Archives mensuelles : avril 2012

La méthode 5×5

Il y a près de trois ans déjà, Dave Chalker, rédacteur en chef du célèbre blog « Critical-hits » proposait une méthode pour planifier des campagnes qui ne soient ni linéaires, ni de véritables bacs à sable. La méthode baptisée « 5×5 » a depuis été réutilisée pour construire des aventures ou même des PNJ. N’en ayant pas trouvé de traduction en français, voici donc de quoi il retourne.

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Le but

La méthode 5×5 a pour but d’éviter la sempiternelle campagne linéaire, la quête en quelques épisodes obligatoires, ou la mission aux rails bien fixés qui ne laisse que peu de liberté aux joueurs. « Vous devez libérer la princesse Nisdrane de la tour du vil nécromancien. Pour se faire, vous devez, dans l’ordre: trouver la carte qui mène à la tour dans la bibliothèque de Bourgoulville, trouver la clef de la porte qui fut enterrée avec le constructeur de la tour dans le donjon de Beuknaheul et puis escalader la tour jusqu’au dernier étage pour y affronter Crainemitoc et son golem de chair« .

Il s’agit également d’éviter l’autre extrême, la campagne « bac à sable » où les personnages peuvent eux-mêmes fixer leurs buts, choisir les lieux visités, et par là même obliger le MJ a improviser sans cesse. « Vous débarquez sur le continent de Totnahol. Que faites-vous?« …

La méthode va consister à croiser les fils de différentes quêtes afin de permettre aux joueurs de passer d’un arc narratif à l’autre et ainsi briser la linéarité. Dans le même temps, vous aurez préparé des aventures avec suffisamment de soin pour avoir quelque chose de structuré et vous éviter l’improvisation permanente. Le tout en trois petites étapes…

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Etape 1 – Choisissez 5 quêtes

Votre campagne sera composée de cinq quêtes distinctes. Chaque quête se doit d’être aussi importante que les autres, forçant ainsi les joueurs à faire des choix parfois cornéliens, à décider de leurs priorités. Si l’une des quêtes consiste en sauver le monde et les quatre autres sont anecdotiques, n’importe quel joueur sensé choisira de sauver le monde d’abord… Choisissez donc cinq quêtes d’importances similaires qui pourront se résoudre sur la même période de temps.

Un exemple s’impose. Dans le cas d’une campagne de Star Wars, voici à quoi pourraient ressembler nos cinq quêtes:

  1. Concrétiser un accord entre la République et les Hutt pour permettre une libre circulation des troupes clones.
  2. Éviter une guerre civile sur Mandalore afin de préserver l’alliance entre la planète et la République.
  3. Retrouver l’Holocron Sith contenant les plans de la nouvelle arme secrète des séparatistes.
  4. Détruire l’usine de fabrication des nouveaux droïdes de combat du général Grievous.
  5. Confondre le sénateur félon qui offre des informations de première main au Comte Dooku.

Chacune de ces quêtes pourrait en elle-même faire l’objet d’une campagne. Prises une par une, cependant, elles pourraient conduire à une suite d’aventures linéaires. Ensemble, elles forment les différents arcs narratifs de votre saga. Et comme dans les bonnes séries télé, il va vous falloir maintenant entremêler vos différents arcs…

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Etape 2 – Le découpage

La méthode s’appelant 5×5, vous avez sans doute compris en quoi va consister cette étape. Il va vous falloir découper chacune de vos cinq quêtes en cinq parties, chacune d’elles menant les personnages un peu plus près de la résolution de la quête. Idéalement, la cinquième partie de chaque quête sera réellement épique et constituera le point final, le « climax » de cet arc narratif. Chaque partie devrait constituer une aventure à part entière, peut-être plus, mais certainement pas moins. Reprenons l’une de nos cinq quêtes et voyons ce que pourrait donner son découpage en cinq scénarios:

Détruire l’usine de fabrication des nouveaux droïdes de combat du général Grievous

  1. Lors d’une mission de sauvetage sur une planète occupée par les séparatistes, les PJ font face à un nouveau genre de droïdes très dangereux.
  2. Les PJ sont chargés par la République d’enquêter sur les droïdes. Ils retournent sur la planète occupée pour « capturer » un droïde. L’enquête détermine qu’ils sont faits d’un nouvel alliage.
  3. Les PJ enquêtent dans la bordure extérieure afin de trouver la mine d’où est extrait le métal composant les droïdes. Ils découvrent la mine d’où le métal est envoyé sur une autre planète.
  4. Les PJ s’infiltrent sur la planète-usine où sont fabriqués les droïdes. Ils sont capturés, doivent s’évader et prévenir la République.
  5. Les PJ reviennent avec une flotte de guerre et des troupes pour détruire l’usine. Mais suite à leur capture lors de l’épisode précédent, le général Grievous a lui aussi dépêché des croiseurs (et est venu en personne?). Les PJ se faufilent à travers la bataille spatiale pour atterrir et aller poser des charges explosives dans l’usine infestée de droïdes (et affronter leur général?).

Comme on peut le constater, ces cinq aventures se suivent comme des perles sur un collier. Cela ne donnerait pas une mauvaise campagne, entendons-nous bien , mais elle serait un peu cousue de fil blanc. Mais si vous répétez l’opération pour vos cinq quêtes et que vous entremêlez les scénarios, vous voilà face à une véritable campagne qui joue sur différents enjeux. L’étape suivante est le petit « truc » qui va vous permettre de tisser votre saga à partir des fils de vos cinq quêtes.

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Etape 3 – Placez les aventures sur votre carte

Star Wars GalaxieVous devez maintenant placer chacune de vos 25 aventures (rappelez-vous, l’étape précédente est à réaliser pour vos cinq quêtes) sur votre carte. Qu’il s’agisse d’une ville, d’un pays, d’un continent, d’une galaxie ou d’un hôpital psychiatrique.

Le plus important est que différentes aventures issues de différentes quêtes soient situées au même endroit, ou en tout cas des endroits rapprochés.

L’idée étant que vos joueurs, lancés dans une quête, saisissent l’opportunité de se trouver au bon endroit pour entamer une aventure liée à une seconde quête plutôt que de suivre les rails des aventures de chaque quête dans l’ordre. Reprenons notre si bon exemple et ajoutons les lieux de l’action:

Détruire l’usine de fabrication des nouveaux droïdes de combat du général Grievous

  1. Lors d’une mission de sauvetage sur une planète occupée par les séparatistes, les PJ font face à un nouveau genre de droïdes très dangereux. (Planète Ryloth, bordure extérieure)
  2. Les PJ sont chargés par la République d’enquêter sur les droïdes. Ils retournent sur la planète occupée pour « capturer » un droïde. L’enquête détermine qu’ils sont faits d’un nouvel alliage. (Planète Ryloth, bordure extérieure)
  3. Les PJ enquêtent dans la bordure extérieure afin de trouver la mine d’où est extrait le métal composant les droïdes. Ils découvrent la mine d’où le métal est envoyé sur une autre planète. (Planète Bandomeer, bordure extérieure)
  4. Les PJ s’infiltrent sur la planète-usine où sont fabriqués les droïdes. Ils sont capturés, doivent s’évader et prévenir la République. (Planète Foundry, région des Colonies)
  5. Les PJ reviennent avec une flotte de guerre et des troupes pour détruire l’usine. Mais suite à leur capture lors de l’épisode précédent, le général Grievous a lui aussi dépêché des croiseurs (et est venu en personne?). Les PJ se faufilent à travers la bataille spatiale pour atterrir et aller poser des charges explosives dans l’usine infestée de droïdes (et affronter leur général?). (Planète Foundry, région des Colonies)

Maintenant imaginez que dans une de vos autres quêtes, l’une des aventures soit celle-ci:

Retrouver l’Holocron Sith contenant les plans de la nouvelle arme secrète des séparatistes

  1. Suite à une escarmouche contre des chasseurs de prime, les PJ découvrent que ceux-ci devaient rejoindre un apprenti Sith. Leur mission: le conduire auprès des leaders séparatistes pour qu’il leur livre les plans d’une arme secrète. (Planète Bandomeer, bordure extérieure)

L’idée est que les joueurs, qui enquêtent sur Bandomeer dans le cadre de la quête sur les nouveaux droïdes, se frottent à des chasseurs de prime et apprennent l’existence de l’arme secrète. Ils auront alors la possibilité d’embrayer vers la seconde quête ou de continuer sur leur histoire de droïdes. Si vous multipliez les croisements entre vos différents arcs narratifs, vous tisserez ainsi une trame bien plus riche que la simple succession d’aventures.

Bien sûr, cela dépend aussi des joueurs. Certains se braqueront et voudront finir une quête avant d’en entamer une autre. Ce sera à vous de les inciter à bifurquer, ou à leur faire comprendre que quand ils ne font rien, les choses évoluent sans eux – et si plus tard dans la campagne, ils étaient mis à mal par une nouvelle arme secrète des séparatistes? Cela créera en outre ce sentiment d’urgence et cette pression qu’il est bon d’entretenir pour qu’une campagne ait vraiment un feeling épique.

L’autre risque c’est que les joueurs perdent le fil. S’ils sont occupés sur trop de quêtes simultanées, ils auront peut-être du mal à suivre, ou verront des liens entre des informations qui n’en ont pas. A vous de doser pour que ça reste une campagne vivante, mais compréhensible pour les joueurs. La méthode ne fait que vous aider à construire la campagne, elle ne remplace pas votre bon sens de MJ…

Avec vos 25 aventures résumées en quelques lignes, vous avez maintenant une somme de matière considérable afin d’écrire vos scénarios. N’écrivez pas tout à l’avance. Commencez par le début (si ça c’est pas du conseil à haute valeur ajoutée…) et dégagez les grandes lignes des différentes bifurcations que les joueurs pourront emprunter pendant cette première partie. S’ils mordent vraiment aux hameçons placés par la méthode, vous avez de toute façon vos 25 pitches pour vous aider à improviser au besoin.

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Les bonus

La beauté de la méthode 5×5 ne s’arrête pas là. Elle peut aussi être utilisées de différentes façons.

D’abord, la méthode peut être réduite à une plus petite échelle, comme le propose « Chatty DM » sur Critical-Hits. Au lieu de préparer une campagne, préparez une seule aventure. Commencez par les intrigues, rumeurs, accroches et découpez-les en rencontres (qu’il s’agisse de roleplay, d’exploration, de combat, etc.). Vous aurez ainsi 25 rencontres dont certaines peuvent conduire vers plusieurs autres. Pour réduire l’échelle, vous pouvez aussi en faire une version 3×5 ou 3×3.

Mike Shea, d’un autre blog célèbre (Sly Flourish), propose quant à lui de partir de cinq antagonistes et de les relier à cinq accroches de scénarios. Faites en sorte que certaines de ces accroches conduisent à des rencontres avec différents antagonistes, et vous aurez là aussi une bonne structure pour un gros scénario ou une campagne.

Viriatha de Cordova (elle aussi sur Critical-Hits) propose quant à elle d’utiliser une grille. Titres des lignes et colonnes sont vos quêtes. A chaque intersection, notez une idée d’aventure, un  lieu, un PNJ qui pourrait faire le lien entre les deux quêtes et permettre aux joueurs de bifurquer vers l’une ou l’autre. Plus une façon de générer des idées que de structurer la campagne, mais d’égale valeur.

Quant à moi, quand j’ai découvert la méthode 5×5, l’image d’une mind map un peu spéciale s’est créée dans mon esprit. Vous découvrirez sans doute dans un prochain article comment combiner la méthode avec l’utilisation d’une carte heuristique.

Et vous? Avez-vous des méthodes, des trucs pour créer des campagnes? Avez-vous expérimenté la 5×5? Qu’est-ce que ça donne? N’hésitez pas à tout dévoiler dans vos commentaires…

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Itinéraire d’une rôliste nouvellement née – (épisode 2)

Je vous disais donc que j’avais accepté de plonger dans la marmite de potion rôliste. De mon plein gré. Oui, oui !

La première étape pour mon homme fut de créer un groupe. De débutants, puisque telle était ma demande et qu’il est lui-même novice en tant que MJ.

Facile ! Vraiment ?

Votre première préoccupation est de contacter les personnes susceptibles de participer à cette grande idée. Mais comment trier parmi cette foule de futurs fans ?, vous interrogez-vous.

Rien de plus simple, ils se trient tout seuls ! Posez la question : «  J’essaie de monter un groupe de JdR, tu as envie d’en faire partie ? » et observez les réactions :

–          Le Romain, pur et dur, il détourne la tête et passe son chemin comme si vous aviez éternué.

–          Le Gaulois. Rien ne l’effraie, il est près à tout. Mais il doit d’abord chasser le sanglier, écraser les romains, séduire la Belle de Cadix, et après, c’est promis, on peut compter sur lui. Vous ne le revoyez jamais.

–          Le Breton. Il fait semblant de s’intéresser très sérieusement à  votre proposition. Pose quelques questions. Boit son thé. Cette proposition est intéressante, n’est-il pas. Oui, elle est. Et sa réflexion se poursuit indéfiniment. Vous abandonnez.

Votre homme vous sourit. Rien de grave. Il va vous trouver une équipe de choc. Il rassemble les pousseurs de pions et lance sa proposition. Rentre, dépité. Il ne fait pas mieux que vous. En plus, il ne veut pas n’importe qui à sa table.

Pour faire bonne figure, il ramène à la maison le matériel nécessaire pour entrer dans la seconde étape du chemin qui donne accès au monde fabuleux de D&D, version 3.5. La même que celle à laquelle il participe une fois par mois, en tant que joueur. « Tu comprends, ce sera plus facile, je maîtrise déjà une bonne partie des règles ».

Gentiment, vous acquiescez, prête à toute les compromissions pour goûter au potage magique. L’homme sort alors un grand sac. Il y plonge sa main et en sort… 5 livres.

Vous, ingénue : « C’est quoi, ça ? C’est joli ! »

Lui, étonné par votre question : « Ben, les règles »

Glurp !

Il vous rassure : «  Ne t’inquiète pas, toi, tu ne dois lire que celui-là. » Il vous donne un pavé (315 pages et à l’air rébarbatif, maintenant que vous savez que vous allez devoir les lire).  « Celui-là, c’est pour ta culture générale du monde de Faërun » (second pavé qui chute sur vos bras chétifs). Il vous sourit à nouveau, grand seigneur : «  Celui-là, tu peux mais je ne crois pas que cela soit utile, ce sont les différentes croyances qui ont cours dans les royaumes oubliés ».

Argh.

Compréhensif, il vous tapote l’épaule : « Tracasse ! Je vais t’expliquer tout ce que tu ne comprends pas. »

Le pauvre, il ne savait pas à quoi il s’engageait… Parce que vous ne comprenez rien. Mais alors rien du tout !!!

Pour vous aider de son mieux (il a vraiment envie de devenir MJ), il vous conseille de commencer par choisir un personnage.

« Que veux-tu être ? »

« Ben… Chais pas moi, une gentille ? »

Haussement de sourcils perplexe. Raclement de gorge. Bon prince, il vous nomme les différentes possibilités (on dit CLASSES)

« Tu peux être guerrier, barbare, barde »

« heu… »

«  Ou alors, ensorceleur, magicien, moine, paladin, prêtre, rôdeur, druide ou roublard »

Vous regardez pensivement votre homme. Vous vous demandez jusqu’à quel point vous pouvez mettre sa compréhension à votre égard à l’épreuve. Vous décidez de ne pas trop jouer avec le feu. Vous avez été chaman dans World of Warcraft, qu’à cela ne tienne, vous serez druide dans cette nouvelle vie !

Vous annoncez la nouvelle avec un grand sourire, persuadée d’en avoir fini avec le fameux manuel des joueurs.

Vous déchantez très vite.

« Quelle race ? »

Vous regardez les dessins. C’est mignon les illustrations de D&D, on ne les regarde pas assez. Vous vous sentez proche des demi-elfes.

« Ravissant !!! » vous exclamez-vous, fière de tous les choix posés en si peu de temps. L’homme soupire.

« Maintenant, il faut savoir quel sera ton alignement.. »

« ?? ? »

Bref.

Chaque fois que vous pensez en avoir fait le tour, une autre question vient entamer votre bel enthousiasme.

Enfin, après maintes réflexions et palabres, vous devenez : Moïra Kurgan, druide demi-elfe. Vous avez même un toutou pour vous toute seule. Vous y tenez beaucoup à ce toutou, vous avez d’ailleurs dit au futur MJ : s’il meurt, je quitte la partie !

Le futur MJ a secoué la tête, assez désabusé par votre candeur. Mais il est néanmoins satisfait de voir que vous jouez le jeu. Vous avez même écrit une demi-page de background pour votre personnage. Auquel vous tenez déjà.

C’est bête, mais c’est comme ça !

Et ça tombe bien quand même parce que l’homme est rentré avec une grande nouvelle : ça y est, il a recruté des rôlistes. Après le coup du manuel de 315 pages  (que vous n’avez pas encore terminé), vous vous attendez à tout.

Tout?

La suite vous prouvera qu’avec le JdR, on n’est jamais au bout de ses surprises.

Pour le meilleur et pour le pire.


Gérer un grand groupe

La plupart des tables de jeu de rôle comptent entre 3 et 6 joueurs (sans compter le MJ). La raison est simple: c’est là la taille idéale d’une tablée rôliste: ni trop petite pour assurer suffisamment d’interactions, ni trop grande pour éviter la cacophonie et assurer un temps de parole suffisant à chacun. Il est pourtant possible de jouer plus nombreux. Une de mes tables actuelles est entourée de 8 chaises, et je suis déjà allé jusqu’à 10. Quelques conseils pour éviter que la barque trop chargée ne coule. Conseils qui s’appliquent à toutes les tables, mais qui sont particulièrement pertinents lorsqu’il y a beaucoup de joueurs.

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Soyez prêt à le faire

Si vous ne vous sentez pas la force de mener une partie pour huit joueurs, refusez. Si vous êtes tremblotant, stressé, que votre tee-shirt s’imbibe de vos sueurs froides à chaque partie lorsque vous faites face à trois amis d’enfance, il est clair que les choses n’en seront que pires s’ils ont chacun amené un pote ou deux. Avant de courir, il faut marcher. Mieux vaut se faire la main sur un groupe restreint et agrandir le groupe petit à petit. Bien sûr, c’est parfois difficile de dire non, mais vous êtes un grand garçon (ou une grande fille, on peut rêver) et vous avez plus à perdre qu’à gagner à vous laisser embarquer dans une aventure que ne maîtriserez pas. Sauf coup de bol, vous allez foirer. Les trois ou quatre élus vous seront reconnaissants de s’être amusé. Si vous acceptez tout le monde et que personne ne s’amuse, vous aurez échoué sur toute la ligne.

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Mettez les choses au point

C’est la première chose à faire. Avant de présenter le jeu, d’expliquer les règles ou de créer les persos. Discutez avec les joueurs et indiquez leur que pour le plaisir de tous, un peu plus de discipline que d’habitude sera nécessaire. Demandez-leur d’éviter les bavardages à deux ou trois, de réduire le nombre de « bonnes blagues » (de se concentrer sur les vraiment drôles, ce qui offre une réduction de 80%), de ne pas monopoliser le crachoir, et de ne pas interrompre les autres.

Bien sûr vous n’arriverez pas à éliminer tous les bruits, mais si chacun y met du sien, tout le monde sera gagnant. D’autant que lorsque le groupe est étendu, la quantité d’information qui passe de vous à eux est plus importante, et qu’elle est surtout plus morcelée. Écouter les réponses aux questions des autres, c’est éviter la même interrogation trois minutes plus tard.

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Choisissez le bon système de jeu

Par « bon système de jeu », j’entends un système qui permet une résolution des actions assez rapides, notamment pendant les combats. Mais surtout, j’entends un système que vous maîtrisez parfaitement, et, idéalement, que les joueurs connaissent déjà. On pourrait penser que Cheap Tales est plus fluide que D&D pour jouer en groupe élargi, mais ce serait un raccourci facile. Si votre groupe joue à D&D depuis longtemps, que vous êtes aussi à l’aise dans ce système que dans vos Nike Air Max, alors pas de soucis. L’important est que vous n’hésitiez pas, car à chaque seconde perdue, c’est dix personnes qui perdent du temps. Vous vous devez donc de maîtriser le système au point de pouvoir improviser un point de règle si un joueur vous sort un truc que vous n’avez jamais utilisé. Laissez vos livres de règles dans votre sac !

Ici aussi, c’est important de demander un peu de discipline à vos joueurs. 80% des actions d’un personnage ont lieu pendant son tour de jeu (dans la plupart des systèmes). Si vous avez 9 joueurs, chacun a donc beaucoup de temps pour préparer son action. Il faut attendre que les huit autres aient joué avant que son tour n’arrive. C’est déjà bien dans une partie normale, mais ici c’est capital que les joueurs utilisent les tours des autres pour préparer leurs action. Ainsi quand leur tour arrive, ils savent déjà ce qu’ils vont faire, quel adversaire ils vont attaquer, quel sort ils vont lancer, etc. Soyez assez strict avec le joueur qui se réveille quand vient son tour. S’il hésite ou tergiverse, faites lui perdre son tour. Vous verrez, il ne le fera qu’une fois. Allez plus loin: non seulement le joueur sait quel sort il veut utiliser, mais il a déjà pris la peine de compulser le manuel, il a déjà préparé les dés nécessaires, et a déjà pensé à la description de son action.

Quoi qu’il en soit, sauf si votre groupe est tout entier attiré par la chose, évitez les combats trop nombreux, et surtout trop longs. Par contre, autre contrainte, il faut s’assurer que chaque combat soit intéressant pour tous. Un défi de plus lors de la création de vos rencontres…

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Les apartés

J’ai déjà dit récemment tout le mal que je pensais des apartés. Les groupes importants ne me font pas changer d’avis. Pourtant, plus le groupe est important, plus la probabilité qu’il se sépare est grande. À dix, il est facile de diviser les tâches pour que deux sous-groupes se chargent de choses totalement séparées. Plutôt que de demander à la moitié des joueurs de quitter la pièce, je n’hésite pas à m’installer à la table entre eux, quittant ainsi mon éternel siège de MJ (où je ne pose pas beaucoup les fesses, ceci dit). Je me rapproche ainsi des joueurs, et ça m’évite de devoir crier au dessus des voix d’une partie de la table qui discute de son plan d’action. Ainsi, pendant que le deuxième sous-groupe prépare son plan, je joue l’action avec le premier. Je passe aussi assez souvent d’une action à l’autre pour éviter qu’un groupe ne se désintéresse de la partie (et les autres symptômes abordés dans mon article sur les apartés). Autre avantage de s’installer parmi les joueurs, mais qui n’a rien à voir avec cet article, c’est que le roleplay des PNJ, puisque vous êtes assis parmi les joueurs, s’en trouve renforcé. Ils seront pendus à vos lèvres…

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Redoublez d’attention

Si le MJ n’avait qu’une tâche, ce serait de s’assurer que tout le monde s’amuse. Quand tout le monde signifie dix personnes, le défi est de taille. Il vous faudra redoubler d’attention. Guettez le langage corporel de vos joueurs. Il vous en dira long sur leur implication dans l’histoire, sur leur intérêt dans votre scénario, et plus généralement, sur leur envie d’être là plutôt qu’ailleurs. Forcément, chaque joueur aura un peu moins de temps de parole s’il doit le partager avec nombre d’autres. Il est alors possible que les joueurs habituellement moins volubiles soient carrément muets. Ce sera à vous de les relancer, de les impliquer dans une scène où il pourront briller. Finalement comme dans toute autre partie, mais avec la difficulté de repérer ceux qui flanchent dans la foule des joueurs.

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Prenez des notes

Ce conseil vaut pour toutes les parties, mais ici c’est une plus grand opportunité encore: prenez des notes (sur une mind map?). En effet, vous êtes seul, ils sont dix. Ils auront forcément des idées intéressantes, des pistes auxquelles vous n’avez pas pensé. Prenez-en note, ça vous sera utile pour improviser, pour briser la linéarité, ou peut-être pour le scénario suivant. C’est un des rares avantages des groupes nombreux, alors pourquoi passer à côté?

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Mener une partie pour un grand nombre de joueurs est donc bel et bien possible, même si cela demande quelques aménagements et quelques précautions. Un peu plus de préparation, peut-être. Une plus grande assertivité envers vos joueurs, certainement. Quoi qu’il en soit, ça reste une partie de jeu de rôle, alors, amusez-vous!