? Pour sonner l’alerte évidemment ! C’est ça le rôle d’une sentinelle : repérer les intrus, sonner l’alarme et gagner assez de temps pour que les renforts arrivent, que les défenses aient le temps de se mettre en place ou, si l’opposition semble trop forte, organiser l’évacuation. Si un duergar a le choix entre lancer un javelot ou sonner l’alarme, en gardant leur raison de se battre en tête, votre décision sera évidente.

gouleReprenons nos goules. Il n’y avait pas de sentinelle, les PJ sont entrés dans la grotte, où ils finissent par tomber sur un premier groupe de ces sales bestioles anthropophages. Pourquoi se bat une goule ? pour sauver sa vie et … bouffer ! En gardant cela à l’esprit, vous pourrez donner une stratégie cohérente à ces goules. Imaginez : le combat fait rage et une goule blesse un PJ avec ses griffes. Le malheureux est paralysé. Moi, si j’étais cette goule et que mes deux objectifs étaient « rester en vie » et « manger, manger, manger », je profiterais du chaos pour tirer le corps paralysé à l’écart et commencer à le béqueter. Oui c’est sans doute très dangereux pour le personnage paralysé (un coup critique à chaque round), mais c’est cohérent avec le monstre et ses objectifs. Je trouverais ridicule qu’une goule qui parvient à paralyser un ennemi le laisse là et s’attaque à un autre. À moins que quelque chose ou quelqu’un d’autre ne dicte les actions de la goule, auquel cas c’est une autre histoire, et la réponse à la question « pourquoi combat la goule ? » sera différente.

Bref, savoir pourquoi votre groupe de monstres combat vous permet de prendre des décisions logiques par rapport à cet objectif, ce qui rend le combat plus vraisemblable. Mais pour cela, il faut répondre à la question avant le combat, pour être certain que dès l’action lancée, vous sachiez quoi faire avec vos monstres.

Où se battent-ils ?

Le champ de bataille est tout sauf un détail cosmétique. Il pourra donner un ton et une ambiance unique au combat.

Rien de pire qu’une bataille statique. Le terrain est un bon moyen de « gérer le trafic », de pousser les PJ et les monstres à bouger. Murs, meurtrières, ruisseaux, éboulements, assommoirs, goulots d’étranglement, passage serrés, lieux vastes et ouverts, tous ces éléments font que certaines zones du champ de bataille sont plus intéressantes, tactiquement, que d’autres. N’oubliez pas non plus de placer des objets mobiles dans le décor. Des tonneaux, un lustre, du mobilier, etc. Bref, des tas de choses qui peuvent exciter la créativité et donner des actions un peu différentes de la routine attaque/dégâts. Balancer un tonnelet de bière dans l’escalier, basculer une table pour se cacher derrière, tout ce qui ferait un bon combat au cinéma fera aussi un bon combat à votre table. Tout ça est difficile à improviser sur le moment, c’est pourquoi il est important d’y penser en amont.

Quand vous réfléchissez à votre champ de bataille, d’autres sous questions sont importantes :

  • Les distances. Combien de rounds seront nécessaires aux combattants pour arriver au contact de leurs adversaires ? Que risquent-ils en chemin (dangers dus au terrain, se faire allumer à distance par des archers ou des magiciens) ?
  • La position de départ. Au début du combat, les PJ dont-ils en position de force ou de faiblesse ? S’ils sont dans une zone surélevée, protégée par des murets, ils seront avantagés. S’ils sont au contraire dénués de toute couverture et très visibles pour leurs ennemis, ils seront mal embarqués. Toute autre chose étant égale (mêmes monstres, mêmes raisons de se battre), la position de départ donnera des combats très différents, et leur donnera un ton, un cachet, une ambiance dont vos joueurs se souviendront.
  • Les réactions des ennemis aux tactiques des PJ. Les bons combats sont aussi ceux qui forcent les joueurs à faire des choix. S’ils se contentent de leur routine habituelle « déplacement, capacité A, attaque, sort B », ce sera vite ennuyeux. Forcez-les à choisir un plan B, à sortir de leurs habitudes, à être créatifs avec leurs sorts. Après trois combats pendant lequel le mage aura lancé métamorphose pour se transformer en gorille géant, il s’en lassera. Mais tant que cette tactique est la meilleure, pourquoi en changerait-il ? Essayez de penser à des éléments qui feront que la prochaine fois, le gorille ne sera pas le bon choix, voire que la métamorphose ne sera pas un choix idéal. Alors minute papillon : je ne suis pas en train de dire que vous devez faire le tour de la feuille de perso de vos joueurs pour trouver un contre à chacune de leurs capacités. Je vous dis de trouver des éléments dans le combat qui forceront les joueurs, n’importe quel joueur et personnage qui jouerait cette scène, à être créatif.

Les réponses à toutes ces questions vous permettront de typer une bataille. Pensez-vous que vos joueurs se souviendront plutôt « du combat contre les orcs dans l’auberge » ou plutôt « du combat contre les orcs, quand ils nous ont surpris dans l’auberge et que des archers étaient planqués sur les mezzanines et puis que j’ai mis le feu au bâtiment en renversant la lampe à pétrole » ?

Conclusion

En répondant aux trois question qui, pourquoi et où, vous avez un outil qui vous permettra, une fois autour de la table, d’obtenir des batailles plus tendues. Attention, tout ceci tombera à plat si vous oubliez toutes les techniques de MJ pour rendre un combat vivant. Les trois questions vous donnent de meilleures chances, mais la seule vérité est celle de la table…

 

 


3 responses to “3 questions pour préparer un bon combat

  • faboo

    Oui, très bon article !
    Il est en effet bien plus stimulant pour les joueurs d’affronter des adversaires qui ont de vraies stratégies, qui sont capables de les surprendre.
    Dans le cadre de l’AdC que je connais mieux, j’utilise de plus en plus la manœuvre de combat « désarmer l’adversaire » qui a le don d’énerver mes joueurs, surtout si un adversaire arrive à s’emparer de l’arme ! 😀
    Un autre moyen de rendre les combats plus intéressants, c’est aussi de jouer sur le lieu et le décor comme tu dis. J’ajouterais aussi les combats « à la James Bond » : en voiture, sur le toit d’un train, suspendu à une corde, etc.

  • scriiipt

    Absolument d’accord avec tout ce qui est dit. Je cherche ce que je pourrais ajouter… A part un petit paragraphe sur la durée du combat, ou plutôt « jusqu’à quel point continuer le combat »… Très peu de « créatures » se battent jusqu’à la mort, et si c’est le cas en effet, il vaut mieux avoir bien regardé la fiche de personnage pour le savoir.
    Les combats pourraient souvent s’arrêter par la fuite ou la reddition, y compris des personnages, parfois ils ont tendance à oublier qu’ils peuvent aussi se rendre. Bon, c’est sûr que face à un groupe de goules, la reddition n’est pas l’idéal, mais la fuite, pourrait l’être…

    • Etienne Goos

      Oui la durée des combats pourrait faire l’objet d’un autre article. La première chose, c’est que quand l’issue du combat ne fait plus aucun doute, autant l’arrêter tout de suite : « vous éliminez rapidement les deux dernières goules, que faites-vous maintenant ? »

      Mais en répondant à la question « pourquoi combattent-ils? », on sait si les adversaires se battront jusque la mort ou pas.

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