Archives mensuelles : août 2011

Le JdR se prête-t-il à des concours?

Quand Etienne m’avait dit « un texte par semaine », je savais que cela n’allait pas être gagné d’office.
C’est clair.
Trouver une idée, la développer après l’avoir mûrie et la poser noir sur blanc, je me doutais bien que cela allait être galère.
La preuve par l’exemple… Donc, plutôt qu’un article cherchant à démontrer quoi que ce soit, disons que vous vous apprêtez à lire un billet d’humeur.
Bon, j’ai une circonstance atténuante. J’ai participé aux Démiurges V. Du « mauvais » côté de la barrière. J’étais juré.
Ouais, le style méchant-pas-beau, patibulaire mais presque, du poil aux pattes et de sales mains pleines de doigts. Le genre intraitable qui n’attend qu’une seule chose, qu’on essaie de le soudoyer. Pour craquer et se laisser acheter, pour sûr.
Juré pour le compte de Jeux d’Ombres, et Pitche a bien dû me maudire, vu que ma lenteur légendaire retarde la publication du Jeux d’Ombres 10, dont je retiens le dernier article dans mes neurones embrouillés. Mais ceci est une autre histoire, pour un prochain texte (faut pas griller toutes mes maigres cartouches d’un seul coup).
Donc, le concours des Démiurges, lancé pour la cinquième fois par Forgesonges. Faisons vite pour présenter le projet. Un thème dévoilé au lancement des 15 jours laissés aux auteurs en devenir pour produire un JdR qui tienne la route, des conditions éliminatoires (comme faire usage du copier-coller, oublier de fournir un scénario, ne pas écrire de lettre d’intention ou de pitch…), chaque jeu reçoit 3 notations dûment assorties de commentaires constructifs (j’y reviendrai) et les 10 meilleurs sont lus par 2 jurés de plus. Bref, produire un jeu en 15 jours, c’est un truc pour « ceux qui en ont ». Ou celles… car il y eut quelques dames.
Le thème de l’année, Tour(s) et Geste(s). Tout un programme. Je croyais lire beaucoup de medfan, et j’en étais assez vert d’avance… Et j’ai été agréablement surpris, j’ai eu droit à pas mal de post-apo et de multivers… mes contextes préférés.
Les plus grandes sommités du JdR étaient là, dans le jury. De Forgesonges, du GROG, des Studios Nuits Blanches, ils sont venus, ils sont tous là, bref des gars qui en ont « gros » et en savent long sur le JdR et, sans nul doute, bien davantage que moi.
Faut être lucide, j’ai rien écrit de concret sur le JdR, j’ai produit quelques scénarios et aides de jeu sur des JdRa dans Jeux d’Ombres, participé assez brillamment à quelques concours d’écriture, collaboré à Marcel Super Blaireau pour lequel l’auteur m’a gracieusement envoyé un exemplaire, ce dont je l’en remercie et me félicite, et passé de nombreuses heures à corriger, lire et relire, peaufiner Labyrinth, pour lequel l’auteur ne m’a PAS envoyé d’exemplaire gratuit, ce dont je l’en remercie et me félicite aussi, finalement.
JidéheR, ton univers impitoyââââble… (à chanter sur l’air bien connu qui le fait bien avec).
Bref, me voilà aux alentours du 1er mai, avec une liste de 32 JdR produits en 15 jours, et je ne m’en suis toujours pas remis.
Je ne sais plus très bien combien j’en ai lu. J’ai arrêté de compter au-delà de 20. Sans doute quelque chose comme 22, ou 23 ? 24 en fait… mais dans le tas il y a deux jeux que j’ai lus pour faire plaisir à des amis, et dont la notation n’entre pas en ligne de compte pour le classement final. Chaque jeu fait entre 30 et 45 pages. Faites le compte.
Tout cela sur 2 mois et 2 semaines.
Quand je pense que certains jurés peinards se sont juste tapé (pas gentil pour les auteurs, ça, l’expression « tapé ») 2 ou 3 jeux sur la même période…
Non, je n’ai pas envie de vous faire pleurer. Pas de cela entre nous, voyons. Pas de compassion ni d’apitoiement. Juste un peu de compréhension. Pour dire que je suis vidé, ou plutôt rempli… et qu’il faut un peu de temps pour que la vidange ne soit faite. Que je me débarrasse de tout ce que j’ai lu. Tout cela se bousculant encore « gaiement » dans mon cerveau vieillissant qui n’en demandait pas tant.
J’ai lu des trucs vraiment bien, je m’en voudrais de laisser planer le moindre doute à ce sujet. Allez voir sur le site de Forgesonges, ou dans le forum dédié aux Démiurges V. Certains auteurs ont mis leur contribution en ligne. Cherchez Bienvenu au Baloukistan ou Durum, par exemple. Deux jeux parodiques extrêmement fendards qui ont suscité en moi une émotion créative et rôlistique que je pensais à jamais disparue.
Je mentionne aussi Les Hérauts du Temps, jeu impressionnant, exclu du second tour par un juré que je qualifierai de revanchard et borné, qui n’a rien compris ou voulu comprendre au jeu et a plombé un excellent jeu par une note d’exclusion ou presque.
Évidemment, quelques auteurs s’estiment lésés. Mais pas tant que cela. La critique est facile mais l’art est difficile, comme la peinture à l’huile. Comment être sûr que l’on sera jugé, noté, évalué à sa « juste mesure » ? De manière objective. Impartiale. Que tous les jurés ont les mêmes critères en tête ou la même compréhension des 6 dimensions (intention, respect du thème, jouabilité, technique, originalité, qualité littéraire), notées de 1 à 5. On pouvait mettre 0, mais c’était éliminatoire. Alors une telle note était l’apanage des gars de Forgesonges.
Donc, comment ? Hein, je vous le demande un peu, comment peut-on être sûr ? Oui, voilà la question cruciale, à laquelle vous attendez, bouche bée, l’œil inquiet, la paume moite, une fulgurante et raisonnante réponse. Comment être sûr ?
C’est tout simple, on ne le peut pas. C’est comme ça.
Life is a chocolate boxLa vie n’est pas un long fleuve tranquille, maman…, que de références ! j’en passe et des meilleures.
Là, je vous sens un poil déçu.
Mais c’est comme ça.
Partons du principe que tous les jurés ont lu et noté les jeux en leur âme et conscience. En restant cohérents avec eux-mêmes. Ce ne serait déjà pas si mal. Chaque juré a compris les 6 critères de manière personnelle et les a interprétés identiquement tout au long de ses lectures. Chaque lecture d’un juré serait alors cohérente avec les autres effectuées par ce même juré. Évidemment, vu que tous les jurés n’ont pas lu tous les jeux, un auteur pourrait avoir l’impression que tout reste quand même apparenté à une certaine forme de loterie.
Si on tombe sur 3 jurés qui « notent haut » ou n’osent pas prendre leurs responsabilités, on est favorisés par rapport à des jurés plus timorés ou notant sévèrement. Cette possibilité reste très théorique. Et mon vécu de juré tend à l’exclure complètement.
Par contre, il est tout à fait plausible qu’un juré passe à côté d’un jeu. J’ai ainsi pu constater qu’un jeu que je trouvais personnellement peu emballant avait reçu d’assez bonnes notes des 2 autres jurés. Pour être plus précis, disons que ce jeu récolte quelque chose comme 13, 18, 19… J’ai aussi vu un jeu qui navigue à 22-24 pour deux jurés, et prend un 8 à la troisième lecture, synonyme d’exclusion du second tour.
Je ne voudrais pas avoir l’air de m’excuser ou de vilipender l’un ou l’autre de mes coreligionnaires. Dans le style « c’est pas moi, c’est lui, m’sieur ». Je décris un fait. Ou plutôt des faits. La perception est subjective. Par essence, par nature, par définition. Si tous les jurés comprenaient les mêmes critères, de la même manière, à la virgule près, alors il n’y aurait pas besoin de plusieurs lectures. Une seule lecture suffirait.
Mais tout le monde (heureusement pour l’univers et son fonctionnement) ne comprend pas les choses de la même façon. Utiliser un phare en lieu de TOUR, pour certains jurés, c’est « génial », pour d’autres, c’est « limite ». Je fais partie des seconds… Quid de parler de TOUR de jeu ? Ou de GESTE au sens « poème épique »… archi bateau. Ne mérite pas vraiment une note d’exclusion. L’auteur fournit le service minimum.
Les auteurs, enfin certains auteurs parmi les plus obtus (osons le dire), pensent également qu’une notation a un caractère absolu. Ils déclarent à l’envi qu’il ne peut y avoir de perfection. Et donc que voir 5/5 pour un critère, cela relève de l’erreur manifeste de jugement pour le juré qui se laisse aller à cette impardonnable largesse. Le 5/5 n’existerait donc pas, mais le 0/5, reposant sur des critères « absolus », pourrait être distribué, et on ne devrait pas lésiner.
Je m’élève en faux face à cette assertion. Ne serait-ce parce que j’ai mis davantage de 5/5 que de 1/5. Une note de 5/5, c’est une sorte de maximum relatif. Et il y a autant de subjectivité dans un 0/5 que dans son opposé. Un jeu a failli être exclu pour absence de scénario. En ce qui me concernait, et vu que j’avais lu le jeu en question, il y avait bel et bien un scénario. Sans doute pas des plus clairs et des mieux foutus mais, bon, il était là. Pour un autre juré, et sur base de critères personnels tout à fait honorables et raisonnables, le scénario proposé n’en était pas un.
Tout cela est relatif, donc. Et dépend largement du premier jeu lu.
En effet, si vous lisez comme premier jeu, un truc pourri, naze, complètement HS… vu que vous manquez de référentiel, de comparaison, vous êtes très embêté. En général, pour ne pas trop se mouiller, les notes du premier jeu lu vont évoluer de 2 à 4… avec une large proportion de 3/5. Dès le 2è jeu lu (et encore bien davantage ensuite), vous allez vous rendre compte de la valeur intrinsèque du premier jeu lu et donc de la valeur de la notation.
J’ai eu beaucoup de chance. Le jeu par lequel j’ai commencé mes lectures était très moyen, pour l’ensemble des jurés, unanimes sur ce coup. Et j’ai enchaîné avec quelques jeux moyens, ce qui m’a permis de me rôder avant d’attaquer les vraies daubes (il yen a eu) et les trucs vraiment sympas (il y en a aussi, c’est comme la poire, comprenne qui peut).
Tous les jurés n’ont pas cette « chance ». Celui qui débute par un jeu exceptionnel à qui il donne du 3/5 par précaution, il va ramer et distribuer les 1/5 à la pelle ensuite.
Mentionnons pour l’anecdote que les notes étaient révisables, mais qu’aucun juré n’a fait usage de cette possibilité. Moi y compris. Déjà, ce n’était pas commode d’expliquer à l’auteur le pourquoi d’un 2/5 en littéraire couplé à un 5/5 en originalité, mais je me voyais encore moins à même de lui expliquer pourquoi le 2/5 initial s’était mué en 3/5 pendant que le 5/5 devenait 4/5… de toute façon, le total ne s’en trouvait pas modifié. Deux jeux très différents peuvent récolter 4/5 en respect du thème et pourtant aborder ce thème de deux manières diamétralement opposées. Cela aussi, certains auteurs avaient du mal à l’assimiler.
Les notes sont relatives, et surtout ordinales. J’espère que peu d’auteurs (mais il s’en trouve toujours qui ne comprennent pas pourquoi leur jeu n’a pas plu et se livrent à toutes les arguties pour montrer que ce sont les vilains jurés qui se sont plantés, na na na na nèèèreuh !) ont encore en tête que les notes globales sont cardinales. Elles sont ordinales. Rien d’autre qu’un classement. Avec peut-être une chouille de cardinalité, éventuellement. Pour être précis, un jeu qui se tape 24/30 n’est pas deux fois meilleur qu’un jeu qui a 12/30. Le premier jeu est incommensurablement meilleur que l’autre. Point. Mais il est clair que plus l’écart est important, et plus un jeu est bon. Définir un bon jeu ? C’est comme pour les chasseurs de galinettes cendrées. Il y a les bons chasseurs et les mauvais chasseurs…
Penser que les écarts sont révélateurs de façon précise de la valeur du jeu relève de la plus pure aberration. En ce qui me concerne, j’ai (sans vraiment m’en rendre compte au début) noté les jeux en 4 groupes. Ceux qui évoluent aux alentours de 23 et qui sont jouables immédiatement et interpellent mon imagination d’une manière ou d’une autre ; ceux vers 19, honorables et bien foutus; puis un groupe de jeux vers 16, qui ne méritent pas de passer au second tour, et quelques jeux en-dessous de 14 qui ont davantage de défauts que de qualité et ne tiennent pas la route. Ensuite, apercevant deux jeux classés ex æquo, et ne me semblant pas de qualité égale, je décale d’1 ou 2 points vers le haut ou le bas. Pas trop de prise de tête. Par ailleurs, je me suis vite rendu compte que j’étais assez indulgent pour les jeux dont on voyait aisément qu’ils ne passeraient pas au second tour.
Tout cela vaut parce que les jurés sont amenés à remplir une feuille de notation par jeu lu. Dans celle-ci, ils vont motiver leurs choix, leurs options, corriger les erreurs, relever les incohérences, suggérer des pistes pour améliorer la création, discuter, argumenter, justifier… Bref, ils vont faire un boulot de jurés.
Et bardaf, c’est l’embardée. C’est là que le château de cartes s’effondre. Le volet « commentaires » est le bât qui blesse. J’ai un peu de mal à l’avouer, et je m’en voudrais de ressembler, peut-être, à un type qui crache dans la soupe. Après tout, j’ai été juré. Et ensuite je semble dégoiser le concours dans lequel j’ai décroché la palme du lecteur le plus prolifique.
Que nenni.
Je m’explique. Certains jurés se sont contentés d’un « ce jeu ne respecte pas bien le thème, 1/5 » pour tout commentaire (sic), ou d’un « le système n’est pas adapté à l’univers, 1/5 » (re-sic), ou même, suprême délicatesse, donné du 1/5 ou du 2/5 SANS le moindre commentaire négatif. J’ai aussi vu un « pas mal pour une première participation aux Démiurges »… phrase que je ne comprends toujours pas… et qui laisse à entendre qu’il faut, selon le juré, participer plusieurs fois pour briller aux Démiurges. Cela reste du domaine de la responsabilité du juré. Et de plus, en faisant cela, le juré peut rester cohérent avec lui-même. Comparer les notations, comparer les commentaires, les soupeser, les décortiquer, cela relève du pur capillotractage. Un juré n’a pas à être cohérent par rapport aux autres, mais par rapport à lui-même. Néanmoins, je pense qu’accepter de faire partie du jury des Démiurges, c’est aussi faire preuve de politesse et de respect pour les auteurs et leur création.
La faute (si faute il y a) ne peut, de toute façon, pas en incomber ni aux organisateurs, ni aux jurés qui ont fait leur job en leur âme et conscience en noircissant 7 pages (les 6 critères + une page de commentaires généraux). L’auteur qui se sent lésé (à juste titre à mon humble avis) doit se tourner idéalement vers ce juré (souvent le même…) et lui poser la question. Remettre en cause les bases du concours semblait plus facile à ces auteurs vindicatifs, convaincus (à tort, dans ce cas-ci) de leur bon droit.
Notons que la plupart du temps, ces jurés un peu laxistes, fainéants ou expéditifs, ne participaient pas aux discussions sur les forums, lieux d’échanges parfois transformés en rings de boxe.
Je m’arrêterai là. Même s’il y a encore beaucoup à dire.
Bien sûr, les règles peuvent être améliorées, elles ne sont pas parfaites, qu’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit. Par exemple, les jurés ne se rencontrent jamais pour débattre ouvertement et oralement des créations et expliquer leurs notations (quitte à être amenés à les reviser). Ils ne sont pas obligés de venir se faire lapider électroniquement sur les forums dédiés. Ils ne peuvent pas vraiment être exclus. Ils ne sont pas tenus de se montrer prolixes dans leurs commentaires, ni même de lire un certain nombre de jeux. Notons à ce sujet, que plusieurs auteurs ont commencé à mettre leur œuvre à disposition de toutes et tous via les forums de Forgesonges dédiés aux Démiurges, et que peu de personnes (en ce compris les plus vindicatifs) se bousculent pour lire et rendre commentaires et fiches de notation. À ce rythme-là, le gagnant du concours serait connu en 2013, et encore ! Comme quoi, ce n’est pas si évident que cela de gérer un concours et de le mener à bien dans des délais raisonnables, et que ceux qui prétendent faire mieux, ou laver plus blanc, auraient bien fait de réfléchir avant de se targuer de résultats et de qualités que l’observateur lambda tarde à voir se matérialiser. La rapidité d’exécution a un prix. C’est moche, mais c’est comme ça.
Qui plus est, ces règles sont connues de toutes et de tous avant le concours. Et les règles sont les règles, dura lex sed lex. On n’a rien inventé de mieux sur le sujet depuis l’Antiquité. Et on n’en change pas pendant le concours. Celui qui ne veut pas être jugé, et livrer la 8è merveille du monde (SA 8è merveille du monde) en pâture à d’infâmes béotiens, comme de la confiture à des cochons, eh bien, je lui suggère de ne pas concourir. Ou alors d’arrêter de se regarder le nombril en se matant dans un miroir et de considérer sa création avec autre chose que les yeux de Chimène pour Rodrigue. Je n’ai jamais vu de jury (même d’embauche) rendre facilement des verdicts sans taches.
Prenons un exemple. Moi… J’ai eu la chance et la surprise de gagner un des principaux concours de nouvelles de la Communauté française (de Belgique), sur 650 textes et avec un jury composé de professionnels, dont des écrivains. Ensuite, j’ai concouru dans un petit concours, mon texte avait reçu les encouragements de beaucoup de personnes, et je me suis ramassé comme une grosse merde, même pas dans les prix, alors qu’on en distribuait une petite dizaine sur 22 textes envoyés… La claque ? Que non. Même pas mal, je me suis reboosté et j’ai repris la plume.
Que les auteurs déçus par les Démiurges fassent de même.
Les organisateurs ont fait un boulot de dingue. Ce concours a sa place dans le paysage rôlistique francophone. Le meilleur jeu a gagné, de l’avis unanime. Même si (à mon avis) ce n’est pas le plus stimulant, le plus punchy, cela reste le mieux ficelé et celui qui remplit le mieux les critères. Est-ce le jeu de l’avenir ? Celui qui va relancer l’industrie du JdR, ainsi que certains auteurs considèrent leur jeu ? Je ne pense pas que cela soit la mission des Démiurges. Il faut recadrer le concours pour ce qu’il est. Un bel exercice d’émulation, d’échanges, de stimulation rôliste, une façon de se filer des coups de pieds au Q, et de produire un résultat, qui sera retravaillé ensuite.
Les jurés ont fait un gros boulot. Pour la plupart. Et ce n’est pas rien.
Les auteurs ont produit 32 jeux intéressants. Certains n’avaient rien à faire dans le concours. Car le thème y avait été intégré aux forceps, avec un chausse-pied « gros ça comme ». Mais ce sont de vrais bons jeux. Il y a peu de vrais ratés.
Je conclurai que les Démiurges ne sont pas l’unique sésame qui ouvre les portes de la gloire. Un jeu doit être testé, retesté, encore et encore, analysé, relu, réécrit, corrigé, pour aboutir à une forme acceptable et jouable. Ce n’est pas encore le cas des jeux produits dans les Démiurges.
Je m’en voudrais de vous abandonner sans avoir produit quelques statistiques… La moyenne de mes notations, sur les 22 jeux lus pour le concours (dont un a été exclu pour plagiat, copier-coller), est de 18,81/30, allant de 9/30 à 28/30. Finalement, c’est pour l’originalité que je suis le plus indulgent, avec une moyenne de 3,81/5. Et pour la jouabilité que je suis le plus dur, 2,76/5. Normal, direz-vous, comment peut-on juger de la jouabilité sans… jouer, précisément ! Je répondrai en deux temps. D’une part, c’est beaucoup plus facile que vous ne le croyez. Et d’autre part, le critère a trait à la qualité du scénario et à toute une série de points assez clairs, point n’est besoin de tester le jeu pour jauger. Par contre, on repère assez bien les jeux qui ont été testés avant l’envoi. Viennent ensuite le respect du thème 2,95/5, la note d’intention et le pitch 3,00/5. Technique et qualité littéraire se retrouvent tous deux à 3,14/5. J’ai collé 10 fois la note de 1/5, et 18 fois la note de 5/5.
Sur ce, je vais me reposer et je vous dis à l’année prochaine, pour les Démiurges VI, et à la semaine prochaine, pour d’autres réflexions, que j’espère plus inspirées.


Tour d’horizon du JdRA

Tout d’abord une petite définition, qui est celle reprise par Jeux d’Ombres auquel j’adhère, ça nous permettre de bien cerner les choses: par jeu de rôle amateur, on entend le JdR qui n’apporte pas de revenus à son auteur qu’il soit édité professionnellement ou à titre d’auteur.

Parler de JdRA, oui, mais lesquels choisir ? Il y en a tant, il suffit de voir l’Annuaire des JdRA présent sur Jeux d’Ombres ou la liste reprise sur le GROG ou d’autres sites et portails du genre. Il y a une multitude de genres, de sortes, un foisonnement de créativité. Du plus conventionnel au plus expérimental, du MedFan à la SF en passant par l’Horreur, l’Uchronie, le steampunk, etc.

Je choisirai de vous parler de quelques auteurs phares et vous renverrai vers l’Annuaire ou l’E-zine Jeux d’Ombres pour en découvrir d’autres qui vous plairaient. Je vous brosserai aussi quelques évènements qui ont gravité ou gravitent encore au sujet du JdRA.

On ne pourrait pas parler de JdRA sans parler d’auteurs notables et leurs jeux mémorables. N’y voyez aucune notion partisane mais le soulignement d’un travail conséquent et méritoire.

  • Olivier LEGRAND qui a produit le formidable et grandiose Imperium basé sur l’univers de Dune, un JdRA très complet et immersif ; ou Solomon Kane inspiré du personnage éponyme de R.E. Howard, mêlant action, horreur et grande aventure, tout cela à l’époque élisabéthaine – revue et corrigée par le créateur de Conan le Barbare ! De l’acier, du sang et des ombres ! Les plus jeunes ne sont pas oubliés avec Gnomes JdR, mini jeu destiné à un très jeune public, inspiré des célèbres livres sur les Gnomes.
  • JeePee a produit de nombreux JdRA courts dont Cthulhu Fhtagn et The Return of The Not Totally Dead critiqués dans Jeux d’Ombres.
  • Livre de l’Ours qui avec 10.000 révolutionne et s’inspire de l’Anabase de Xenophon en mêlant un peu épopée, jeu de rôles et progression typique d’un jeu de plateau (critique à paraître dans Jeux d’Ombres).

 

CJDRA

Une convention pour tous les rassembler. Elle a fait fureur et les beaux jours des JdRA d’antan, la CJDRA. Nombreux sont les JdRA présentés là-bas et qui ont connu la voie de l’édition. Sans compter les rassemblements, les synergies formées. On pense aux Ecuries d’Augias, au collectif Ballon-Taxi, etc.

La CJDRA, la Convention du Jeu de Rôles amateur de 2001 à 2007, a été, au cours de sept éditions mémorables, l’élément moteur de la promotion et de la mise en exergue de nombreux JdRA. Celle-ci était entièrement consacrée aux JdRA. Elle a estimé son rôle rempli et a tiré sa révérence lors de sa dernière édition en avril 2007. Cette fin n’est pas le glas qui sonne, mais davantage l’aboutissement d’un pari réussi : faire connaître et apprécier les jeux de rôles amateurs.

Par exemple, le collectif Ballon-Taxi qui a rédigé Exil s’est vu constitué après l’une de ces éditions. De même, Crimes s’y est aussi fait connaître, de même que P’tites sorcières qui a été joué de nombreuses fois. Dernièrement Cats ! et O’Weens’s y avaient fait une très bonne impression. D’ailleurs, c’est en cette occasion qu’O’Ween’s s’est vu adjoint à la phase d’incubation menée par l’association Imaginez.net. Les personnes d’Imaginez.net avaient été attirées par ce jeu durant l’une des dernières CJDRA.

Le but principal était de permettre aux auteurs de rencontrer un premier public sans qu’aucun concours ou tournoi ne soit mis en place. Le souci et la volonté de gratuité obligaient chaque année les organisateurs à dénicher des locaux spacieux et gratuits proches de Paris et d’organiser celle-ci sans grands fastes, mais l’ambiance se révèlait très décontractée et conviviale.

L’une des particularités de la CJDRA était sans conteste sa « bourse aux scénarios ». Genre de « foire » spectaculaire où chaque meneur venait présenter en moins d’une minute son JdRA afin de se constituer une table de joueurs intéressés. S’il y a plus d’appelés que d’élus, un tirage au sort était effectué pour que chacun ait sa chance.

 

Jeux d’Ombres, e-zine consacré

Le JdRA à son e-zine, Jeux d’Ombres (JdO) et son Annuaire gigantesque, dont la fonction de recherche n’est pas des plus pratiques, mais qui permet, avec un peu de temps, de découvrir de très chouettes choses.

Sans oublier le rôle premier de Jeux d’Ombres, être une lumière sur le Jeu de Rôle amateur. Un e-zine qui depuis 2003 braque ses projecteurs sur ces créations méconnues avec ses mini-critiques, son « Lumière sur.. », véritable analyse en profondeur d’un JdRA, les coulisses de la création avec des articles dédiés et des « making of » ainsi qu’un nombre considérable de scénarios et d’aides de jeu.

D’ailleurs, Jeux d’Ombres a participé au numéro #8 spécial JdRA de JDR-Magazine. Ce numéro spécial comportait pas moins d’une dizaine de critiques. Certes plus courtes mais plus nombreuses et surtout accompagnées d’un synopsis voire même d’un scénario pour se lancer dans l’aventure et vous faire préfigurer ce qu’on peut vivre comme péripéties.

Voilà aussi deux années consécutives que Jeux d’Ombres participe comme pool de jury pour le concours des Démiurges en herbes, un concours de création de JDR complet (univers, système de jeu et scénario) en une quarantaine de pages, en une quinzaine de jours de rédaction seulement ! Un véritable marathon rédactionnel et imaginatif ! On en a déjà parlé plus tôt sur l’art de l’a table

 

FFJDR et JdRA

La FFJDR tient aussi à récompenser et à souligner l’existence des JdRA en décernant un prix annuel, le Prix du Jeu de Rôle Alternatif à (depuis 2009).

Le prix est décerné à titre honorifique par la FFJDR. Il a pour objectif de porter un coup de projecteur national sur un jeu ou un supplément issu d’une sélection.
 

La suite au prochain épisode

Comme vous pouvez le constater, l’univers du jeu de rôle amateur est toujours bouillonnant. Restez branchés sur l’art de la table pour plus d’articles sur ces jeux qui n’ont parfois d’amateur que le nom…


Larguez le matériel !

Combien de fois le rythme de votre partie s’est-il ralenti parce qu’un joueur devait vérifier s’il avait bien un objet dans son matériel? Quand vous créez un aventurier dans un jeu med-fan, combien de temps faut-il pour arpenter la liste de matériel et choisir une couverture, un hameçon, un couteau de cuisine, une torche et un caleçon de rechange ?

N’est-il pas logique qu’un personnage habitué à la vie en forêt possède de quoi pêcher et nettoyer un poisson ? Qu’un soigneur itinérant possède de quoi bander une plaie ? Est-ce bien nécessaire d’inventorier tout cela sur une feuille d’équipement ?

Si vous avez répondu « oui, oui, non » à ces questions, nous sommes sur la même longueur d’ondes. Voici donc une petite règle optionnelle qui s’accordera à la plupart des systèmes et des univers, et qui vous permettra de vous passer presque entièrement de la feuille d’équipement de votre personnage tout en gardant la cohérence si chère aux rôlistes.

 

Un personnage possède un objet usuel s’il réussit un test de la compétence utilisée généralement avec l’objet en question.

 

Je vous sens fatigués, vous avez besoin d’exemples. Un petit tableau clarifiera sans doute tout cela…

Matériel

Notez que j’évoque ici les compétences, mais que certains jeux n’en utilisent pas. Dans ce cas ils ont certainement d’autres outils : des aspects ou des ressources comme dans Barbarians of Lemuria ou le futur système Métal de Bloodlust. Dans ce cas posséder l’aspect correspondant à l’objet devrait suffire, mais vous pouvez bien sûr demander un test si vous jugez cela plus adéquat.

 

Restez cohérents avec l’univers

Cette petite règle se doit d’être adaptée à l’univers dans lequel vous jouez. Ainsi, l’exemple de la trousse de maquillage fonctionnera dans un univers contemporain. Dans un univers d’Héroïc fantasy, il n’aura sans doute pas sa place. De même que la boussole, qui est un objet commun au XXIème siècle, mais pas à Warhammer ou D&D. A l’inverse, beaucoup de guerriers possèdent une pierre à aiguiser, mais peu Shadowrunners en ont une en poche.

Cette règle ira parfois complètement à contre courant de certains univers. Je pense notamment aux jeux post-apocalyptiques. Ici, quand chaque objet du passé est un trésor, il faudra se montrer doublement vigilant. Le kit de premiers soins reste hors de portée de cette règle si on l’applique à Vermine, par exemple.

Le bon sens, finalement, devra l’emporter. Feu Gary Gygax le disait déjà avant ma naissance…

 

Restez vigilants

J’ai connu pas mal de joueurs. A l’annonce de cette règle, certains petits malins pourraient tenter de l’abuser. Restez ferme. Si vous autorisez un test de tir pour vérifier que le personnage possède une M-60 ou un lance-flammes, c’est que vous vous êtes laissé embobiner par le joueur…

Rappelons l’esprit de la règle : elle ne s’applique qu’aux objets usuels que tout un chacun est susceptible de transporter sur soi. La règle permet simplement de se passer des détails finalement sans intérêt et de se concentrer sur l’essentiel : le jeu. Certaines choses ne devraient donc pas être autorisées : les armes, les objets chers, les objets rares, les objets magiques, et tout objet qui permettrait aux joueurs de faire planter votre scénario. Tout cela aura toujours sa place dans la case équipement de la feuille de personnage.