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Initiative !

Gérer l’initiative, l’ordre dans lequel personnages et adversaires agissent pendant le combat. Un sujet a priori trivial. Pourtant on a en écrit des choses sur le sujet. Il y a des conseils dans les bouquins de règles, des articles dans Casus Belli, des pages de blogs. Il y a même des outils censés faciliter les choses. Et pourtant… Pourtant ça fait maintenant 25 ans que je mène des parties de jeu de rôle, et j’en reviens toujours au système le plus simple qu’on puisse imaginer : noter les scores sur une feuille de papier. Des kits du MJ Casus Belli, j’en ai deux chez moi. La gestion de l’initiative dans Héros & Dragons, c’est moi qui l’ai écrite (et j’ai fait de la merde, oubliez ce passage – juste celui-là, le reste est très bien). Des cartes d’initiative j’en ai créé plusieurs modèles. Mais j’en reviens toujours à ma feuille et mon crayon…

Pourquoi déléguer l’initiative c’est une fausse bonne idée ?

Revenons d’abord sur cette idée de déléguer l’ordre d’initiative à un joueur. Vous lancez le combat, vous demandez à chacun de lancer son dé, et puis c’est un joueur qui prend soin de noter tout ça. Où ? Sur le kit Casus Belli, sur le tapis de jeu, sur une feuille, sur un post-it, sur sa main. On s’en fout, c’est lui qui gère, il fait comme il veut. Ensuite, il annonce « c’est à Celanya de jouer » (ça c’est si vous avez la chance que le joueur appelle au moins les personnages et pas les joueurs). Celanya réalise ses actions, et quand c’est terminé, vous regardez le joueur qui annonce « à Karendar ».

La première raison qui fait que c’est une mauvaise idée, c’est que, sérieusement, tenir le compte de l’init, ce n’est pas le truc qui va vous pomper toutes vos ressources intellectuelles. Ça ne demande aucune concentration, aucun calcul, rien. Il suffit de suivre, du plus élevé au plus bas, une suite de cinq ou six nombres qui vont aller de 25 à 0. Nombres qui ne vont même pas changer de tout le combat (sauf si vous jouez encore à D&D 3 et ses variantes, mais là on ne peut rien pour vous). Même les membres des groupes facebook anti-x-card peuvent le faire. Si vous trouvez qu’il y a trop de choses à gérer en tant que MJ, ce n’est pas en déléguant l’initiative que vous allez gagner un peu de ressource mentale.

La deuxième raison est bien plus importante : gérer vous-même l’init, ça vous permet de gérer le rythme du combat. Et d’avoir des transitions d’un perso à l’autre bien plus vivantes. Quand Celanya a fini son tour, au lieu d’un joueur qui annonce « c’est à Karendar », vous pouvez lancer « OK, Celanya vient d’abattre le garde du corps, Karendar, à toi, tu as maintenant la vue dégagée vers le sorcier et ses deux serpents géants qui ne le quittent pas ». Une phrase, un micro-poil de narration entre chaque tour rendra votre combat plus vivant, plus excitant, plus rythmé. Un combat est une scène comme les autres, il raconte aussi une histoire, c’est donc important qu’il comprenne également de la narration. Et pas juste le joueur motivé qui décrit chaque détail de ses coups d’épée, mais aussi ce qui se passe sur tout le champ de bataille. En quelques mots, vous résumez le tour du perso qui vient de terminer et rappelez la scène au suivant. il ne faut rien de plus, ce n’est pas le moment de vous lancer dans une description lyrique. C’est un combat, ça va vite, alors soyez bref. Insistez sur le caractère brutal, sur les décisions rapides que chacun doit prendre. Grâce à votre position de MJ, cette transition vous permet de passer le spotlight au joueur suivant. Elle vous permet aussi de passer ce message implicite aux autres joueurs « maintenant, chers spectateurs, c’est au tour de Machinchouette de briller, regardez-le ». Chacun peut ainsi mieux suivre le flow de ce qui se passe à table et rester concentré sur l’action.

La méthode ultra révolutionnaire du papier et du crayon

Alors nous y voici. C’est le moment où je vous montre mon outil génial de gestion de l’init. On va commencer par une photo. Voici à quoi ressemble une feuille d’init typique :

Initiative

 

Que voit-on sur cette feuille (outre le fait que j’écris mal) ?

  • En haut à droite, les chiffres (9, 13 , 17, etc.) sont les scores d’initiative. Au centre, entouré, celui des monstres, des gnolls en l’occurrence. Autours, les initiatives des personnages, disposés selon la place occupée par les joueurs à la table (vous aurez donc compris qu’il y a cinq joueurs. Deux à ma droite, deux à ma gauche et un à l’autre bout de la table).

  • En haut à gauche, un rappel pour que je n’oublie pas de mentionner le vent qui impose un désavantage aux attaques à distance.

  • Ensuite vient la liste des monstres avec leurs points de vie. Le chef des gnolls a pris deux coups. J’ai noté de ne pas oublier que ses sbires ont l’avantage à son contact. Le gnoll 3 a subi le sort cécité et est donc aveugle. Le noter me permet de ne pas oublier son jet de sauvegarde à la fin de chaque tour.

Un autre exemple ?

Initiative

Ici les persos combattent un groupe de drows menés par un mage aidés d’un vrock et d’un golem de pierre. J’ai choisi de tirer trois initiatives pour les trois groupes d’adversaires pour épicer un peu le truc (c’est vraiment un maximum à réserver aux combats importants).

Sous le mage, vous noterez les emplacements de sorts qu’il a déjà utilisés. Tout en haut, un rappel des dégâts du sort qui peut potentiellement blesser les PJ à chaque round.

Notez deux choses:

  • J’ai depuis toujours simplement noté les points de vie en diminuant. Je crois que je vais changer cette habitude et plutôt noter les points de dégâts qui s’accumulent. C’est plus rapide de faire une addition. Le monstre meurt simplement quand les dégâts reçus atteignent ses points de vie initiaux. S’il régénère ou est soigné pendant le combat, j’augmente simplement les points de vie de base du montant des soins.

  • Cette façon de faire ne note rien concernant les personnages, hormis leur initiative. S’ils subissent un état préjudiciable, par exemple, je ne le note pas. C’est au joueur de s’en souvenir. Souvent je lui tend une carte qui résumé son état, et c’est à lui de se souvenir, par exemple, que s’il est victime d’une immobilisation, il peut faire un jet de sauvegarde à la fin de son tour. Voilà bien le genre de choses qui me fait gagner des ressources mentales, bien plus que laisser la gestion de l’initiative à un joueur.

Voilà donc ma façon hyper génialissime de gérer l’initiative. Et je fais ça à tous les jeux, que ce soit D&D comme dans les exemples, ou à Nephilim, Vermine ou l’Appel de Cthulhu. Au bout du compte, je n’ai rien trouvé de plus efficace en 25 ans…

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Et vous, vous avez un truc à partager pour la gestion de l’init ? Vous faites comment ? Le bouton « commenter » n’est pas loin…

 

 


3 questions pour préparer un bon combat

Les scènes de combat devraient être excitantes, tendues, stressantes. Des bons combats, on en redemande. Nous avons déjà évoqué la manière de mener un combat excitant. Cette fois nous allons parler de la mise en place de la baston, de sa préparation.

Le MJ qui prépare sa rencontre doit se poser les bonnes questions. Qui combat ? pourquoi combattent-ils ? Où se déroule le combat ? Apporter une réponse à ces trois questions, c’est faire une grand pas vers une scène de combat qui fasse sens et qui soit trépidante.

Qui combat ? (et combien sont-ils ?)

C’est la question la plus évidente, et à moins d’avoir abusé de la tequila, chaque MJ qui prépare son combat y répondra. D’abord parce que c’est en général précisé dans le scénario, et que s’il est en train d’écrire son propre scénar, il sait forcément de quoi ça parle.

Au-delà de savoir à quelle page du bestiaire se référer, la réponse à cette première question a un impact fondamental sur le combat.

DuergarPrenons deux exemples pour illustrer notre propos. Les PJ approchent de la caverne infestée de monstres dans laquelle sont vraisemblablement enfermés les habitants du village qui ont disparu. Exemple 1 : c’est la base arrière d’une communauté de duergars. Exemple 2 : c’est là que survit un groupe de goules affamées. Je suis sûr que vous voyez déjà que les deux rencontres seront différentes. Simplement parce que dans le bestiaire les capacités des deux monstres sont différentes, ce qui a pour conséquences que les deux groupes n’utiliseront pas les mêmes tactiques.

Là vous allez me dire que c’est évident, que l’exemple est caricatural, etc. OK, alors changeons de jeu, passons à Nephilim. Les PJ doivent pénétrer dans une commanderie tu temple. Exemple 1 : c’est la base d’une petite obédience locale donc les plus gradés sont des manteaux noirs, mais où le gars moyen n’est même pas adoubé chevalier. Exemple 2 : c’est la même base, mais pour des raison liées au scénario, elle est dirigée par un Naute du troisième degré protégé par plusieurs manteaux blancs expérimentés. C’est pareil, les deux groupes de templiers n’utiliseront pas les mêmes tactiques. Donc savoir qui combat est une question fondamentale.

Et donc oui, c’est évident. Mais l’important à saisir c’est qu’il faut se poser la question avant de jouer le combat. Pour éviter de se rendre compte, après une bataille insipide, que le chevalier-mage pouvait lancer tel ou tel sort ou que la goule paralysait les adversaires qu’elle griffait.

Un petit aparté pour vous parler de la question « combien de monstres ? ». À cette question, la seule bonne réponse c’est « ce que la logique de l’histoire exige ». Dans le premier exemple d&desque, la base arrière des duergars, il est logique, du point de vue de votre histoire, que les bonshommes soient nombreux (c’est une base) et que l’entrée soit bien gardée (il y a leurs chefs et leur trésor à l’intérieur). Certains répondront « oui mais si je suis les tableaux du Xanathar’s guide to everything, mon groupe de PJ de niveau 2, s’il y a plus de deux duergars, ils risquent de ne pas pouvoir gagner le combat ». Fuck it. Vous allez faire quoi ? Mettre deux duergars pour garder la base et puis séparer tous les duergars à l’intérieur en groupes de deux ? Sérieusement, l’histoire dicte clairement que ça n’aurait aucun sens. Alors suivez l’histoire. Vos PJ risquent de mourir en cas de combat ? C’est peut-être que la solution n’est pas de péter la gueule à chaque bonhomme dans la base… Répétez après moi : « L’histoire d’abord ! » Les rencontres équilibrées, c’est tellement années 2000…

Bon, vous savez maintenant quel adversaire s’opposera aux PJ, et combien il y en aura. Il est temps de penser aux tactiques que les adversaires vont employer. Pour se faire, il faut se plonger dans les caracs de cet adversaire. Reprenons nos duergars. Leur alignement est loyal mauvais. Ce qui veut dire que ce sont des créatures organisées qui ont suffisamment d’intelligence (11) et de discipline pour mettre en places des défenses efficaces. Ils sont fidèles les uns aux autres et à leurs chefs, il ne quitteront donc pas facilement leur poste. Ils peuvent tous devenir invisibles. Il est donc probable que si vous voyez deux gardes, il y en ait trois autres bien planqués. Au moment où vous apercevez les gardes, il est même probable que vous soyez déjà suivis depuis un moment. Une fois le combat engagé, ils utiliseront leur capacité d’agrandissement pour augmenter leurs dégâts, c’est évident.

Si on imagine la tactique des goules, on a quelque chose de bien différent. D’alignement chaotique mauvais et d’une intelligence limitée (7), il y a peu de chances pour qu’elles aient mis en place des sentinelles. Et si l’une d’elle a accepté de tenir ce poste, elle a sans doute foutu le camp depuis longtemps. La tactique des goules ressemblera certainement plus à celle d’une horde affamée qu’à un groupe organisé.

Si vous jouez le même jeu avec les templiers, l’obédience locale ne disposera que de moyens profanes, n’aura probablement pas accès à de l’orichalque et ne connaîtrons les homoncules que par des rumeurs. Par contre les manteaux rouges auront sans doute au moins une arme contenant de l’orichalque, et le chevalier-mage de l’obédience aura sans doute un homoncule et accès à de nombreux sorts. Ils sauront certainement ce que peut leur faire un Nephilim et seront préparés en conséquence. Forcément deux combats très différents.

En résumé, votre histoire vous dicte quel monstre combattra et combien ils seront. Il faut ensuite se plonger dans les caractéristiques du monstre pour imaginer la tactique probable et vraisemblable qu’un tel monstre utilisera.

Pourquoi combattent-ils ?

La voilà la question centrale ! Si un combat se déclenche contre les PJ, pourquoi les ennemis vont-ils combattre ? Quel est leur but ? Que vont-ils faire pour atteindre ce but ? Quelle sera leur stratégie ?

Continuons avec nos duergars. Imaginons que le premier combat se déroule face aux gardes qui gardent la porte (et que vos persos sont plus que niveau 2, sinon ça ne sert à rien de sortir les règles de combat…) Pourquoi combattent-ils ? Pour empêcher les intrus d’entrer, certes. Pour tuer les PJ. OK, mais encore ? Pour sonner l’alerte évidemment ! C’est ça le rôle d’une sentinelle : repérer les intrus, sonner l’alarme et gagner assez de temps pour que les renforts arrivent, que les défenses aient le temps de se mettre en place ou, si l’opposition semble trop forte, organiser l’évacuation. Si un duergar a le choix entre lancer un javelot ou sonner l’alarme, en gardant leur raison de se battre en tête, votre décision sera évidente.

gouleReprenons nos goules. Il n’y avait pas de sentinelle, les PJ sont entrés dans la grotte, où ils finissent par tomber sur un premier groupe de ces sales bestioles anthropophages. Pourquoi se bat une goule ? pour sauver sa vie et … bouffer ! En gardant cela à l’esprit, vous pourrez donner une stratégie cohérente à ces goules. Imaginez : le combat fait rage et une goule blesse un PJ avec ses griffes. Le malheureux est paralysé. Moi, si j’étais cette goule et que mes deux objectifs étaient « rester en vie » et « manger, manger, manger », je profiterais du chaos pour tirer le corps paralysé à l’écart et commencer à le béqueter. Oui c’est sans doute très dangereux pour le personnage paralysé (un coup critique à chaque round), mais c’est cohérent avec le monstre et ses objectifs. Je trouverais ridicule qu’une goule qui parvient à paralyser un ennemi le laisse là et s’attaque à un autre. À moins que quelque chose ou quelqu’un d’autre ne dicte les actions de la goule, auquel cas c’est une autre histoire, et la réponse à la question « pourquoi combat la goule ? » sera différente.

Bref, savoir pourquoi votre groupe de monstres combat vous permet de prendre des décisions logiques par rapport à cet objectif, ce qui rend le combat plus vraisemblable. Mais pour cela, il faut répondre à la question avant le combat, pour être certain que dès l’action lancée, vous sachiez quoi faire avec vos monstres.

Où se battent-ils ?

Le champ de bataille est tout sauf un détail cosmétique. Il pourra donner un ton et une ambiance unique au combat.

Rien de pire qu’une bataille statique. Le terrain est un bon moyen de « gérer le trafic », de pousser les PJ et les monstres à bouger. Murs, meurtrières, ruisseaux, éboulements, assommoirs, goulots d’étranglement, passage serrés, lieux vastes et ouverts, tous ces éléments font que certaines zones du champ de bataille sont plus intéressantes, tactiquement, que d’autres. N’oubliez pas non plus de placer des objets mobiles dans le décor. Des tonneaux, un lustre, du mobilier, etc. Bref, des tas de choses qui peuvent exciter la créativité et donner des actions un peu différentes de la routine attaque/dégâts. Balancer un tonnelet de bière dans l’escalier, basculer une table pour se cacher derrière, tout ce qui ferait un bon combat au cinéma fera aussi un bon combat à votre table. Tout ça est difficile à improviser sur le moment, c’est pourquoi il est important d’y penser en amont.

Quand vous réfléchissez à votre champ de bataille, d’autres sous questions sont importantes :

  • Les distances. Combien de rounds seront nécessaires aux combattants pour arriver au contact de leurs adversaires ? Que risquent-ils en chemin (dangers dus au terrain, se faire allumer à distance par des archers ou des magiciens) ?
  • La position de départ. Au début du combat, les PJ dont-ils en position de force ou de faiblesse ? S’ils sont dans une zone surélevée, protégée par des murets, ils seront avantagés. S’ils sont au contraire dénués de toute couverture et très visibles pour leurs ennemis, ils seront mal embarqués. Toute autre chose étant égale (mêmes monstres, mêmes raisons de se battre), la position de départ donnera des combats très différents, et leur donnera un ton, un cachet, une ambiance dont vos joueurs se souviendront.
  • Les réactions des ennemis aux tactiques des PJ. Les bons combats sont aussi ceux qui forcent les joueurs à faire des choix. S’ils se contentent de leur routine habituelle « déplacement, capacité A, attaque, sort B », ce sera vite ennuyeux. Forcez-les à choisir un plan B, à sortir de leurs habitudes, à être créatifs avec leurs sorts. Après trois combats pendant lequel le mage aura lancé métamorphose pour se transformer en gorille géant, il s’en lassera. Mais tant que cette tactique est la meilleure, pourquoi en changerait-il ? Essayez de penser à des éléments qui feront que la prochaine fois, le gorille ne sera pas le bon choix, voire que la métamorphose ne sera pas un choix idéal. Alors minute papillon : je ne suis pas en train de dire que vous devez faire le tour de la feuille de perso de vos joueurs pour trouver un contre à chacune de leurs capacités. Je vous dis de trouver des éléments dans le combat qui forceront les joueurs, n’importe quel joueur et personnage qui jouerait cette scène, à être créatif.

Les réponses à toutes ces questions vous permettront de typer une bataille. Pensez-vous que vos joueurs se souviendront plutôt « du combat contre les orcs dans l’auberge » ou plutôt « du combat contre les orcs, quand ils nous ont surpris dans l’auberge et que des archers étaient planqués sur les mezzanines et puis que j’ai mis le feu au bâtiment en renversant la lampe à pétrole » ?

Conclusion

En répondant aux trois question qui, pourquoi et où, vous avez un outil qui vous permettra, une fois autour de la table, d’obtenir des batailles plus tendues. Attention, tout ceci tombera à plat si vous oubliez toutes les techniques de MJ pour rendre un combat vivant. Les trois questions vous donnent de meilleures chances, mais la seule vérité est celle de la table…

 

 


Trois trucs simples pour donner vie à votre monde

Nombre de scénarios se déroulent dans des univers imaginaires. Univers qu’il faut transmettre aux joueurs et qu’il faut rendre, sinon réalistes, au moins vraisemblables. Les rendre « vivants » pour qu’ils ne soient pas un simple décor en carton-pâte. Ce n’est pas toujours simple. D’autant que le MJ a déjà tellement de choses à faire que c’est facile d’oublier de donner vie à l’univers. Alors voici trois trucs très simples à mettre en place.

1. Les PNJ posent des questions

gnollOn a l’habitude de transmettre des informations par la bouche des PNJ. Mais on le fait souvent à la forme affirmative : « des gnolls attaquent des convois commerciaux sur la route du nord ». Or, dans un univers médiéval-fantastique, les PNJ lambda, les villageois, les gardes d’une ville, l’aubergiste et ses clients, etc. n’ont pas accès à Twitter pour obtenir des informations de contrées lointaines. Pour cela, ils s’en remettent aux voyageurs, et particulièrement aux aventuriers. Ça leur donne une motivation toute faite pour adresser la parole à votre groupe : ils veulent avoir des nouvelles des contrées qu’ils ont traversées, des villes où ils ont fait étape, etc. Vous pouvez donc facilement transmettre des informations aux joueurs en leur posant des questions : « qu’en est-il des attaques de gnolls sur la route du nord ? Le Prince Aberon a-t-il réglé le problème ? J’ai entendu qu’il avait été blessé ». Bang, trois infos en une : des gnolls attaquent des convois, il y a un Prince qui s’appelle Aberon, et en plus il est blessé. Ça n’a peut-être aucun rapport avec votre campagne (ou peut-être que si), mais votre monde n’en paraît que plus vrai, plus vivant. Si les quelques PNJ que votre groupe rencontre font de même, vous pourrez glisser pas mal d’infos aux joueurs. Certaines d’entre elles pourront avoir un lien avec la suite de l’histoire, les autres n’étant là que pour faire vivre le décor. Dans une campagne de type bac à sable, ça peut même titiller la curiosité des joueurs qui décideront que ce bon Prince Aberon doit avoir besoin d’aide pour chasser les gnolls…

2. Les rencontres aléatoires au futur antérieur (titre pas génial)

Les rencontres aléatoires sont un bon outil pour rendre le monde vivant. Elles font passer l’information que le monde est dangereux, elles donnent des pistes sur le type d’environnement que le groupe traverse, etc. Mais rien ne vous oblige à décider que parce que la table de rencontre mentionne un monstre, un groupe de tels monstres approche. Les PJ peuvent découvrir des traces, les restes d’un bivouac, les stigmates d’un combat précédent, etc. Ainsi, en vous économisant un combat, vous faites tout de même passer l’information. Imaginez, vos PJ progressent dans un région infestée de gnolls. La table des rencontres pourrait d’abord indiquer des hyènes puis une patrouille de gnolls. Puis une seconde. Et tant qu’on y est une troisième. Ça nous fait quatre combats. Même si vous êtes une bête pour faire des combats excitants, ça risque tout de même d’être répétitif. Décidez simplement que les PJ tombent sur les restes d’un repas, un chariot renversé et les carcasses des commerçants becquetées par des dents aiguisées donnent la même information, sans devoir encore perdre 40 minutes dans un combat qui ne fait pas avancer l’histoire.

3. Arrêtez les rencontres équilibrées

Les rencontres équilibrées, c’est tellement années 2000. Comment voulez-vous que vos joueurs trouvent votre monde vraisemblable si à chaque combat ils savent que statistiquement, sauf incident, malchance ou bêtise crasse, ils s’en sortiront en ayant du batailler, certes, mais sans grand mal. Après combien de combats vont-ils commencer à se dire « on peut y aller, de toute façon le MJ fait en sorte que la rencontre soit équilibrée ». Pensez plutôt votre rencontre comme quelque chose qui est logique, au sens de l’histoire. Si c’est normal qu’il y ait 45 gnolls dans l’antre principal du clan, alors qu’avec leur niveau, ils ne pourraient en affronter qu’une dizaine, ainsi soit-il. Cela forcera les joueurs a évaluer leurs options, à bien réfléchir avant de foncer dans le tas, et à trouver une autre tactique (faire diversion, attendre que les guerriers partent pour un pillage, etc.)

Ça marche dans l’autre sens aussi. S’il est vraisemblable que, puisque tous les gnolls sont partis à la bataille, il n’en reste que deux pour surveiller leur antre, alors qu’il en soit ainsi. Le combat sera facile, expédié en un round sans doute, mais votre monde en paraîtra plus vraisemblable. Et puis ça ne fait pas de mal aux joueurs de parfois se sentir puissants. Avec des rencontres équilibrées, ils deviennent plus fort en montant de niveau, mais la difficulté des rencontres augmentant en parallèle, le sentiment de puissance est atténué.

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Voilà trois trucs simples pour rendre un monde plus vivant. N’hésitez pas à partager si vous en avez d’autres…


Les 10 commandements des combats vitaminés

tavern brawlC’est un problème fréquent dans les combats : on se concentre sur les règles, la technique prend le pas sur l’imaginaire, et la tension dramatique en souffre. Si nous avons déjà parlé de l’importance des enjeux dans un combat, d’autres astuces peuvent nous aider à rendre les affrontements plus stressants. Voici les 10 commandements du MJ pour dynamiser les bastons et rendre les choses plus excitantes. L’article est orienté D&D, mais vous pourriez en retirer quelque chose pour tous les jeux.

1 : les dés à la vue de tous tu lanceras

Les joueurs font quelques mauvais jets, quelques mauvais choix tactiques, et vous voilà obligé de tricher derrière votre écran pour ne pas massacrer tout le monde. OK, ça peut marcher une fois. Mais les joueurs, s’ils sont un tant soit peu attentifs, vont bien finir par se rendre compte que dès que les trois quarts des personnages n’ont plus qu’une poignée de points de vie, comme par magie les adversaires ratent beaucoup plus d’attaques.

La parade est simple: lancez les dés devant tout le monde. À chaque combat.

Quelques précautions. D’abord, informez vos joueurs que vous allez changer de façon de faire. Il ne faudrait pas qu’ils soient surpris. Expliquez-leur aussi pourquoi vous le faites, et les conséquences que ça pourrait avoir sur la longévité de leur personnage. Commencez par un combat plutôt facile pour éviter de prendre vos joueurs par surprise. En effet, s’ils se sentent en danger parce que vous ne pourrez plus tricher, il leur faudra être plus attentifs à leur tactique. Pour certains ce sera immédiat, pour d’autres il leur faudra un temps d’adaptation, alors autant commencer par un combat où leurs erreurs ne se payent pas cash. Mais ensuite, lâchez-vous. Vous vous rendrez compte que les joueurs seront soudainement très impliqués et victimes de sueurs froides quand vous saisirez votre d20 pour effectuer une attaque sur leur personnage qui n’a plus que 10 points de vie.

2 : Vite, tu joueras

Image associéeC’est un combat. Une scène d’action. On s’échange des coups d’épée, les boules de feu explosent, les lances se brisent sur les boucliers, les cris retentissent, on souffre, on est bourré d’adrénaline, on veut la peau de son adversaire… Mais souvent le combat est aussi vif qu’un tour de jeu au Monopoly. On réfléchit 30 secondes pour savoir comment chaque orc va se déplacer, on bouge les figurines en comptant méticuleusement pour éviter de se tromper, et puis on passe à la phase d’attaque.

Stop, arrêtez ! C’est un combat qu’on vous dit.  Jouez vite ! Tant pis si votre orc ne fait pas le choix tactique le plus adéquat, tant pis s’il a bougé de cinq cases au lieu de six (ou même sept, et si un joueur vous le reproche, dites-lui qu’on s’en fout et tapez sur son perso en premier), tant pis si votre motif hypnotique n’englobe que trois adversaires alors qu’il y avait moyen d’en choper quatre. Après tout, vous imaginez le magicien avec sa chaîne d’arpenteur qui mesure au centimètre près pour s’assurer que son sort est placé de manière optimale ? Faut que ça gicle, quoi, allez, hop hop hop et au suivant.

3 : Vite, tes joueurs joueront

Corolaire au point précédent, exigez de vos joueurs qu’ils jouent vite. Certains sont eux aussi particulièrement méticuleux. Poussez-les pour qu’ils accélèrent. La première chose à leur inculquer c’est qu’ils réfléchissent à leurs options pendant le tour des autres. S’ils veulent lancer un sort ou utiliser une capacité, qu’ils vérifient leur feuille de perso, passent leurs options en revue et compulsent le bouquin de règles pendant que les autres jouent. Certains MJ utilisent un sablier ou comptent tout haut pour forcer les joueurs à agir vite. Pourquoi pas ? Certains joueurs vont trouver ça abusif, à vous de voir ce qui peut fonctionner sans ruiner la bonne ambiance à table. Et puis ne soyez pas un emmerdeur : ne chicanez pas pour un mètre de déplacement…

4 : Avec panache tu agiras

On compte les cases de déplacements et on annonce platement « 3 gobelins attaquent Agarorn, 2 attaquent Pinpipin, et Robomir et Drofon subissent chacun une attaque ». Putain, on s’emmeeeeeerde ! Allez, quoi, un petit effort ! Ça vous coûte quoi que des gobelins prennent de l’élan, s’accrochent à des branches basses et passent au-dessus de la tête de Robomir et Drofon pour complètement encercler Agarorn ? Faites-leur faire un test d’acrobatie (devant tout le monde). Ceux qui réussissent vont faire flipper le joueur d’Agarorn, ceux qui se vautrent sont parfaitement dans le ton des gobelins : impétueux, vicieux, mais un peu maladroits et drôles.

Ici aussi ça marche dans les deux sens, mais ça fonctionne en général tout seul : si vous faites des actions comme ça avec vos PNJ, vos joueurs se sentent encouragés eux aussi à se la jouer cinématique. Tout bénèf pour tout le monde… Sauf que ça ne marque que si vous appliquez le point 5 (et ça tombe bien, c’est le suivant).

5 : Au décor de l’attention tu apporteras

Pour que les gobelins s’accrochent aux branches, il faut des branches. C’est con, mais si votre décor ne comprend aucun élément intéressant, comment voulez-vous vous en servir ? Et comment voulez-vous que les joueurs se les approprient à leur tour ? Même une forêt ça se décrit : il y a des grands arbres, des petits, des ruisseaux, des flaques de boue, des zones bourrées de champignons qui dégagent des spores toxiques, une liane chasseresse qui n’attend qu’un malchanceux pour le choper à la gorge, un ancien dolmen instable, etc. Certains endroits rendent les déplacements difficiles. D’autres permettent d’obtenir un avantage. Un bon décor offre des possibilités à tout le monde de rendre la scène plus épique. Il permet d’éviter la routine « jet d’attaque, jet de dégâts, au suivant » tellement chiante autour d’une table. Imaginez : le magicien contrôle le champ de bataille en forçant les ennemis à traverser le ruisseau ou à s’embourber, c’est bien plus intéressant qu’un projectile magique, non ?

Le décor c’est aussi la luminosité, la pluie, le vent, un son étrange, un détail épique, une odeur (dés)agréable, etc.

N’hésitez pas à chercher une image ou l’autre sur Google ou Pinterest pour vous inspirer. Imaginez le bordel d’un combat dans la forêt ci-dessous. Plus intéressant qu’une zone vide, non ?

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6 : Les risques, tu récompenseras

Vous avez fait bondir vos gobelins et vos joueurs prennent la balle au bond et fond des actions héroïques. Génial ! Alors surtout, surtout, ne leur coupez pas l’herbe sous le pied. Récompensez-les. Le roublard réussit son jet d’acrobatie pour s’accrocher au lustre et retomber juste devant Zara la borgne ? Génial, il pourra l’attaquer avec l’avantage. Il a échoué ? Boum, il tombe face contre la table (ne soyez pas mesquin en imposant des dommages de chute). Soyez fair-play : le test d’acrobatie, donnez-lui une difficulté de 10 ou 12, Le joueur saura qu’il a  beaucoup de chances d’y arriver. Annoncez les conséquences avant le jet « si tu réussis tu auras l’avantage, sinon c’est elle qui l’aura ». 75% de chances d’avoir l’avantage à sa prochaine attaque contre sa Némésis, n’importe quel joueur qui vient à la table pour vivre le grand frisson devrait accepter. Sinon, tapez sur son perso en priorité, ça le fera frissonner quand même…

Les règles de l’avantage et de l’inspiration sont des outils parfaits, malheureusement trop peu utilisés, pour récompenser les joueurs qui osent. Si vous trouvez que ce n’est pas réaliste, que ça favorise les joueurs, c’est que vous pensez à l’envers. D’abord, sérieusement, vous croyez que les combats dans D&D sont réalistes ? Jamais de la vie ! Les règles sont un outil pour que tout le monde s’amuse et vive des histoires héroïques. Un grand sage a dit un jour : les règles sont là pour qu’on fasse semblant d’être des elfes et que ça paraisse cool. Et puis ça favorise les joueurs ? Peut-être. Mais d’abord, vos PNJ aussi peuvent gagner des avantages grâce à des actions osées. Ensuite, si vos joueurs sont avantagés, le combat sera plus vite terminé, et vous pourrez passer à autre chose plus rapidement. Il vaut mieux deux combats courts et épiques qu’un seul où est excité comme pendant un épisode de Derrick. Et puis, voyez le point suivant…

7 : Des coups tordus tu joueras

Vous connaissez Dungeon World ? Si ce n’est pas le cas, vous devriez. Les jeux Powered by the apocalypse, même si vous n’y jouez pas, sont une mine immense de trucs pour les MJ des jeux plus traditionnels. Bref, dans Dungeon World, le MJ peut faire des actions clémentes et des actions méchantes (le terme hard move en anglais est peut-être plus parlant). Le MJ joue une action méchante quand les joueurs lui donnent une opportunité en or ou quand ils ratent complètement un jet. Rien n’empêche de faire pareil à votre table. Ici aussi les joueurs vous donnent parfois des opportunités à saisir. On a tous l’exemple en tête du groupe qui est bien aligné face à un magicien avec un sort d’éclair. Mais on peut en trouver des dizaines d’exemples. Lors de vos combats, saisissez ces opportunités pour faire mal aux joueurs. Dans un combat, chaque choix stupide doit être suivi d’une réponse violente. Le mot important ici est « stupide ». Il ne faut y aller franchement que si ça paraît évident et vraisemblable.

Et puis il y a tous ces jets de dé. Chaque gros raté à un jet de compétence peut être suivi d’une réponse plus méchante que d’habitude. Le barde rate son jet de perception en faisant 1 sur son dé ? Non seulement il ne repère pas les adversaires cachés, mais surtout, il y a des adversaires cachés (alors qu’à la base vous prévoyiez simplement de dire qu’il n’y avait rien à repérer dans ce coin sombre). Le guerrier tente de contourner le camp des gnolls en passant par les arbres mais il foire complètement son jet d’escalade ? Non seulement il tombe, mais en plus il tombe au beau milieu du camp, directement encerclé par des adversaires en nombre.

Et voilà, avec une ou deux actions méchantes dans votre combat, vous avez un truc épique, surprenant, dangereux, trépident. N’abusez pas cependant. Mettez les personnages dans la merde pour qu’ils puissent s’en sortir avec classe. Ne les tuez pas par plaisir. Et si votre combat est déjà excitant sans ça, inutile d’en rajouter. Les actions méchantes sont utiles quand la partie est un peu plate et que vous avez l’impression qu’elle manque un peu de piment.

8 : Tes monstres tu prépareras

Chaque adversaire a un score d’intelligence et de sagesse. Outre leur aspect technique, ils sont aussi des indices sur la manière de les jouer en combat. Votre dragon, avec ses scores de 18 et 15, choisira toujours la meilleure option, sera assez sage pour ne pas prendre de risques inutiles et pourra envisager un repli stratégique (le fait que son souffle ne se recharge que lentement, il le sait. Alors pourquoi ne pas filer dans les nuages une petite minute le temps que ça revienne ?) Du coup, vous pouvez faire une petite entorse au point 2 et prendre un peu plus de temps pour bien jouer votre dragon. À l’inverse, votre horde de gnolls avec des scores de 6 et 10 sera brutale, violente, mais ne prendra pas le temps de juger de la situation. Les gnolls fonceront tête baissée et ne comprendront leur erreur que trop tard. Avec des scores pareils, à moins d’être menés par un leader un peu plus futé, les gnolls ne feront pas de tactique alambiquée pour aller tuer le magicien ou le prêtre d’abord. Ce sont des sauvages sanguinaires, ils veulent tuer vite, et donc choisissent l’adversaire le plus proche. Ils compensent leur manque d’intelligence par leur nombre et leur férocité. Un combat contre des gnolls n’est pas un combat contre des gobelins ou des hobgobelins. S’il y a tant de monstres dans le bestiaire, c’est que ça sert à quelque chose…

Résultat de recherche d'images pour "wererat"Il y a aussi le texte que les auteurs qui ont écrit le bestiaire aimeraient que vous lisiez. C’est aussi forcément utile, sinon on n’aurait mis que les caractéristiques techniques. J’en prends un au hasard dans le bestiaire de Héros & Dragons et je lis que « les rats-garous vivent en communauté sous certaines grandes cités […]. Plus faibles que les autres lycanthropes, plus peureux aussi, ils évitent autant que possible toute confrontation avec les habitants de la surface. Discrets et rusés, […] ils n’hésitent pas à se débarrasser d’un des leurs s’il leur semble mettre le groupe en péril. » Vous avez là plein d’indices (les mots en gras) pour guider votre manière de mener un combat contre des rats-garous. Il y a peu de chances d’en rencontrer un seul. Ils seront forcément cachés et tenteront de fuir. S’ils sont obligés de se battre, ils ne fonceront pas dans le tas mais feront des coups fourrés. Et le sacrifice d’un des leurs pour fuir est une bonne fin pour cette scène de combat humide et malodorante.

Bien sûr il ne faut pas négliger les capacités techniques du monstre. Prenons l’emblématique gobelin. Il a une seule capacité qui lui permet de se désengager ou de se cacher pour une action bonus à chaque tour. Si vous avez un roublard de niveau 2 ou plus dans votre groupe, vous avez constaté qu’il utilise sa capacité de ruse, similaire à celle du gobelin, dès qu’il le peut. Et vous croyez que les gobelins vont s’en priver ? Les gobelins vont se déplacer tout le temps, attaquer, se désengager, se planquer, tourner autour des ennemis, fuir, revenir, etc. Cette capacité unique est ce qui va guider votre manière de mener le combat. C’est un atout majeur de D&D 5 dont beaucoup de monstres ont une capacité unique qui vous permet de typer un combat. D’autres exemples ? Les hobgobelins et les kobolds attaqueront toujours à plusieurs sur une même cible, le minotaure fera en sorte d’être capable de charger, un groupe d’orcs fonce le plus vite possible au contact, les sahuagins s’acharnent sur les blessés, un ettercap attaquera depuis le plafond, etc.

9 : Un timer tu utiliseras

Le fameux compte à rebours. Un nombre de rounds après lequel quelque chose va se passer. Les monstres vont obtenir du renfort. Ou, au contraire, ils vont fuir. Le piège va se déclencher. La lumière va s’éteindre. L’air viendra à  manquer. la porte qui retient le monstre trop puissant pour les PJ va céder. Bref, on en parle plus longuement dans l’article sur Index Card RPG, alors rendez-vous là-bas. Point important : mettez ce timer à la vue de tous les joueurs !

10 : Les dégâts moyens tu utiliseras

Tous les monstres de D&D5 ont un score moyen de dégâts pour leurs attaques. Ce n’est pas (non plus) pour décorer. Dans la perspective de jouer vite, c’est un outil intéressant. Quelques arguments pour aller à l’encontre de la phrase qui commence par « oui mais » qui vient de vous traverser l’esprit:

Tout le monde s’en fout. Les joueurs aiment bien avoir un peu de variété dans leurs dégâts, mais ils s’en foutent de savoir si votre monstre a fait beaucoup ou peu sur son jet de dégâts. De toute façon statistiquement tout va plus ou moins s’égaliser au fil des rounds.

C’est plus rapide. En tant que MJ, vous avez assez de choses à faire (notamment appliquer les neuf commandements qui précèdent). Faire l’économie des jets de dégâts (ça peut faire beaucoup de jets) est un cadeau que vous fait D&D 5. Qui refuse un cadeau ?

C’est moins dangereux à bas niveau. Voici le grand retour du gobelin, souvent utilisé contre des persos de niveau 1. Dégâts 5 (1d6+2). Avec les 5 dégâts moyens, tous les persos niveau 1 survivent. Avec un peu de bol au dé, vous faites 8. Bravo, vous venez de tuer le magicien du premier coup…

Ça rend les critiques plus sympas. Si quand vous obtenez un critique vous lancez les dés, ça rend chacun de ces coups bien plus stressants. Lancez simplement le dé mentionné et ajoutez la moyenne, ça vous évitera de couper quelqu’un en deux tout en gardant le stress du critique. Pour le gobelin, 1d6+5 plutôt que 2d6+2 par exemple.

C’est la règle. Argument marteau pour les psychorigides des règles : c’est le score moyen qui est donné et les dés qui sont entre parenthèses. La règle de base, c’est donc le score moyen.

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Et vous, avez-vous des techniques pour vitaminer vos batailles ? Partagez !


Les 22 règles du jeu de rôle selon Pixar (Épisode I)

OK, le titre est une entourloupe. Les studios Pixar ne se lancent pas dans le jdr. Par contre, Emma Coats, scénariste du studio, a tweeté il y a quelques années une liste de 22 règles pour raconter une bonne histoire qu’elle a apprises chez Pixar. Des règles que nous pouvons aisément détourner pour en faire des conseils utiles lorsque nous écrivons, préparons ou menons un scénario…

Les 22 règles, en anglais, sont trouvables ici et vous trouverez une traduction ici.

Commençons avec les 11 premières règles pour éviter l’article marathon.

Règle n°1 – On admire davantage un personnage pour ses tentatives que pour ses succès.

Traduction jdr : arrêtez d’être un MJ trop gentil et faites échouer les PJ. Quelle plus grande satisfaction pour un joueur que de voir son perso dans la merde jusqu’à la noyade, blessé, brisé, ruiné, réussir de justesse une mission ou une quête qui semblait perdue d’avance. À vaincre sans péril, blablabla, c’est très vrai dans une histoire. Si les persos réussissent toujours tout, la partie manquera de piment. Dés héros qui souffrent pour triompher, c’est ça une bonne histoire !

Règle n°2 – Gardez en tête ce qui intéresse le spectateur, pas ce qui est amusant à écrire. Deux choses très différentes.

Eh oui MJ et auteur de scénario, tu es là au service de tes joueurs. Tu amènes une proposition ludique, et ils vivent une grande aventure grâce à toi. Ils sont à la fois spectateurs et acteurs, et c’est pour eux en priorité que l’histoire doit être intéressante. Si le scénario n’est amusant que pour le MJ, il rate son objectif…

Règle n°3 – Essayer de mettre un thème est important, mais vous ne saurez pas de quoi parle l’histoire avant de l’avoir terminée. Maintenant réécrivez.

Deux choses ici. Quand vous écrivez un scénario, choisir un thème est effectivement important. Ça apporte un plus indéniable même si le thème ne passe que de manière subtile aux joueurs. Mais comme un scénariste de cinéma, il est possible qu’à la fin, votre scénario ait pris une direction inattendue. À ce moment-là, vous pouvez essayer de réécrire en y glissant plus d’éléments du thème, ou bien carrément changer de thème. Tant que vous ne jouez pas le scénario (ou que vous le publiez pas), vous pouvez tout changer, c’est pas grave.

Et pendant la partie, parfois, les joueurs ne voient rien de votre thème. Vous avez confectionné un truc aux petits oignons mais ces imbéciles de joueurs ne captent rien. Tant pis. Si pour combler ça vous insérez trop d’éléments liés à votre thème, ça aura un goût d’artificiel. Apprenez à vous dire « tant pis ».

Règle n°4 – Il était une fois _____. Tous les jours, _____. Un jour, _____. Suite à cela, _____. Jusqu’à ce que finalement _____.

Remplissez les blancs, vous avez votre prochaine prémisse de scénario. Pour du jeu de rôle, les personnage interviennent généralement pour éviter ce « finalement ».

Un exemple ? Il était une fois la liche Acererak. Tous les jours Acererak complotait aux quatre coins de l’univers pour créer de nouveaux dieux maléfiques. Un jour, il découvrit un artefact qui aspirait l’âme de tous ceux qui mourraient. Suite à cela, plus personne ne pouvait être ramené à la vie et ceux qui l’avaient été dans le passé dépérissaient. Jusqu’à ce que finalement suffisamment d’âmes soient aspirées pour créer un nouveau dieu de la mort. Oh, mince, je viens d’écrire Tomb of Annihilation !

Règle n°5 – Simplifiez. Allez à l’essentiel. Combinez les personnages. Évitez les détours. Vous penserez passer à côté de choses essentielles mais ça vous libérera.

En gros, ne faites pas trop compliqué. Votre intrigue impliquant neuf factions et 49 PNJ vous paraît totalement géniale. Comment allez vous transmettre cette masse d’information à vos joueurs ? Quel pourcentage (minime) retiendront-ils ? Simplifiez. De toute façon, les joueurs ont l’art de compliquer ce qui paraît simple.

Règle n°6 – En quoi votre personnage est-il doué ? Quelle est sa zone de confort ? Balancez-lui exactement l’opposé. Défiez-le. Comment s’en sort-il ?

On pourrait traduire ça en jeu de rôle par : foutez les PJ dans la merde, faites en sorte que ce soit difficile. C’est la manière dont les joueurs vont aborder la chose, les solutions qu’ils vont imaginer qui va rendre la partie intéressante. Le coup du « balancez l’opposé du point fort » est à prendre avec des pincettes en jdr. Une fois ou deux ça va, mais si vous faites ça systématiquement, vos joueurs auront surtout l’impression que vous les piégez.

Règle n°7 – Écrivez votre fin avant le milieu. Sérieusement. Trouver une bonne fin, c’est difficile, faites en sorte que la vôtre fonctionne très tôt dans le processus.

Surtout valable si vous écrivez un scénario. Commencez par la situation de départ, la fin, et puis ce sera plus simple de déterminer les étapes qui mènent de l’une vers l’autre. On pourrait croire que ça ne marche qu’avec du jeu de rôle « vanille », mais quand on y pense, lorsque l’on prépare ses fronts et leur destin funeste pour un jeu powered by the apocalypse, on ne fait rien d’autre que penser à la fin avant de s’intéresser au milieu.

Règle n°8 – Finissez votre histoire, même si elle n’est pas parfaite, lâchez prise. Dans un monde idéal vous auriez les deux, mais quoi qu’il en soit, avancez. Vous ferez mieux la prochaine fois.

C’est comme pour tout projet. À un moment donné il faut se dire qu’on a terminé. Si vous passez des milliers d’heures à peaufiner votre scénar, non seulement vous ne jouerez jamais, mais en plus vous risquez une énorme frustration quand vos joueurs vont mettre leur nez dans votre chef d’œuvre et tout foutre en l’air.

Règle n°9 – Si vous êtes coincés, faites une liste de ce qui ne devrait pas arriver ensuite. La plupart de temps, les éléments dont vous avez besoin pour passer outre le blocage vont apparaître.

Le conseil vaut pour l’écriture d’un scénario, mais aussi pendant la partie. Si vous êtes à cours d’idée, que tout ce qui vous vient en tête pour relancer la partie vous paraît inintéressant, faites une pause et posez-vous la question de ce qui ne doit pas arriver. Ça devrait vous aider à trouver l’idée qu’il vous faut.

Règle n°10 – Décortiquez les histoires que vous aimez. Ce que vous y appréciez fait partie de vous. Il faut les identifier avant de pouvoir les réutiliser.

Lisez des scénarios et jouez. Beaucoup. Chaque fois qu’un truc fait tilt, essayez d’analyser pourquoi ça vous plaît. Une fois que vous aurez mis le doigt dessus, vous pourrez le digérer et le réutiliser dans vos propres parties. Stephen King dit que si vous n’avez pas le temps de lire, vous n’avez le temps d’écrire, ni les moyens d’y arriver. C’est pareil en jdr. Si vous ne prenez pas le temps de jouer et de lire des scénarios, vous n’aurez jamais assez de matos pour écrire vous même ou pour improviser pendant vos parties.

Règle n°11 – Mettre votre histoire sur papier vous permet de commencer à travailler dessus. Une idée parfaite, tant qu’elle reste dans votre tête, vous ne la partagez avec personne.

Lancez-vous ! Le but d’un scénario de jeu de rôle est d’être joué. Alors écrivez-le. Pas besoin de vous lancer dans la rédaction au propre, mais vous pouvez faire une mind map, coller des mots-clés sur des post-it, gribouiller des bouts de phrase sur un coin de table. Bref, sortez cette idée géniale de votre tête et bossez dessus. Ça vous permettra vite de savoir si l’idée tiens un minimum la route, de découvrir les trous et les incohérences, de régler tout ça et de terminer avec un scénario jouable.

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Voilà, arrêtons-nous là pour aujourd’hui. Si vous utilisez ou interprétez les règles de Pixar, ou si vous en connaissez d’autres dans le même style, n’hésitez pas à commenter !

 

 


Index Card RPG – Un bijou à découvrir

Index card rpgIl y a des jeux qui ne font rien pour que vous y jetiez un œil : ils ont un titre à chier (non, sérieux, « Index Card RPG » donne l’impression que c’est un jeu où l’on incarne des cartes de visite) et, de loin, ils ressemblent à la foultitude de clones de D&D qu’on trouve sur le net. Et pourtant, outre qu’il est un bon jeu, ce petit ovni qu’est ICRPG regorge de bonnes idées que l’on peut piller pour toutes nos parties. L’auteur nous y encourage, même, alors pourquoi se priver ?

Index Card RPG en deux mots

C’est donc, au premier regard, un clone de D&D. Six caractéristiques qui donnent un bonus au d20 que vous lancez pour atteindre une difficulté. Jusque là, rien de neuf. Votre personnage a une classe, du genre archer, prêtre ou mage, toujours rien de neuf. Mais la comparaison s’arrête là. Impossible de faire le tour de tout ce qui caractérise ce jeu, je vous encourage à la lire pour ce faire (16 $ sur Drivethrough, mais il existe un quickstart gratuit pour vous faire une idée). Par contre, attardons-nous sur quelques petits trucs qui peuvent être réutilisés dans d’autres jeux.

Le jet d’effort

On connait tous ça : en combat, je lance le dé pour attaquer, et si je touche, je lance mes dés de dégâts pour voir combien de points de vie perd mon adversaire. Quand j’aurai accumulé assez de dégâts au fil des tours, mon adversaire sera mort. ICRPG propose de tout jouer comme en combat pour toutes les actions, et de généraliser l’habituel jet de dégâts, qu’il renomme jet d’effort. Je sens que vous avez besoin d’un exemple ou deux, j’y viens, mais je dois encore préciser une chose : le type de dé du jet d’effort dépend de la manière dont vous accomplissez votre action. De base, c’est 1d4. Les dégâts des armes font 1d6. La magie permet un effort à 1d8, et chaque personnage a aussi un score d’effort ultime à 1d12 utilisé après un 20 naturel. Évidemment, ces scores d’effort de base peuvent être améliorés à la création du perso et par la suite.

Mais je vous avais promis un exemple : Le voleur tente de crocheter la porte. C’est une serrure magique bien conçue, elle a donc l’équivalent de 20 points de vie. Tour 1, le voleur lance son jet de dextérité. Il réussit, il lance donc son jet d’effort (1d4+2 par exemple). Il obtient 4. Il devra donc réitérer son jet dans les tours prochains jusqu’à ce qu’il ait accumulé 20 points d’effort pour « vaincre » la serrure. Si au deuxième tour il fait 20 à son jet de dextérité, il pourra lancer son dé d’effort ultime, soit 1d12, ce qui lui permettra peut-être de progresser plus vite. La mécanique fonctionne tout autant si un personnage veut déchiffrer un vieux codex, s’il recherche des informations sur un gangster sur les docks, s’il escalade une falaise, s’il dresse un animal, s’il construit un château, etc.

Et je vous entends déjà me dire que c’est un peu chiant de lancer plusieurs tests pour accumuler de l’effort alors qu’on peut faire un simple test et décider du succès. Et vous auriez raison, si le jeux ne proposait pas deux autre mécaniques qui, utilisées de concert, rendent les choses bien plus intéressantes…

Le jeu « tour par tour »

En combat, nous avons l’habitude de découper le temps en rounds pendant lesquels chaque personnage joue à son tour. Ici aussi ICRPG propose de tout jouer comme en combat. On joue donc toujours en tour par tour, sauf que, évidemment, la durée du round varie selon la situation. Elle peut être comptabilisée en moments (pendant un combat, une course poursuite, etc.), en heures (réparer une armure, se soigner, déchiffrer un parchemin) ou en jours (construire un bâtiment, créer un objet magique, entraîner une armée, voyager vers un pays lointain, etc.)

Chaque personnage peut donc, à son tour, réaliser une action et accumuler de l’effort dans le but de terminer sa tâche. Je vous sens encore d’humeur à vouloir un exemple : deux personnages arrivent dans leur village natal après une aventure trépidante mais épuisante. Le MJ a prévu que ce sera l’occasion pour les personnages de se ressourcer, il annonce que les rounds durent désormais un jour. Au premier tour, le guerrier retourne à la forge de son père. Il y découvre que ce dernier est malade et qu’il a pris un apprenti un peu maladroit. Le guerrier déclare au MJ : j’utilise mon tour pour former ce petit gars à la forge. le MJ décide qu’avec un peu de pratique, l’apprenti y arrivera : c’est une tâche à 10 PV. Le joueur lance son jet de charisme, qu’il réussit. Comme il s’agit de forger des armes, le MJ lui autorise à lancer un jet de dégâts d’armes pour son effort. 1d6+2 = 4. Au soir du premier jour, l’apprenti commence à apprendre mais il y a encore du boulot. Le deuxième personnage est le magicien. Il a ramené de ses aventures un vieux grimoire poussiéreux qu’il décide de déchiffrer. Le MJ sait que ce livre est un enjeu important de sa campagne. Il déclare une tâche à 40 points de vie. Au fil des tours (et donc des jours), le magicien accumulera de l’effort jusqu’au déchiffrement complet du grimoire.

Et là, de nouveau, vous vous dite « OK, mais ça sert à rien, un seul test aurait pu suffire : soit l’apprenti est formé, soit non, et le grimoire est déchiffré ou pas ». Certes, mais c’est sans compter sur notre troisième mécanique…

Le timer

On vous la fait depuis toujours au cinéma : la bombe va exploser dans 42 secondes, l’étoile noire sera à portée de tir dans une minute, etc. Le timer d’ICRPG a le même effet : décider d’un événement qui va tout bouleverser et provoquer un rebondissement.  Le timer est un d4 que le MJ lance à la vue de tous (il relance les 1). Dans un nombre de rounds équivalent au score obtenu, quelque chose va se passer. Parfois les joueurs savent quoi, parfois pas. Ça peut être un truc que le MJ a prévu, ou bien un événement qu’il va improviser. Quoi qu’il en soit, quelque chose d’important va se passer. Dans notre exemple ci-dessus, la ville pourrait être victime d’une terrible inondation causée par la fonte trop rapide d’un glacier (ce qui conduira les personnages à essayer de comprendre pourquoi). 1d4 rounds, donc dans cet exemple, 1d4 jours. Les joueurs voient ce d4, ils savent que quelque chose arrive. Du coup, ça devient plus important de savoir si l’apprenti sera formé à temps ou si le livre sera déchiffré (OK, surtout le livre, je vous l’accorde).

La magie du truc, c’est que ça marche pour tout. Dans 1d4 rounds…

  • le piège recrache de l’acide dans la pièce (c’est donc important de savoir si le voleur ouvre la porte à temps ou pas)
  • le dragon souffle de nouveau (c’est donc important de savoir s’il sera vaincu avant)
  • un nouveau robot tueur s’anime (les personnages auront-ils désactivé le serveur à temps ?)
  • le pont s’effondre (les personnages auront-ils traversé ?)
  • la porte se referme (tous les otages auront-ils eu le temps de fuir ?)
  • le portail vers l’enfer s’ouvre (le rituel de protection sera-t-il terminé ?)
  • les croiseurs du Nouvel Ordre arrivent (la résistance aura-t-elle évacué sa base avant ?)

Et on peut même combiner plusieurs timers : imaginez une décompte pour savoir quand le pont va s’effondrer, quand des renforts vont arriver et quand le dragon pourra utiliser son souffle à nouveau. Vous pouvez même vraiment foutre le bordel en utilisant des timers en rounds mais aussi en tours. Baissez le score du d4 à la fin du tour de chaque joueur. Vous parlez d’un sentiment d’urgence !

L’important c’est de toujours avoir un timer. Ainsi les joueurs vont à l’essentiel, on évite les longs moments où les persos font du shopping et partent tous azimuts sans que rien ne se passe. Si je sais que j’ai trois jours avant un événement important, je vais me focaliser sur ce que je juge prioritaire. En combat, si vous avez un enjeu lié à un timer, ça rend les scènes tout de suite plus tendues. Un bon outil pour créer des scènes mémorables !

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Il y a encore beaucoup à dire sur Index Card RPG. On pourrait parler de la difficulté unique par rencontre, du système de distances utilisant une banane (si si !), de la maquette géniale, de la qualité des textes qui en font un modèle d’explication de règles, des conseils pour créer des rencontres ou des scénarios, des cartes illustrées qui donnent son nom au jeu. Nous y reviendrons donc certainement dans un prochain article.

Et vous, avez-vous lu ICRPG ? Qu’en avez-vous pensé ? Dites-nous tout !

 

 


Des scènes qui ont de l’impact

On continue à parler des scènes. L’article précédent évoquait les fondamentaux et des éléments qui pouvaient ajouter du piment à une scène. Aujourd’hui, attardons-nous sur la structure de cette histoire condensée qu’est votre scène.

Un début, un milieu et une fin

Puisqu’une scène est une mini-histoire, elle doit forcément avoir un début. C’est le moment où le MJ expose la situation afin que les joueurs sachent bien de quoi il retourne. Si c’est un combat, le MJ décrit la position des adversaires (parfois il pose ses figurines sur la table), les éléments du champ de bataille qui pourront avoir une importance et il pose également l’enjeu du combat (ou en tout cas ce qui peut paraître comme l’enjeu principal aux yeux des personnages). Si on parle d’une scène d’infiltration, le MJ doit décrire le bâtiment à infiltrer, les systèmes de sécurité évidents, la position des sentinelles, etc. Bref, à la fin de l’introduction d’une scène, les joueurs doivent savoir clairement de quoi il retourne avant de se lancer dans l’action. Évidemment, le MJ ne parlera que des éléments que les personnages peuvent percevoir. C’est même idéal d’en garder sous le coude pour le retournement de situation qui surviendra plus tard.

Où commencer une scène ? Le conseil donné aux scénaristes de cinéma c’est « entrez tard, sortez tôt ». En gros, commencez la scène au plus près de l’action intéressante (et donc évitez les introductions trop longues) et terminez la scène dès que la partie intéressante est terminée). Faites pareil en jdr. Mais c’est plus délicat, car vous ne pouvez pas présager des actions des joueurs. Impossible de commencer la scène d’effraction par « OK, vous êtes accroupis devant la porte en train de crocheter la serrure ». Ils vont vous hurler dessus et vous dire que l’un d’entre eux voulait d’abord inspecter le quartier pour trouver la meilleure issue, qu’un autre voulait vérifier la présence de caméras, etc. Le mieux est donc de les amener au plus près de la partie intéressante, sans avoir trop présagé de leurs actions.

Notre mini-histoire a un milieu. Les personnages entrent en action, les PNJ et l’environnement réagissent par l’entremise du MJ, et le ping-pong commence. C’est là qu’il faut justement éviter le ping-pong chiant et répétitif. Le conflit doit apparaître de manière évidente, l’enjeu doit évoluer, on peut introduire le fameux retournement de situation (des renforts arrivent, la serrure était piégée, le personnage interrogé détient une info inattendue qui bouleverse tout ce que les joueurs croyaient savoir, etc.) Nous verrons plus loin comment faire en sorte d’éviter les scènes plates et convenues.

Et notre mini-histoire a une fin. C’est délicat pour le MJ de mettre un terme à une scène très tôt comme on le conseille aux scénaristes. Il ne doit pas frustrer les joueurs qui avaient peut-être encore des choses à y faire ou des informations à y glaner. Mais dans le même temps il ne doit pas faire traîner sa scène en longueur pour éviter l’ennui. En général, si le retournement de situation a eu lieu et qu’il a été géré, que l’enjeu de la scène est réglé pour les PJ, il est temps d’envisager de terminer la scène. Les derniers orcs s’enfuient, la course-poursuite atteint sa conclusion, le PNJ n’a plus rien à révéler, etc. Si les joueurs s’entêtent, vous pouvez leur faire comprendre, ou leur dire carrément que la scène est terminée. Par exemple « après l’avoir cuisiné pendant une heure, vous avez la certitude qu’il vous a révélé tout ce qu’il savait ».

Star Wars 8À la fin d’une scène, soit les PJ ont obtenu ce qu’ils voulaient (rappelez-vous, le conflit d’une scène vient de ce que veulent les personnages), soient ils ne l’ont pas obtenu. C’était l’enjeu de la scène, et en gros on y répond par « oui », « oui, mais » ou « non ». En cas de foirage complet, on peut avoir « non, et pire encore… » La difficulté pour le MJ c’est que la plupart des scénarios prennent pour acquis que chaque scène se termine par « oui ». Il faut donc pouvoir assumer le « non » sans que le scénario ne puisse plus progresser. Si lors de leur effraction les PJ doivent fuir sans les indices qu’ils étaient venus chercher, il faut que le scénario prévoie un autre moyen pour eux d’obtenir les informations, ou des informations qui leur permettent d’arriver aux mêmes conclusions. Sinon, c’est que l’obtention des infos n’était pas le véritable enjeu de la scène (puisque c’est obligatoire). il doit alors y avoir un autre enjeu, comme avoir trouvé les indices, mais sans se faire repérer ou sans laisser de trace de son passage.

Lorsque vous mettez fin à une scène, passez tout de suite à la suivante en entamant son introduction et « keep the ball rolling »…

La polarité d’une scène

À tout moment d’une histoire, le récit est polarisé positivement ou négativement. En gros, les choses vont bien pour les personnages, ou elles vont mal. Le but d’une scène étant de faire évoluer votre histoire, c’est toujours intéressant que la polarité change au cours d’une scène. Si elle reste constante, la scène sera probablement inintéressante et n’aura que peu d’impact. Un exemple ? Indiana Jones fait face à un sabreur qui lui fait une démonstration de son talent à l’épée. La scène est chargée négativement, Indy va se faire découper en morceaux. Et puis bang, Jones sort son flingue et abat l’escrimeur d’une balle. Changement de polarité brutal !

indianajones

Pour modifier la polarité d’une scène, vous n’avez malheureusement pas les possibilités qu’ont les scénaristes de cinéma puisque vous ne pouvez pas décider des actions des protagonistes. Il vous faut donc trouver autre chose, un événement qui va inverser la situation pour les personnages, un retournement inattendu. Dans une scène qui commence négativement, quelque chose de positif viendra changer la polarité. Dans une scène où tout semble rouler, un truc foireux va venir foutre la merde.

Un exemple : les PJ poursuivent un assassin qui vient de les rater. Ils lui mettent le grappin dessus et découvrent qu’il s’agit d’un PNJ en qui ils avaient toute confiance. La scène est clairement chargée négativement. La suite logique est un interrogatoire du PNJ. Idéalement, les PJ obtiendront des informations importantes et des révélations qui leurs feront comprendre les raisons de cette trahison. La scène finit positivement…

Ca marche aussi pour les combats. Si le combat commence bien, les PJ ont l’initiative, ils réussissent toutes leurs attaques, ça risque d’être vite réglé et plutôt chiant. il vous faut un truc pour polariser la scène négativement : des renforts ennemis, un monstre avec une capacité spéciale, quelque chose qui prend feu, etc. Même si le combat finit bien pour les PJ, la polarité sera passée de + à – avant de revenir à +. Idéalement, ce serait bien qu’elle finisse négativement. Une blessure grave ? Un élément d’équipement important détruit ? Un ennemi important qui s’enfuit ? Les PJ peuvent avoir vaincu leurs adversaires mais échoué à remporter l’enjeu du combat (ils ont mis trop de temps par exemple). Bref, varier la polarité, c’est important. Les montagnes russes sont bien plus palpitantes que les autoroutes…

Beat iiiiiit !

De la même manière qu’on peut découper une histoire en scènes, on peut découper une scène en beats. Un beat est le plus petit élément de structure narrative. Chaque fois que quelque chose change dans la scène, nous entrons dans un nouveau beat. Chaque action et sa réaction constituent en général un beat. Et le beat est d’autant plus intéressant si la réaction est surprenante ou imprévisible. Donc, dans un combat, les suites de « je t’attaque, tu m’attaques, je t’attaque, tu m’attaques », c’est le mal. Chaque beat est identique au précédent et ne fait pas vraiment évoluer la scène. Bref, dès que vous pouvez sortir un truc de votre chapeau pour amener un élément surprenant, n’hésitez pas.

Silence des agneauxC’est pareil en dehors des combats. Si nous en revenons à l’interrogatoire du traître, il sera également composé de beats. En général une question et sa réponse. Ici aussi il faut que chaque beat fasse avancer la scène. Soit parce que la réponse est inattendue, apporte une révélation choquante, ou parce que l’interrogé réagit de manière surprenante (les PJ s’attendent à un interrogatoire musclé et le traître fond en larmes, par exemple).

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Voilà, structurer une scène comme une histoire avec un début, un milieu et une fin ; vous assurer que la polarité change pendant la scène, et idéalement que la scène finisse avec une polarité inverse du début ; bien penser à surprendre et faire avancer l’histoire avec chaque beat. Trois trucs qui vous permettront de jouer des scènes dont vos joueurs se souviendront.

Un commentaire, une question, une critique ? N’hésitez pas, le bouton « commenter » n’est pas loin…

 

 

 


Mettez du piment dans vos scènes

Writing for emotional impactIl y a pas mal de temps, j’avais allègrement pillé Karl Iglesias et son Writing for emotional impact pour vous parler de différentes choses, notamment sur la manière de rendre vos antagonistes mémorables. Revenons à cet excellent bouquin – destiné, je vous le rappelle, aux scénaristes de cinéma – et continuons de le piller pour transposer ce qu’il nous dit des scènes au cinéma vers le jeu de rôle.

3 types de scènes

Les scènes d’exposition ont pour but de transmettre des informations. Au spectateur dans le cas d’un film, aux joueurs dans le cas du jdr. Ces scènes établissent le contexte, peuvent informer les joueurs sur les lieux où vont se dérouler le scénario, la période où il se déroule, etc. Elles peuvent aussi servir de transition en montrant le temps qui passe ou le déplacement des personnages. Lors d’une partie de jeu de rôle, typiquement ces scènes ne sont que de pures descriptions du MJ qui va montrer aux joueurs la planète sur laquelle ils sont en train d’atterrir, le mausolée qu’ils vont piller, l’armée de gobelins qu’ils vont affronter, le bâtiment d’où ils vont devoir exfiltrer un prisonnier, etc. C’est ici aussi que le MJ décrit les gens dans la rue afin d’immerger les joueurs dans l’ambiance des années 20, qu’il décrit l’orage qui approche, les trois jours de voyage en calèche jusqu’à la capitale, etc. Ces scènes ne comportent généralement aucun conflit et n’ont pour enjeu que d’informer les joueurs. Il faut donc les garder courtes, puisqu’elles ne font pas avancer la fiction. Notez que ces scène peuvent aussi servir de moment de relâchement entre deux scènes dramatiques très tendues, un peu comme une remontée lente dans des montagnes russes.

ET extra terrestreLes scènes spectaculaires, au cinéma, sont celles qui font la part belle aux effets spéciaux : les tornades de Twister, le vélo d’Elliott qui décolle dans E.T., les dinosaures dans Jurassic Park. On parle ici aussi de scènes sans conflit. Dans Jurassic Park, l’attaque du T-Rex est certes spectaculaire, mais c’est une scène dramatique puisqu’elle comporte un enjeu et du conflit. Ces scènes ont pour objectif d’amuser le spectateur, de créer l’effet Wow! qui scotchera le public à son fauteuil. En jeu de rôle, des scènes spectaculaires sont celles où le MJ parle tout seul, d’une voix forte. Il s’emballe, fait des grands gestes et montre le volcan qui explose (loin des PJ, sinon c’est une scène dramatique puisqu’il y aura l’enjeu de la survie immédiate des personnages), la base sidérale qui sort de l’hyper espace ou le passage d’un vol de dragons d’argent. Ici aussi, pas d’enjeu, donc faites cours. Quelques phrases bien senties suffisent, inutile de parler pendant 10 minutes de chaque coulée de lave. Votre objectif est d’emmener les joueurs avec vous dans un voyage à grand spectacle. Si c’est trop long, ça va les ennuyer, ce qui est l’effet inverse de ce que vous recherchez.

Enfin, les scènes dramatiques sont le cœur de la narration. C’est lors de ces scènes que l’histoire avance, que les personnages dialoguent, entrent en conflit, évoluent, vivent des émotions. Que ce soit au cinéma ou dans le jeu de rôle, ce sont les scènes les plus nombreuses et les plus importantes. Elles doivent avoir un enjeu, faire avancer l’histoire, et apporter leur lot d’émotions aux joueurs. Tout ce qui suit ne parlera que des scènes dramatiques.

Chaque scène est une histoire en concentré

Chacune de vos scènes est une histoire, avec un début, un milieu et une fin. Un début qui pose l’enjeu, qui pose la question dramatique à laquelle la scène devra répondre, un milieu qui fait monter la tension et un climax qui conduira les joueurs naturellement vers la scène suivante.

Une scène a trois buts : faire avancer l’histoire au travers d’un conflit, révéler des éléments sur les personnages et avoir un impact sur le public (dans le cas du jdr, les joueurs). Ici il faut différencier le jdr du cinéma. Si c’est bien souvent vous qui posez le conflit de la scène et mettez les choses en place pour provoquer des émotions, la révélation d’éléments des personnages n’est de votre ressort que pour ce qui concerne les PNJ. Ce sont les joueurs qui sont responsables d’exposer des éléments de leur personnage pendant la scène (et soyons francs, c’est assez rare).

Pour en revenir aux émotions, c’est vraiment là que de nombreuses scènes de jdr pêchent. Si la scène n’apporte aucune tension, qu’elle ne titille pas la curiosité des joueurs, qu’elle n’est pas fascinante, alors elle est émotionnellement neutre. Une scène neutre est une scène morte. Au cinéma on la couperait au montage. En jdr, il vaut mieux simplement ne pas la joueur… Mais rassurez-vous, c’est facile de créer de l’émotion, il suffit que la scène comporte un élément de conflit. On pourrait résumer le conflit en « quelqu’un veut vraiment quelque chose et il a beaucoup de mal à l’obtenir ». Attention, conflit ne veut pas spécialement dire combat. Un combat est bien sûr un conflit – et il doit comporter ses propres enjeux – mais un interrogatoire, une effraction, l’escalade d’une falaise, une approche furtive, une dispute, un débat tendu en sont tout autant.

Il est possible d’avoir une scène dramatique sans conflit. Dans ce cas, la scène promet un conflit à venir et met les éléments en place pour que les joueurs anticipent ce conflit. Cette anticipation est l’impact émotionnel que vous recherchez dans vos scène dramatiques.

Les éléments d’une bonne scène

Si vous voulez ajouter un impact émotionnel à une scène un peu banale, il y a toute une série d’éléments que vous pouvez y ajouter.

Un lieu marquant. Une discussion tendue dans un parc et la même discussion dans un entrepôt abandonné, ça ne donnera clairement pas la même scène. Penser au lieu où se déroule la scène vous permettra de présager de l’impact qu’il aura sur les joueurs.

Le bon moment. Comme pour le lieu, une même scène à midi ou à minuit aura un impact différent. Évidement vous êtes tributaire des choix des joueurs et vous n’aurez parfois pas le choix du moment. Mais si vous pouvez choisir, réfléchissez à l’impact que vous voulez donner afin de choisir le moment adéquat.

La météo. Toujours pareil, si vous avez le sentiment que votre scène manque un peu de piment, changez la météo. En termes d’impact, la pluie apportera certainement une ambiance plus négative qu’un soleil radieux. Pensez à du brouillard, de la bruine, de la grêle, un vent glacial ou au contraire une légère brise d’été, un ciel dégagé, etc. Reprenez le T-Rex dans Jurassic Park. Il fait sombre et il tombe une pluie battante, ça ajoute clairement une ambiance effrayante, surtout en contraste avec le côté léger des scènes qui précèdent (la présentation du parc par John Hammond et l’examen de la méga crotte de Tricératops).

Un lien de cause à effet. Tout ce que vous avez placé dans les scènes précédentes peut ressurgir et évoluer dans la scène en cours. L’exemple classique : si lors d’une scène précédente le groupe a découvert la trahison d’un de leurs amis, l’impact émotionnel sur les joueurs sera très fort lorsqu’ils pourront confronter ce traître et résoudre ce problème. Essayez de penser à un élément du passé à réintroduire dans votre scène pour donner ce sentiment de continuité. Cet élément peut être minime, une simple information glissée quelques scènes plus tôt. Prenons un exemple. Je ne sais pas moi, Jurassic Park, tiens. Le T-Rex attaque. Au début du film on nous a dit que son acuité visuelle est basée sur le mouvement. Quand la fillette allume la lampe torche, on comprend tout de suite que les problèmes arrivent et la tension monte d’un cran.

L’attitude des PNJ. Vous ne pouvez pas décider de l’attitude des héros, généralement joués par les joueurs. Mais l’attitude de vos PNJ aura un impact important sur votre scène. S’ils se comportent de manière agressive, s’ils ont l’air tellement sûrs d’eux que ça cache quelque chose, s’ils font mine de gagner du temps, etc., vos joueurs soupçonneront quelque chose. Soupçonner, c’est une émotion, bingo !

Un objectif qui apporte un conflit. Nous en revenons au fondamental « quelqu’un veut vraiment quelque chose et il a beaucoup de mal à l’obtenir ». Il vous faut maintenant déterminer les détails. « Quelqu’un », en général, ce sont les PJ. Ils « veulent vraiment quelque chose ». Que veulent-ils ? Une information ? Entrer dans un bâtiment ? Casser la gueule à quelqu’un ? Survivre à une embuscade ? Séduire un PNJ ? Rattraper la bagnole qui s’enfuit ? « Ils ont beaucoup de mal à l’obtenir ». Évidemment. Si l’objectif est facile, ça n’a aucun intérêt. Il faut donc que quelque chose les empêche d’atteindre l’objectif. Ça peut être un PNJ, l’environnement, ou les PJ eux-mêmes. Un PNJ, car si les PJ veulent une info dans une scène d’interrogatoire, c’est le PNJ interrogé qui fait de la rétention. L’environnement peut être le système d’alarme de la porte, la hauteur de la falaise à escalader, le vide spatial qui s’étend entre les PJ et la capsule de survie, etc. Les PJ eux-même peuvent être l’obstacle. Un PJ qui a la phobie de l’eau aura bien du mal à nager jusqu’à l’autre rive, même si la rivière est calme et étroite. Un PJ amoureux d’un PNJ aura bien du mal à tirer l’épée contre l’amour de sa vie. L’objectif est l’élément central d’une bonne scène. Si votre scène ne comporte pas cet élément de conflit, elle aura bien du mal à être intéressante.

Panic roomUn enjeu fort. C’est la suite du point précédent. Les PJ veulent un truc et quelque chose les en empêche. OK, et que se passe-t-il s’ils n’obtiennent pas ce qu’ils veulent ? Quel est l’enjeu du conflit ? Si l’enjeu est faible, la scène sera molle. Imaginons que les PJ veulent pénétrer par effraction dans une maison. Que se passe-t-il sils échouent ? Si l’enjeu se résume à « tant pis, ils n’y arrivent pas, ils repartent bredouille », c’est assez nul. Pensez plutôt à l’alarme. Elle se déclenche, du coup un voisin vient voir ce qui se passe. Et puis la police ou une société de gardiennage arrive. L’alarme met-elle en marche une webcam qui filme les PJ ? Bref, un bon enjeu ne se contente pas de répondre « non » à la question dramatique de la scène, il apporte des éléments à la fiction, que vous pourrez réutiliser plus tard (remontez trois points plus haut, vous verrez que c’est important).

Tous ces éléments sont vos sels, currys, piments, clous de girofle et noix de muscade qui vous permettent de créer de bonnes scènes. Mais ils ne suffisent pas. Nous l’avons dit, une scène est une histoire en concentré, il faut donc les structurer. Mais comme cet article est déjà bien assez long, nous aborderons le sujet dans sa suite à venir rapidement. En attendant, n’hésitez pas à commenter !

 

 


Always split the party !

Split the partySi vous jouez au jeu de rôle depuis plus de quinze jours, vous avez sans doute entendu cette maxime, prononcée avec la même solennité que celle d’un médecin prononçant le serment d’Hypocrate : « il ne faut jamais séparer le groupe », never split de party dans la langue de Gary Gygax.  Certes, cet encouragement à la prudence a sauvé la vie de nombreux personnages, car ils sont forcément plus forts ensemble pour vaincre les menaces. Mais souvenez-vous des films et des séries que vous regardez. Les héros sont-ils toujours ensemble ? Même ceux qui travaillent en équipe, comme les Avengers ou les X-Men, se séparent. Bien sûr c’est plus dangereux, mais c’est aussi plus tendu et stressant. Alors, s’il vous plaît, séparez le groupe !

Pourquoi ?

Parce que, déjà, c’est souvent plus cohérent, dans les séquences de recherche d’informations, que le groupe se sépare. Deux vont à la bibliothèque tandis que deux autres vont interroger les moines de l’abbaye et le dernier fait des recherches sur internet. Imaginez la séquence dans un film : les cinq héros qui ne se lâchent pas d’une semelle ? N’importe quel spectateur vous dirait « mais pourquoi ils se séparent pas pour gagner du temps ». Et il aurait raison…

Parce que ça peut amener de la tension. Simplement parce que les joueurs le savent bien, séparés, leurs personnages sont plus vulnérables à une attaque. Ils deviennent donc un peu paranos et stressés. On essaie souvent d’induire des émotions chez les joueurs. Séparer les personnages est un bon moyen.

Parce que c’est porteur d’histoire. Ça peut rendre la fiction plus intéressante si certains personnages ignorent ce que d’autres savent, vivent ou subissent. Dans les jeux qui l’encouragent ou les groupes qui aiment ça, ça permet aussi à chacun de jouer un peu sur son arc personnel, qui peut entrer en contradiction avec les objectifs du groupe. Dans The Blacklist, Elisabeth Keen profite de l’absence de Raymond Reddington pour appeler Tom. Et ce même si elle lui a promis de ne pas le faire cinq minutes plus tôt.

Scooby doo split up the gangParce que ça amène du suspense, et le suspense, c’est bien ! Lorsque le groupe est divisé, une partie peut apprendre une information capitale pour l’autre moitié du groupe. Arriveront-ils à faire passer l’info à temps ? Comment vont-ils s’y prendre ? Si l’information indique une menace, arriveront-ils à rejoindre leurs compagnons pour les aider à temps. Dans Stranger Things, quand Lucas se sépare de Mike et Dustin, il comprend que les camionnettes de la compagnie d’électricité sont les véhicules des agents du centre de recherche. Il les repère ensuite qui partent en direction de la ville pour récupérer 011. La tension de la scène suivante où il hurle dans son talkie en pédalant comme un forcené pour rejoindre ses amis est l’exemple parfait du suspense dont je parle.

Comment (dans la fiction) ?

Never split the party est tellement ancré dans l’ADN des joueurs qu’ils font en général tout ce qui est en leur pouvoir pour rester ensemble. À vous de les forcer à se séparer s’ils ne sont pas enclins à le faire.

1 – Le facteur temps

Si les personnages ont tout le temps de rassembler des infos, il n’y a aucune raison qu’ils se séparent. Maintenant s’ils ont deux heures pour interroger quatre suspects, fouiller deux endroits et compulser un ouvrage rare, il faudra bien qu’ils partent chacun de leur côté. Un information peut n’être disponible que très peu de temps (le témoin quitte le pays dans une heure, mais il ne parlera que si ses parents sont mis en sécurité : le groupe doit donc se séparer pour intercepter le témoin et récupérer ses parents).

2 – Des PNJ exigeants

Le fameux message qui se termine par « et venez seul ». Bien sûr les autres joueurs vont tenter de s’incruster, mais si vous jouez bien le coup, ils pourront peut-être rester aux alentours, mais ils devront bien laisser partir un personnage seul. Ça marche aussi si vous touchez à l’arc personnel du personnage, par exemple en mettant en danger un PNJ qui lui est proche, ou en faisant en sorte que le message vienne de lui. Un de vos PJ cache peut-être un secret qu’il n’a pas envie de voir révélé à ses compagnons. Si vous jouez là-dessus, c’est le joueur lui-même qui fera en sorte de séparer le groupe. Ma dernière partie de FATE s’est terminée au moment ou une PJ pénétrait seule dans une maison en sachant pertinemment qu’il s’agit d’un piège mortel. Les autres PJ ne sont pas loin, mais elle est seule face au Comte Dracula et Lucy Westenra qui détiennent des otages. Je vous laisse imaginer la tension autour de la table…

3 – La scène anodine (en apparence)

Un PNJ invite un personnage à dîner. C’est clairement le genre de scène où on va seul. Mais peut-être que ce dîner cache quelque chose : une révélation importante, une trahison, une embuscade, …

Comment (autour de la table) ?

1 – L’aparté

Scream movieSi vous êtes un lecteur assidu de ce blog, vous vous souviendrez peut-être qu’il y a plus de quatre ans, j’écrivais un réquisitoire contre les apartés. Mon avis n’a pas changé depuis. Mais il faut bien l’admettre, un aparté peut être un outil intéressant s’il est utilisé avec parcimonie et s’il reste (très) court. Surtout si l’objectif est de divulguer une information dont le reste du groupe aurait besoin. Même avec des joueurs matures qui savent faire la part des choses entre eux et leurs personnages, si l’information est capitale, il est possible qu’ils agissent malgré tout différemment. Imaginons que le groupe soit séparé. Trois PJ suivent un PNJ. Deux autres PJ apprennent, à l’autre bout de la ville, que ce PNJ est un traître. C’est là l’occasion d’un aparté utile, car si la première partie du groupe apprend la trahison du PNJ, il y a fort à parier qu’ils se méfieront alors que jusque là ils avaient une confiance aveugle. Laissez les PJ au courant tenter par tous les moyens d’informer leurs compagnons à temps, vous aurez là une bonne scène tendue à souhait.

2 – Le petit bout de papier

Une toute petit information peut tenir sur un post-it. Passez-le au joueur concerné et sans avoir les ennuis de l’aparté, vous créer une différence de connaissance entre ce joueur et les autres. Ça peut créer suffisamment d’ironie narrative pour rendre la scène intéressante. Vous pouvez pousser le vice jusqu’à ostensiblement passer le papier au joueur. Les autres savent ainsi qu’il y a quelque chose qu’ils ignorent. Encore un peu de tension gratuite.

Repères : l’ironie narrative. Dans un récit, on parle d’ironie narrative quand le public est au courant de quelque chose que le personnage ignore. Le procédé est utilisé pour créer de la tension. L’exemple classique c’est le plan qui montre un assassin caché dans la maison alors que le personnage rentre chez lui innocemment. C’est souvent délicat à utiliser en jeu de rôle, puisque les joueurs sont autant spectateurs qu’acteurs. 

3 – Devant tout le monde

Discutez alternativement avec les différents groupes sans chercher à cacher ce que vous dites. Si aucun groupe n’apprend une information qui pourrait apporter de la tension, un aparté n’est pas nécessaire. Si la moitié du groupe est pris dans une embuscade, pourquoi faire sortir le reste des joueurs ? Ils n’y peuvent rien, alors autant qu’ils assistent à la scène. Si l’ennemi se révèle dangereux, finalement ils seront stressés de le recontrer à leur tour, et vous voilà de nouveau avec un peu de tension à table. Et puis le groupe séparé peut très bien s’en sortir sans problèmes. Si vous avez une scène de recherches d’informations, vous gagnerez du temps en donnant les indices devant tout le monde puisque vous éviterez une longue discussion quand chaque groupe fera son rapport aux autres.

Ce qu’il ne faut pas faire

1 – Séparer le groupe pour leur péter la gueule. Si vous voulez simplement les séparer pour avoir plus de facilités à leur mettre la pâtée pendant un combat, vos joueurs vous en voudront très certainement. À moins que tout cela ne soit justifié dans la fiction, prenez bien garde à ne pas profiter de la situation. Sinon, la prochaine fois, rien ne pourra plus forcer les joueurs à séparer le groupe. Si d’aventure une embuscade est tout à fait justifiée, ne tuez pas les persos. Utilisez l’occasion pour leur faire détester un peu plus les méchants. Montrez qu’ils sont puissants, organisés, violents, mais faites en sorte que le combat soit interrompu avant la fin tragique du PJ : arrivée des autorités, nombreux témoins qui arrivent sur la scène, etc.

2 – Faire que ça se passe mal à chaque occasion. Les persos se séparent, et hop, un truc foire. Si vous faites ça, ils ne se sépareront plus jamais. Parfois, ça peut foirer, mais parfois, ça peut simplement bien se passer.

3 – Abuser. Le jeu de rôle reste une activité de groupe. Le titre de l’article dit always  en contre pieds au never split the party, mais en vérité le titre devrait être why not

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Qu’en est-il pour vous ? Considérez-vous le never split the party comme une religion ? Quand vous êtes joueurs, vous faits toujours en sorte de rester groupés ? Vous avez d’autres trucs de MJ pour séparer le groupe ? Dites-nous tout !


Dites oui

YESQuand James Lipton, dans son émission Inside the Actors Studio, a demandé à Steven Spielberg quel était son mot préféré, le réalisateur a répondu « Yes ». En tant que MJ, nous avons beaucoup à apprendre de Spielberg. Peut-être pourrions-nous commencer par aimer dire « oui »…

J’entends par là dire oui aux joueurs. À leurs demandes un peu couillues, à leurs propositions qui tordent le bras à une règle, à leurs actions héroïques logiquement vouées à l’échec. Dites oui, et le personnage du joueur aura l’air grandiose, attirera un instant la lumière des projecteurs, et permettra aux autres d’embrayer et d’également proposer des trucs un peu fous. « J’utilise le bouclier pour glisser sur les marches et je tire trois flèches sur les orcs ». Le MJ de cette partie de D&D portée à l’écran aurait pu dire non. Et ça nous aurait privé de la scène qui sert le plus souvent d’exemple sur tous les blogs rôlistes de la planète. Grâce à son oui, et même si franchement c’est un peu n’importe quoi, on a eu quelques secondes cool à l’écran.

Attention cependant : dire oui c’est facile. Mais respectez tout de même quelques règles pour que ça reste intéressant.

Règle numéro 1 : attention au genre

Reprenez la scène du bouclier dans l’escalier. Mettez là dans une partie de l’Appel de Cthulhu. Vous le voyez l’universitaire à lunettes en costume de tweed sur le bouclier ? C’est naze ? OK, vous avez compris. Il faut dire oui, mais pas à tout et n’importe quoi. L’action proposée par le joueur doit tout de même un tant soit peu respecter les codes du genre de votre partie. Dans du pulp décomplexé, vous pouvez y aller. « Oui, tu peux sauter du biplan sur le zeppelin en tirant à la mitrailleuse sur le mec en jet-pack ». Dans d’autres genres, il faut garder la tête froide. Soyez conscient qu si vous acceptez des trucs hors genre, vous risquez de complètement détériorer la fiction et perdre toute cohérence.

Règle numéro 2 : tordre un peu les règles, pas les briser

jamebondAutoriser un joueur à bondir d’un avion en tirant, ça ne veut pas dire qu’il va réussir automatiquement, ni même qu’il ne risque pas de sa vautrer. Autorisez le test, ne soyez pas trop dur en y allant trop lourdement sur les malus, mais ne laissez pas tout passer comme une fleur. Vous pouvez aller un peu à l’encontre des règles en autorisant un déplacement et une attaque alors que vos règles l’interdisent peut-être. Mais ne soyez pas trop gentil non plus. En gros, ce perso qui saute de l’avion, il peut tirer, réussir ou rater, mais probablement qu’il chutera lourdement sur le zeppelin et qu’il devra se rattraper de justesse. Si vous autorisez tout et n’importe quoi au niveau des règles, la table va perdre ses repères et plus personne ne pourra plus faire la différence entre ce qui est possible et ce qui ne l’est pas. Après si vraiment vous voulez que les persos fassent des cascades de malades, alors n’ayez plus de limite. Il peut même faire un salto en retombant sur le zeppelin parce que c’est plus cool. Et surtout (surtout !) rajuster ses boutons de manchette après.

Règle numéro 3 : soyez équitable

Dites oui à tous les joueurs. Il n’y a rien de plus frustrant que de voir un joueur voler la vedette aux autres. Si un perso peut faire un truc dingue, les autres aussi. Et si vous avez un joueur plus réservé, encouragez-le à faire des trucs fous pour braquer aussi les projecteurs sur son perso. Lâchez la bride à tout le monde, et imposez les mêmes limites à toute la table, y compris vous avec vos PNJ.

Du côté des joueurs

Les joueurs peuvent proposer des choses dingues. Mais eux aussi doivent respecter les règles ci-dessus. À vous de les en informer, ou de faire comprendre les règles au travers de vos choix. Les joueurs doivent jouer le jeu et proposer des trucs en lien avec le genre, qui peuvent tordre un peu les règles mais sans vraiment tricher, et ils doivent respecter le temps au devant de la scène de chaque personnage. Et puis, ils ont une quatrième règle à respecter…

La règle de la coolitude

quadripodesComme le site Tvtropes pourra vous l’indiquer : la limite de la suspension d’incrédulité d’un élément est directement proportionnelle à la génialité de cet élément. Dit autrement, si un personnage dans une fiction (et donc en jeu de rôle) fait un truc qui pourrait briser notre suspension d’incrédulité, nous sommes plus enclins à rester crédules et à continuer d’y croire si le truc proposé est vraiment cool. En gros, j’aurais pu arrêter le Seigneur des anneaux dès que j’ai vu Legolas faire du surf sur un bouclier en tirant des flèches au milieu des orcs. Mais comme l’action était plutôt cool, c’est passé. Ça marche plutôt bien dans les James Bond aussi (quoi de plus cool qu’une course poursuite en char d’assaut ou qu’une bagarre au sommet d’une grue à 150 mètres du sol ?) ou dans Star Wars (les quadripodes sont une vaste connerie en terme de design d’une machine de guerre. Pourtant il sont tellement cool que tout le monde les adore sans se poser de question).

44891049Evidemment, la règle de la coolitude est plutôt subjective (ce que je trouve cool peut vous sembler complètement absurde) et dépend grandement du genre : Legolas surfe sur un bouclier dans le Seigneur des anneaux ? Cool ! Jon Snow surfe sur un bouclier dans Game of Thrones ? Ridicule. Il faut donc que ce qui est proposé soit cool, mais pas trop cool…

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Et vous, êtes-vous plutôt du genre à dire oui ? Dites-nous tout en commentaires !